Adeline Martinez,  Credit Manager  chez ROCHE SAS

Adeline Martinez,
Credit Manager
chez ROCHE SAS

1) Pouvez-vous nous dire ce qui vous a conduit vers ce métier ? Quel est votre parcours ?

C’est complètement par hasard que je suis devenue Credit Manager au sein des laboratoires ROCHE, il y a maintenant 2 ans. J’étais à l’époque Manager chez Deloitte & Associés et après 8 ans d’audit financier, j’avais le sentiment d’avoir fait le tour de mon poste et rêvais de trouver un poste captivant en entreprise. En naviguant sur les sites de recherche d’emploi, je suis tombée un jour sur une offre de credit manager qui m’a immédiatement attirée, par la diversité des responsabilités et la grande autonomie que conférait le poste.  Mon profil financier et ma spécialisation rare dans l’audit d’établissements de santé, ont séduit mes recruteurs, qui m’ont donné la charge de sécuriser les 1,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la filiale française.

2) Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans une carrière dans le Credit Management ?

Je lui dirai que c’est un métier très formateur et stimulant, qui permet d’acquérir de multiples compétences. C’est aussi une fonction transversale et donc riche en rencontres : on est au cœur du business de l’entreprise, puisqu’en contact permanant avec les clients, les commerciaux, les services logistiques, l’ADV et on entretient également des relations étroites avec les services supports comme la comptabilité, le juridique, l’informatique, le marketing…

3) Quelles sont, selon vous, les qualités d’un bon Credit Manager ?

Si l’on souhaite se lancer dans le métier de Credit manager et surtout être crédible, je pense qu’il faut avoir un solide bagage financier car une partie du travail consiste à évaluer la solvabilité de ses clients. Il faut savoir analyser un bilan pour détecter les éventuelles fragilités susceptibles d’entraîner des retards de paiement et un compte de résultat pour se faire une opinion sur sa situation économique. Il est nécessaire de faire la différence entre un bilan et un compte de résultat et d’être à l’aise avec la comptabilité,… ça parait basique…mais j’ai rencontré des professionnels du crédit qui ne maitrisaient pas ces notions ! Il faut également avoir ou acquérir assez rapidement un bon bagage juridique car le Credit manager est consulté par exemple pour la mise à jour des CGV, pour la rédaction de clauses spécifiques dans les contrats, en cas de procédure collective d’un client…
Au niveau de ses qualités personnelles, le Credit manager doit être curieux car il est important de bien connaitre les rouages de son entreprise, ses marchés et ses clients. Il doit faire preuve de diplomatie et de fermeté avec ses partenaires en cas d’impayé, de litige, voire de blocage de commande et enfin, de pédagogie avec les équipes commerciales pour les sensibiliser à la gestion du risque client et ses conséquences en cas de dégradation du risque.

4) Pouvez-vous nous décrire votre organisation ? (Comment fonctionne votre service, à qui êtes-vous rattaché, combien de personnes travaillent avec vous, quel est votre périmètre d’intervention,…)

Je suis rattachée à la direction financière de ma société, mon supérieur hiérarchique direct (N+1) est le Directeur Comptable et Fiscale, et mon N+2 est le Directeur Administratif et Financier. Je n’ai pas d’équipe rattachée hiérarchiquement à moi. Néanmoins, la gestion des clients est partagée entre 4 services :
Le service crédit clients qui comprend uniquement le Credit Manager !  
Mes responsabilités principales sont de définir la politique crédit client local, d’analyser la solvabilité de mes clients, d’évaluer le risque client (détermination des plafonds de crédit, des niveaux de risques, conditions de paiement) de gérer la politique de relances, de contribuer à la résolution rapide des litiges, de constituer les dossiers à remettre au service contentieux, de déterminer les provisions en comptabilité, de réaliser des tableaux de bord à destination du management et enfin d’accompagner les responsables commerciaux (rôle pédagogique/ déplacement en clientèle).
L’ADV (effectif = environ 15 personnes) est en charge de la création des comptes clients et de leur mise à jour, de la saisie des commandes et de la gestion des litiges.
Le service comptabilité auxiliaire clients (effectif = 3 personnes) est en charge du lettrage des comptes clients et m’aident au niveau des relances et du recouvrement.
La cellule des marchés (effectif = 5 personnes)  est en charge de la rédaction des contrats avec les commerciaux.

5) Au cours des dernières années, pouvez-vous nous donner votre ressenti sur l’évolution de cette fonction ?

Joker ! Impossible pour moi de répondre à cette question, je viens tout juste de « fêter » mes 2 ans de métier le 8 juillet dernier !

6) Comment pensez-vous que le métier évoluera dans le futur ?

Je  pense que ce métier a véritablement de l’avenir surtout en période de crise économique, période qui s’accompagne toujours d’une dégradation de la trésorerie des entreprises et d’un taux important de défaillances ! Dans ces conditions, avoir un Credit Manager  devient un atout pour anticiper les risques d’impayé, sécuriser le poste clients et garantir à l’entreprise une croissance rentable dans la durée ! C’est un métier encore assez peu connu et peu fréquent, et je pense et espère qu’il se développera de plus en plus dans le futur dans les PME-PMI ! C’est enfin un métier qui doit à mon sens se professionnaliser, en effet, le credit management ne résume pas qu’aux opérations de relance des clients qui ne paient pas !

7) A votre avis, comment le service Credit Management d’une entreprise doit-il se situer par rapport aux autres services (commercial, ADV, trésorerie, service clients,…) ?

Le service credit management doit être le chef d’orchestre du cycle « order to cash ». Il doit avoir une vision globale et une bonne compréhension de toute la chaine. Le rattachement à la Direction Financière me parait pertinent puisqu’il est question en définitive de « cash ».

8) Dans le cadre de votre fonction, auriez-vous une astuce infaillible à nous faire partager ?

Comme dans beaucoup de métiers, la communication est la clé de la réussite. La fonction de credit manager n’est pas évidente au quotidien et implique de trouver un juste équilibre entre les fonctions commerciales dont l’objectif est de vendre et les fonctions finance qui ont pour but de sécuriser le chiffre d’affaire et garantir la marge de l’entreprise.
Il faut donc passer beaucoup de temps à expliquer pourquoi et dans quel but on opère et ne pas hésiter à banaliser notre jargon afin de se mettre à la portée de tous nos partenaires (ADV, commerciaux, clients, fournisseurs de données, juristes, marketing, comptables, contrôleur de gestion…).

9) Avez-vous une anecdote (situation cocasse) rencontrée dans votre vie professionnelle à nous faire partager ?

Parmi mes clients, j’ai un très grand nombre de pharmaciens d’officine qui exercent le plus souvent en tant qu’entrepreneurs individuels ou au sein de très petites entreprises. De tous mes clients, ils sont les plus difficiles à appréhender et les appels téléphoniques ou échanges de mails sont parfois folkloriques. Bloquer leur commande en raison d’un impayé ou d’un risque d’insolvabilité déclenchent des colères et un déferlement d’insultes ou de menaces assez extraordinaires. Je suis régulièrement menacée d’être dénoncée aux syndicats, à l’ordre des pharmaciens ou au Ministère de la santé…ils me promettent de m’envoyer leurs avocats et de faire valoir leur droits devant les tribunaux… j’attends toujours les assignations en justice et l’appel téléphonique de notre Ministre de la Santé !
Autre situation assez cocasse : j’ai pour client des hôpitaux militaires, qui à mon arrivée dans la société, avaient cumulé un retard énorme au niveau du règlement de leurs factures (+ de 700 K€ de factures échues ayant une antériorité > à 12 mois). Le commercial en charge du compte organise un rendez-vous avec le directeur financier – un Commandant pour comprendre et solutionner le problème. Nous partons ensemble avec son véhicule et au bout de quelques minutes de trajet, je sens dans l’habitacle une odeur assez désagréable de « veilles chaussettes ». Je reste silencieuse sur le sujet et me dis que la journée va être très longue…. A notre arrivée chez le client, ce dernier nous propose de débuter par un déjeuner. A mon grand désespoir, mon commercial propose gracieusement de prendre sa voiture pour nous conduire au restaurant…Je commence à paniquer en repensant à l’odeur pestilentielle qui règne dans la voiture et me dit que dans ces conditions, je ne reverrai jamais mes 700 K€ ! Finalement, on entre tous les 3 dans la berline et là, mon commercial s’excuse auprès du Commandant et explique qu’il a dans son coffre un « Saint-Nectaire » acheté le matin même au marché pour un diner chez des amis le soir même…Cette petite anecdote a finalement fait beaucoup rire le Commandant et mes factures ont été payées quelques semaines après le rendez-vous !

Merci à Adeline MARTINEZ, Credit Manager chez ROCHE SAS, pour cette interview.

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