Le gouvernement réclame 83 millions de remboursements et 25 millions d’amende pour une remise de 10 % obtenue de façon abusive auprès de fournisseurs.

C’est au tour de Leclerc. Le ministère de l’Economie et des Financces assigne le distributeur coopératif après, ces dernières années, Système U, Carrefour, Intermarché, Casino, mais aussi Amazon, Google et Apple. Bercy réclame le remboursement de 83 millions d’euros à des fournisseurs et une amende de 25 millions.

La première audience devant le Tribunal de commerce de Paris s’est tenue vendredi 15 juin. L’action fait suite aux contrôles que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a effectués en 2015 et 2017 au Galec lors des négociations commerciales. Les inspecteurs ont constaté que la centrale d’achat de Leclerc avait imposé , avec les négociations habituelles, 10 % de remise supplémentaire sur des produits fabriqués par 20 fournisseurs.

« Remise Lidl »

Les connaisseurs appellent cela « la remise Lidl ». Leclerc aurait cherché à obtenir un avantage tarifaire sur les quelques articles de marques nationales ou internationales que l’enseigne allemande distribue aux côtés de ses gammes de marques propres. Le Coca-Cola et le Nutella pour résumer.

La Loi de modernisation de l’économie a redonné la liberté de négociation des prix d’achat aux distributeurs . La DGCCRF estime toutefois que dans certains cas, comme celui reproché à Leclerc, les enseignes obtiennent des conditions sans contreparties (promotions, têtes de gondoles, etc.) sur la seule foi de la part de marché. Le Code du commerce appelle cela le « déséquilibre structurel ». Le distributeur menace le fournisseur de ne pas référencer son produit. L’industriel plie, car la part de marché du commerçant est telle qu’un déréférencement mettrait à mal son activité.

Leclerc possède une part de marché supérieure à 20 %. En son temps, Système U avait été condamné à rembourser 77 millions à Nestlé, Danone Yoplait et Lavazza, selon la revue spécialisée « LSA ». La procédure engagée vendredi mettra plus d’un an pour aboutir. Un appel sera ensuite possible puis éventuellement un pourvoi en cassation. Système U a été condamné en appel en 2016 alors que son affaire a débuté en… 2004.

Une forme de pression

« Taper la distrib sert d’ersatz à la réforme agricole », a commenté ce vendredi Michel-Edouard Leclerc sur son blog. Le porte-parole des Centres E.Leclerc rappelle que la pratique des assignations a commencé avec le secrétaire d’Etat au Commerce Hervé Novelli en 2009. Chaque année ou presque, au moment des négociations commerciales et avant le Salon de l’agriculture, les gouvernements successifs assignent en justice un ou deux distributeurs et montrent ainsi qu’ils défendent la filière agroalimentaire.

Leclerc affirme dans sa publicité que la loi alimentation en cours de vote et qui prévoit le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte augmentera les prix de vente. « MEL » suggère que la nouvelle assignation de Bercy constitue une forme de pression. Le gouvernement voudrait que sa chaîne de supermarchés renonce aux prix bas à tout prix…

Source : Les Échos – Philippe Bertrand