A-A BEATON

Aude-Alexandra BEATON, Credit Risk Manager chez UPM Raflatac SAS

1) Pouvez-vous nous dire ce qui vous a conduit vers ce métier ? Quel est votre parcours ?
Je dirais par pur hasard et par une heureuse coïncidence. Je venais de rentrer des Etats Unis diplômée sans savoir exactement dans quel secteur je voulais travailler. Et dans les mêmes moments j’ai été contactée par un recruteur pour une entreprise internationale qui cherchait une personne sachant parler anglais pour un poste qui venait d’être créé au sein de la direction financière. Le directeur financier voulait faire évoluer la fonction de CRM (Credit Risk Manager) au sein du groupe avec une vrai démarche innovante et créative de valeur.
La création de ce poste avait été motivée par un risque de plus en plus présent au sein de la clientèle du groupe. Le DAF qui occupait en partie cette fonction me donna la feuille de route avec une grande latitude de fonctionnement avec pour objectif la création d’une gestion efficace du risque avec le développement d’outils statistiques d’aide à la décision avec pour axe primordial la réduction des termes de paiement et la mise en place d’une limite de crédit pour chaque client.
Quand j’ai accepté ce challenge je savais que j’avais de nombreux obstacles à franchir comme par exemple ne pas dresser les commerciaux et les clients les uns contre les autres quand des difficultés de paiement apparaissaient. Il fallait créer une vraie coopération entre les différents acteurs (Commercial, production, services techniques). J’ai dû pour commencer, apprendre l’activité industrielle de notre secteur et les produits que nous fabriquions de manière à bien comprendre les problématiques liées au business. Je me suis rendue sur les salons d’expositions des fabricants de machines pour évaluer la qualité des outils de production de nos clients. J’ai appris comment fonctionnait ce type de machine, la valeur d’acquisition de ce matériel me donnant une grande idée lors de mes audits chez notre clientèle. Naturellement j’ai mis en place des outils statistiques avec revue des performances pour chaque client avec des rapports circonstanciés adressés aux commerciaux et la direction financière.
L’analyse de bilan ne suffit pas il faut se faire une opinion pragmatique du comportement des clients ! Dans notre activité la clientèle est disparate on peut trouver des groupes multinationaux comme des entreprises familiales avec des relations d’affaires différentes suivant que nous ayons comme interlocuteur le patron, le DAF ou un collaborateur.
J’effectue des visites régulières chez les clients avec le commercial me permettant d’évaluer d’une manière pertinente le risque. C’est primordial ! J’ai créé une vrai “relationship” entre nos clients, l’entreprise en général et la direction commerciale en particulier.
J’ai me suis tellement impliquée dans le développement de cette fonction que j’ai eu l’occasion pour un temps d’animer l’ensemble des CRM du groupe en Europe. La dimension internationale est une préférence en ce qui me concerne avec les facteurs culturels à prendre en compte c’est très motivant et toujours enrichissant.

2) Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans une carrière dans le Credit Management ?
Je dirais faire preuve de réalisme et ne pas avoir peur de dire non.

3) Quelles sont, selon vous, les qualités d’un bon Credit Manager ?
La qualité première est l’anticipation et la proactivité, le travail du CRM se doit être en amont de la prise de commande.
– Il doit en outre posséder un sixième sens avec un bon esprit d’analyse aussi bien au niveau financier pour détecter les éventuelles failles qu’au niveau de la personnalité des clients. Il doit faire preuve d’intuition.
– Une bonne manière de communiquer permet d’éviter des conflits que peut générer une difficulté rencontrée lorsqu’un client est défaillant.
– Une bonne connaissance du marché et de l’activité de l’entreprise est un atout.

4) Pouvez-vous nous décrire votre organisation ? (Comment fonctionne votre service, à qui êtes-vous rattaché, combien de personnes travaillent avec vous, quel est votre périmètre d’intervention, …)
Je suis rattachée au service OTC (Order to Cash) dont la hiérarchie se situe essentiellement en Finlande, je travaille pour la zone Europe.
Je dirais qu’au sein même de la direction financière mon rôle est créateur de valeur dans le sens du respect des objectifs de rentabilité imposé par le Groupe. Je reste un interlocuteur privilégié au sein du service commercial et de la direction.

5) Au cours des dernières années, pouvez-vous nous donner votre ressenti sur l’évolution de cette fonction ?
Dans notre secteur d’activité Il a quinze ans les délais de paiement était de l’ordre de 120 jours aujourd’hui ils ont été ramenés à 60 jours, bien sur la loi LME nous a aidé mais ce sont les CRM qui se sont retrouvés en première ligne pour argumenter et expliquer le bien-fondé de cette loi.

6) Comment pensez-vous que le métier évoluera dans le futur ?
Aujourd’hui, dans un contexte économique aléatoire le rôle du CRM sera de plus présent dans les prises de décisions commerciales. Un outil ne suffit pas ! Le CRM sera encore plus qu’hier le garant de la bonne fin des activités liées au business.

7) A votre avis, comment le service Credit Management d’une entreprise doit-il se situer par rapport aux autres services (commercial, ADV, trésorerie, service clients, …) ?
Annexé aux ventes /service commercial
Le tryptique gagnant :
Clients internes (Commercial, production, services techniques). – Credit Risk management – clients externes (clients, banques, tribunal de commerce)

8) Dans le cadre de votre fonction, auriez-vous une astuce infaillible à nous faire partager ?
Pas d’astuce, de la constance et de la communication !

9) Avez-vous une anecdote (situation cocasse) rencontrée dans votre vie professionnelle à nous faire partager ?
L’evenement qui m’a le plus marqué dans ma carrière :
En tant que Credit Risk Manager, j ‘ai dû faire face à la difficulté de gestion d’un impayé de plus d’1 M€ d’une société et pour laquelle ma société était fournisseur principal. C’est surtout le fait qu’il m’ait fallu traiter cette affaire dans un cadre de négociation et de médiation avec énormément de diplomatie qui m’a marqué. C’est dans un contexte conflictuel, sur de nombreux mois, avec des acteurs de profils bien différents ; banquiers, dirigeants et employés, tribunal de commerce, ma hiérarchie, que j’ai dû m’affirmer et garder mon cap. Ces acteurs avaient des impératifs, des humeurs bien différentes. L’enjeu était de taille. Leur volonté à chacun d’avoir le dernier mot était impressionnante. La situation était sur le fil du rasoir pendant quelques années.
Seul un accompagnement technique avec une revue tous les 3 mois a pu faire éviter un dépôt de bilan, avec perte sèche de mon encours, et en outre des désagréments autant humains qu’économiques pour tous. Cette affaire s’est finalement conclue avec un mandat ad ‘hoc.
Plus que mes atouts liés à la technique financière et commerciale, c’est mon attitude d’une constance certaine, le fait d’être à l’écoute avant d’avoir le verbe juste qui je suis convaincue a fait la différence. C’est en adéquation avec qui je suis et qui je veux être demain que je vise chaque jour l’excellence dans le business comme dans ma vie en général.

Si je peux évoquer plus, une situation qui m’a profondément marqué aura été le décès d’un dirigeant de société. La secrétaire de direction m’a appelé en me spécifiant qu’elle n’aurait pas la force de transmettre à nouveau la nouvelle. Je lui ai dit que je m’en occupais au sein de mon entreprise. Une personne en entendant cette nouvelle m’a dit du Tac au Tac « L’encours est de combien ? ». Je dis non à cette attitude médiocre. La fibre humaine prime toujours.

Bonus : Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ?

Au-delà de l’aspect propre de ce métier qui est la gestion du risque avec toutes les implications financières et économiques liées à la prise de décision, je me suis passionnée par les relations humaines créant un vrai climat de confiance entre les différents acteurs liés au business. C’est à mon avis une erreur de le passer au second plan dans nos “business” stratégies.

Merci à Aude-Alexandra BEATON, Credit Risk Manager chez UPM Raflatac SAS, pour cette interview.

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