LE CERCLE/POINT DE VUE –

Pour lutter contre les retards de paiement, deux solutions s’imposent. La première consiste à fixer le délai légal unique de paiement à 30 jours. La seconde vise à renforcer le « name and shame ».

Avec  1,8 % de croissance attendue en 2017, le moral des chefs d’entreprise est au beau fixe. Le redémarrage des investissements et les signes de la reprise sont enfin là. Et pourtant, dans ce climat de sérénité retrouvée, les retards de paiement entre entreprises perdurent, contredisant les discours euphoriques sur  une amélioration entendus ces derniers mois. On assiste même à une explosion de ces retards dans les PME (14,5 jours contre 11,8 jours en 2016) et à une baisse encore trop limitée dans les grandes entreprises (9,6 jours contre 10,4 jours en 2016).

Une situation en apparence paradoxale mais qui s’explique. Cette première phase de reprise est source de tensions pour la gestion des PME, qui ont besoin d’investir pour répondre aux nouvelles commandes, embaucher ou payer leurs fournisseurs, mais ne peuvent s’appuyer sur leur trésorerie encore fragilisée par la crise.

Les PME n’ont d’autre choix que de répercuter leurs difficultés sur leurs fournisseurs.

Or dans un contexte d’accès difficile au financement bancaire et où les solutions alternatives comme l’affacturage restent trop coûteuses, elles n’ont d’autre choix que de répercuter leurs difficultés sur leurs fournisseurs. Impossible d’ignorer cette spirale infernale quand les délais de paiement causent la fermeture de 40 PME chaque jour. Mais quelle solution est-il encore possible d’y apporter ?

30 jours maximum

De la LME d’Hervé Novelli aux amendes de la loi Hamon, les pouvoirs publics, conscients de la gravité de la situation, ont pris depuis dix ans une série de mesures pour impulser un changement. En 2016, la loi Macron est venue compléter cet arsenal législatif avec les amendes administratives (rehaussées par la loi Sapin), le rapport du commissaire aux comptes où doivent apparaître les délais de paiement clients et fournisseurs et la dématérialisation. Et, surtout, elle introduisait une véritable révolution culturelle avec la politique du  « name and shame » qui commence aujourd’hui à faire ses preuves.

Mais nos entreprises ne peuvent se satisfaire de ces progrès, qui demeurent insuffisants. Il nous faut donc aujourd’hui aller plus loin pour enrayer définitivement la spirale infernale des délais de paiement. Comment ? En clarifiant le délai légal maximal de paiement, actuellement fixé à 30 jours s’il n’a pas été négocié dans le contrat, qui est l’objet de confusion et d’incertitudes. Une mesure de bon sens, plébiscitée par les entreprises et certains groupements patronaux depuis plusieurs années qui doit pourtant faire face à une levée de boucliers surprenante.

Les entreprises favorables au « name and shame »

Certains arguent déjà que cela affaiblirait la capacité d’emprunt des PME, augmenterait leur endettement et freinerait ainsi leur développement, et donc la création d’emplois. D’autres avancent que cette mesure pourrait « faire des perdants ». Cela n’a pourtant pas empêché les entreprises allemandes, qui paient à 30 jours, d’être parmi les plus performantes en Europe. Ni le secteur des transports de se redresser après l’abaissement du délai légal en 2006 pour soutenir son activité dans une phase difficile.

Un constat partagé par Bruno Le Maire, qui, dans la continuité des politiques publiques menées depuis 2007, a annoncé que le délai légal unique à 30 jours pourrait figurer dans  le projet de loi sur les PME intitulé « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », prévu pour avril 2018, aux côtés de la dématérialisation et d’un renforcement du « name and shame ».

Des mesures qui sont une demande des entreprises elles-mêmes, puisque 56 % souhaitent par exemple une publication des noms des mauvais payeurs dans les bases d’informations légales. Ces annonces nous permettent aujourd’hui d’être optimistes. Car il ne faut pas perdre de vue que c’est en étant payées à l’heure que nos entreprises pourront pleinement profiter de la reprise, croître et gagner en compétitivité.

Denis Le Bossé est président du Cabinet ARC,

Kérine Tran en est directrice juridique.

Source : LES ECHOS