Selon une étude du Lab Bpifrance, publiée mercredi, 87 % des 1.800 patrons de PME et ETI interrogés n’affichent pas la transformation numérique comme une priorité . Principal frein : la complexité, avant l’aspect financier.

La transformation numérique et les patrons de PME, le désamour ? Selon une étude du Lab Bpifrance, présentée mercredi matin et que les Echos se sont procurés, près de la moitié d’entre eux (47 %) estime que l’impact de la révolution digitale ne sera pas majeur sur leur activité d’ici 5 ans. Plus inquiétant encore : 20 % estiment que le temps de la transformation digitale n’est pas venu pour eux. Pour Bpifrance, « c’est une entreprise sur cinq condamnée à disparaître si elle ne fait rien d’ici trois ans ».

L’alerte du Conseil national du numérique

Le constat d’un retard majeur des PME françaises n’est pas nouveau. Plusieurs études ont alerté sur le manque d’outils et de process adoptés au sein des entreprises (site e-commerce, ERP,…). En mars dernier, le Conseil national du numérique (CNNum) tirait la sonnette d’alarme en fustigeant l’écart croissant avec leurs homologues européennes.

Absence de feuille de route

Dans cette enquête, le Lab Bpifrance choisit, et c’est un peu nouveau, de ne pas se concentrer sur le volet technologique, mais de mesurer la stratégie globale des dirigeants. Les réponses de 1.800 patrons d’entreprises (6 % de répondants) entre 2 millions et 1,5 milliard d’euros de ventes ont été passées au crible. Il en ressort que seulement 55 % ont une vision de la transformation digitale de leur entreprise. Et même dans ce cas, cela se fait sans réel objectif ni moyen puisque 63 % n’ont pas de feuille de route. Lorsqu’on entre dans le détail des actions engagées, l’étude corrobore les chiffres maintes fois commentés : un peu plus des 2/3 ne réalisent aucun chiffre d’affaires en ligne (69 %), et 61 % n’ont pas ou peu mis en place d’outils de collecte et de valorisation des données. Au total, les dirigeants sont une poignée à en faire une priorité stratégique, puisque 87 % ne le font pas.

Les transports à la traîne

Le découpage par secteur montre une réalité édifiante. Parmi les mauvais élèves, moins de la moitié des patrons dans l’industrie (45 %), le BTP (44 %), et les transports (48 %) estiment que l’impact du digital sera majeur sur le moyen terme. Même les dirigeants du tourisme, pourtant frappé de plein fouet par la vague des plates-formes numériques, ne sont que 55 % à en mesurer l’importance. En revanche, les services et le commerce, sans réel surprise, sont plus avancés.

La voix discordante de l’Acsel

Tout n’est pas parfait mais les PME-ETI avancent. L’Acsel, association qui regroupe des entreprises de l’économie numérique, s’appuie sur son propre baromètre « Croissance et Digital » mené dans les entreprises de 10 à 4.999 salariés, pour avancer un avis plus optimiste. 41 % des 606 dirigeants et cadres interrogés affirment que leur société a convenu d’une stratégie numérique incarnée par la direction, contre 28 % l’an dernier. Mieux, « les PME-ETI ont pris conscience de l’importance du numérique puisque 70 % d’entre elles se sont dotées d’équipes dédiées pour mener cette transformation », assure Cyril Zimmermann, le président du réseau.

Et pourtant elles n’ont plus d’excuse. « Les indicateurs sont au vert pour les PME, la crise est derrière, c’est le moment pour elles d’investir dans la digitalisation » pointe Pascal Lagarde, directeur de la stratégie de Bpifrance, qui met en avant un environnement facilité pour l’investissement immatériel (capacités plus fortes des banques et des fonds d’investissement, outils de la Bpi comme les prêts sans garantie). Le dernier rapport de l’Observatoire du financement des entreprises, qui sera publié jeudi, vient corroborer la bonne santé financière des PME et ETI et la palette de possibilités financières. Mais le problème n’est pas vraiment là. Dans leur réticence à la transformation digitale, les patrons n’évoquent qu’en troisième place la question financière (28 %), regrettant en premier lieu la complexité (34 %) et le manque de compétences en interne (32 %).

La question clé réside donc dans la sensibilisation. « Il faut un immense effort d’acculturation, d’accompagnement et de formation, martèle Henri Isaac, professeur à Paris-Dauphine, président de Renaissance Numérique et membre du comité de pilotage de l’étude, « il faut tester de nouvelles choses, pourquoi dans la grande école du numérique développée par le gouvernement, ne pas imposer du coaching envers les PME par exemple ? ». Travailler sur le digital implique aussi des formes de travail plus collaboratives. Or, selon l’enquête, les équipes opérationnelles ne sont associées que dans 25 % des cas.

Résistance interne

Et seules 12 % des entreprises ont mis en place des formations dédiées au digital en interne. Pas étonnant alors que, une fois le chef d’entreprise convaincu, le principal ennemi du digital vienne de l’intérieur. Chez les plus actifs, 39 % rencontrent des résistances en interne. En réponse, le Lab Bpifrance travaille pour début 2018 sur un guide méthodologique qui permettra, quel que soit le stade de maturité des entreprises, d’améliorer la digitalisation. Ainsi que sur un référencement des cabinets de consultants.

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Source : Les Échos – Marion Kindermans