Pour Patrick Artus, chef économiste de Natixis, les marchés financiers surestiment les risques. – Shutterstock

Après une année déprimante sur les marchés financiers, Patrick Artus, chef économiste chez Natixis, croit à la possibilité d’un rallye boursier en 2019. Une fois que les investisseurs auront cessé de surestimer les risques.

2018 restera comme la pire année boursière depuis 10 ans . En témoigne l’indice MSCI World qui a perdu 10,44 % de sa valeur l’an dernier, ramenant son cours au plus bas depuis mai 2017. De quoi ternir le bilan d’un indice – dominé par les actions américaines – qui restait sur un gain de 53 % entre février 2016 et fin janvier 2018. Et la tonalité des experts pour 2019 restait plutôt prudente dans un contexte de retour de la volatilité, de l’aversion pour le risque et de réduction des liquidités des banques centrales.

Pourtant, peu avant les 12 coups de minuit, une voix s’est élevée, apportant une lueur d’espoir pour les investisseurs marqués par une année complexe et agitée. « Vers un rallye sur les marchés financiers en 2019 ». C’est le titre, comme une promesse, d’une note publiée le 31 janvier par Patrick Artus, chef économiste chez Natixis.

Hypothèse d’une récession

A 67 ans, le membre du Cercle des économistes s’est penché sur l’état des marchés financiers et sur la déprime qui les touche depuis un trimestre (le MSCI World a chuté de 13,74 % au dernier trimestre 2018, sa pire performance depuis septembre 2011). Une dépression « compatible avec l’hypothèse d’une récession en 2019 », constate Patrick Artus.

« Les marchés financiers croient que certains pays (Italie) peuvent sortir de l’euro, ce qui est impossible », en raison de la « taille énorme des dettes extérieures brutes essentiellement en euros des pays de la zone euro ». – AFP/ERIC PIERMONT

Depuis plusieurs semaines, les investisseurs s’inquiètent des conséquences de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Celle-ci a déjà affecté le dynamisme de l’économie chinoise et pèse sur la confiance des investisseurs, mais aussi des chefs d’entreprise aux Etats-Unis . Selon le dernier sondage, de décembre, réalisé par Bank of America Merrill Lynch, 53 % des 243 gérants interrogés (ils pèsent ensemble 694 milliards de dollars d’actifs sous gestion) pensent que l’économie mondiale va faiblir dans les 12 prochains mois. Un niveau jamais vu depuis octobre 2008. En net, c’est-à-dire la différence entre ceux qui misent sur un ralentissement et ceux qui n’y croient pas.

Patrick Artus fait partie des premiers. Il pense qu’il y aura « un ralentissement cyclique, un scénario de soft landing », mais pas une « récession ». Seuls 9 %, en net, des sondés par BofA ML, attendent d’ailleurs une récession à 12 mois. Un niveau qui reste relativement faible, notamment aux Etats-Unis qui pourraient enregistrer cette année le plus long cycle de leur histoire (en durée, pas en puissance).

Excès de pessimisme

Les marchés pécheraient par excès de pessimisme ? Patrick Artus n’est pas loin de le penser. En tout cas, il juge que les investisseurs « surestiment les risques », qui sont certes nombreux « mais avec une gravité nettement inférieure à ce qui est anticipé par les investisseurs » : Brexit, guerre commerciale, recul de la liquidité, endettement des entreprises, sans oublier les tensions entre Rome et Bruxelles. « Les marchés financiers croient que certains pays (Italie) peuvent sortir de l’euro, ce qui est impossible », en raison de la « taille énorme des dettes extérieures brutes essentiellement en euros des pays de la zone euro ».

Par ailleurs, les investisseurs n’ont pas « pris en considération les facteurs de soutien de l’activité », qui sont eux aussi nombreux. « Taux d’intérêt bas, politiques budgétaires expansionnistes, absence d’inflation, hausse de la profitabilité des entreprises et solidité de leur situation financière », détaille l’économique.

Vers un rallye en 2019 ?

Les feux d’artifices du Nouvel An auront-ils balayé les craintes récessionnistes des investisseurs ? « Lorsqu’ils passeront d’un scénario de crise à un scénario de ralentissement cyclique, il y aura un rallye sur les marchés financiers avec un recul fort de toutes les primes de risque » veut croire, optimiste, Patrick Artus, qui avait reconnu s’être trompé sur l’ampleur de la crise en 2008, en raison de la faillite retentissante de Lehman Brothers.

Après une fin d’année où les marchés ont tout vu, ou presque, en noir, un début d’année positif n’est pas à exclure. Le traditionnel rallye de fin d’année a mis du temps à émerger, mais il a fini par arriver dans la hotte du Père Noël : depuis le 25 décembre, l’indice MSCI World a repris près de 5 %. Pourra-t-il s’étirer en 2019 ?

On aura peut-être une première indication lors de l’ouverture de la saison des résultats aux Etats-Unis.

Pierrick Fay.

Source : PIERRICK FAY – Les Échos