« Quand le crédit augmente très rapidement à un moment, il y a un risque d’autant plus fort – l’expérience le prouve – qu’à un moment il freine trop brutalement », a déclaré le 8 mars sur BFM, François Villeroy de Galhau. – Stephane AUDRAS/REA

Pour éviter un coup d’arrêt brutal du crédit en cas de retournement conjoncturel, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) pourrait décider ce lundi de demander aux banques de constituer des réserves supplémentaires.

L’emballement du crédit inquiète les autorités. L’an dernier, les crédits accordés en France par les banques aux ménages et aux entreprises ont augmenté en moyenne de 6 %, alors que l’économie, elle, a crû de 1,5 %. Cette dynamique s’explique par les taux historiquement bas de la Banque centrale européenne (BCE), qui permettent d’emprunter à 1,5 %. Mais elle représente aussi une menace.

« En effet, quand le crédit augmente très rapidement à un moment, il y a un risque d’autant plus fort – l’expérience le prouve – qu’à un moment il freine trop brutalement », a déclaré le 8 mars sur BFM, François Villeroy de Galhau. Pour éviter ce scénario, le gouverneur de la Banque de France propose de recourir à un instrument : le « coussin contracyclique ».

Réunion ce lundi

« Le coussin contracyclique consiste à demander aux banques, quand le crédit augmente fortement, de mettre des réserves de côté, d’augmenter peut-être temporairement leur capital pour faire face à un risque de retournement du crédit », a-t-il expliqué. En cas de récession, ces réserves sont libérées et servent d’amortisseur.

Face aux premiers signes d’emballement, le  Haut conseil de stabilité financière (HCSF) , qui réunit les principales autorités de surveillance financières, avait décidé en juin dernier d’imposer aux banques un premier coussin contracyclique de 0,25 % des actifs pondérés par les risques, sur proposition du gouverneur de la Banque de France.

Mais cette première mesure, accueillie froidement par les banques, n’a pas suffi à freiner la machine du crédit. En janvier 2019, les encours de prêts augmentaient encore de près de 6 %. « Ce qui nous frappe, c’est la croissance de tous les types de prêts : immobilier, consommation, entreprises… », observe un expert.

Niveau d’endettement record

Réuni ce lundi sous la présidence du ministre des Finances, Bruno Le Maire, le HCSF pourrait revoir le niveau du coussin contracyclique. « Nous regardons sérieusement s’il ne faut pas l’augmenter », a déclaré François Villeroy de Galhau. Pas question d’une hausse brutale, mais graduelle, qui ne morde pas trop sur les fonds propres des banques et n’enraye pas non plus la croissance, prévue cette année à 1,4 % par la Banque de France. Bercy n’a pas commenté.

Si elle est confirmée, la décision devrait irriter les banques, qui sont confrontées à une rentabilité en berne et se plaignent régulièrement de souffrir d’une réglementation trop stricte par rapport à leurs concurrentes américaines. Sans parler des taux faibles de la BCE, qui soutiennent l’activité mais rognent leurs marges et que l’institution monétaire n’envisage pas de relever avant 2020.

Mais les autorités s’inquiètent d’éventuels excès. Outre une durée de  prêts immobiliers qui s’allonge fortement (19 ans en moyenne), elles constatent en effet une anomalie française : alors qu’il baisse dans les autres pays de la zone euro, l’endettement des ménages augmente en France et s’approche de la barre des 60 % du PIB.

Exposition des banques aux entreprises

Celui des entreprises dépasse 70 %. En janvier, les crédits accordés aux entreprises ont progressé de 3,4 % dans la zone euro, contre 6 % dans l’Hexagone. L’année dernière, la dette brute des entreprises françaises (bancaire et obligataire) a atteint un record, dépassant  pour la première fois 4.000 milliards d’euros , soit 175 % du PIB, selon Standard & Poors.

L’agence de notation financière n’est pas inquiète pour la solidité des entreprises françaises. Mais un retournement conjoncturel pourrait mettre les entreprises endettées sous pression, voir entraîner des défaillances qui contraindraient les banques à renouer avec des provisions pour risques plus élevées.

A la fin 2017, le HCSF avait décidé de plafonner l’exposition des banques systémiques aux grandes entreprises résidentes les plus endettées. Et ce, à hauteur de 5 % de leurs fonds propres « dans un premier temps ».

Source : Les Échos – Thibaut Madelin