Les emprunts des PME sous le format euro PP ont diminué de 40 % en 2016 en France, à 5,2 milliards d’euros.

Cinq ans après leur création, les « euros PP » peinent encore à trouver leur place. Ce format de financement made in France permet à une entreprise d’emprunter plusieurs dizaines de millions d’euros auprès d’un investisseur unique (ou d’un groupe d’investisseurs), sans pour autant faire appel aux marchés. Selon des données Dealogic, les entreprises n’ont emprunté que 5,2 milliards d’euros par ce canal en 2016, soit un recul de 40 % sur un an ! De même, le nombre d’opérations est tombé de 109 en 2015 à 80 l’an dernier.

Est-ce à dire que les émetteurs se détournent de cette classe d’actifs ? Pas forcément. « Au moment de leur lancement, les euro PP ont attiré de très grands émetteurs venus tester ce nouveau canal. Cela a suscité d’importants volumes d’émissions les premières années », explique Cyril Kammoun, directeur de la banque d’investissement chez Degroof Petercam. Les euro PP ont de plus souffert de la concurrence des « Schuldschein », leurs équivalents allemands. « Ils ont atteint un record historique à 26 milliards d’euros de financements en 2016 ! Cela s’explique notamment par les niveaux de prix plus faibles sur ce marché, pour des raisons liées à la typologie des prêteurs », précise Fabien Calixte responsable de l’origination placements privés France chez BNP Paribas. Surtout, à la faveur de la politique monétaire de la BCE, le crédit bancaire est devenu historiquement bon marché. Les PME ont ainsi retrouvé le chemin de leur guichet bancaire.

Les banques solidement arrimées

Cette chute des volumes pose aussi la question de savoir à qui s’adressent vraiment les euro PP . Le montant moyen des emprunts a diminué en 2016, tombant à 65,2 millions d’euros en 2016, contre 78,6 millions un an plus tôt. « Il se peut que les volumes observés en 2016 correspondent en réalité à une normalisation du marché, sans que l’on puisse pour autant parler de désaffection. Mais il se peut aussi que les volumes repartent à la hausse lorsque les premières générations d’euro PP vont arriver à maturité », commente Cyril Kammoun.

Plus fondamentalement, cet affaiblissement des euro PP signifie-t-il que le mouvement dit de « désintermédiation » a déjà vécu ? Ce terme signifie que de nouveaux prêteurs – sociétés de gestion, assureurs, plates-formes de crowdfunding – vont venir contester le rôle habituel de la banque, et que le poids des financements de marché va se renforcer.

En réalité, il y a de solides raisons de croire en ce mouvement : depuis la crise financière, il est devenu clair pour les directeurs financiers qu’ils doivent se prémunir contre une fermeture brusque du robinet bancaire. Par ailleurs, la réglementation contraint la capacité de prêts des banques, et elles ont un temps encouragé la mise en place de solutions innovantes, comme les euro PP. A l’arrivée, les banques restent néanmoins solidement arrimées aux commandes du financement. De juin 2015 à septembre 2016, les crédits bancaires aux entreprises ont même progressé plus vite que les financements de marché. Cela s’explique naturellement par les taux bas, et le volontarisme commercial des banques.

Néanmoins, l’idée que les banques seraient marginalisées s’est avérée inexacte. Les nouvelles solutions de financement apparues ces dernières années ne sont pas venues remplacer le crédit, mais plutôt répondre à des besoins jusque-là mal couverts. Les solutions qui se développent répondent donc à chaque fois à une typologie précise d’emprunteur ou de financement, mais sans renverser la table. Signe des temps, la plate-forme Origin Investing a même créé le concept de « mini PP », « une sorte d’euro PP compris entre 1 et 10 millions d’euros et destiné aux PME », détaille Audrey Stewart, cofondatrice de cette fintech. La plate-forme serait proche de boucler sa première opération.

Source : Édouard LEDERER – Les Échos