Le taux de chômage est resté stable en mars outre-Rhin, à 5,1 %. Mais 470.000 entreprises ont fait une demande de chômage partiel auprès de l’Agence pour l’emploi. Cette béquille ne saurait durer sans garantie de trésorerie : les PME jugent les conditions d’accès aux crédits d’urgence encore trop strictes pour assurer leur survie.

La photographie du marché du travail allemand en mars risque d’être le dernier vestige d’une longue période de prospérité, avant l’épidémie de coronavirus. Selon les chiffres publiés ce mardi par l’Agence pour l’emploi, le nombre de chômeurs a reculé de 60.000 personnes sur un mois, ce qui représente un taux de chômage de 5,1 %. Sur un an, le nombre de personnes sans emploi a progressé de 34.000. Mais les données rassemblées s’arrêtent au 12 mars, avant la décision prise il y a dix jours de fermer la plupart des commerces du pays. De nombreux industriels ont déjà eu recours à des mesures de chômage partiel et plus d’une entreprise sur quatre (25,6 %) envisage d’y recourir dans les trois prochains mois, selon une enquête de l’institut Ifo. 470.000 demandes ont été déposées par les entreprises ces dernières semaines, a précisé mardi l’agence pour l’emploi. Elle estime que 2 millions de personnes pourraient être touchées d’ici à la fin de l’année.

Une PME sur dix menacée de faillite

Mais « le chômage partiel n’est pas un instrument qui garantit la liquidité des entreprises », souligne Detlef Scheele, président de l’agence pour l’emploi. Or, malgré le paquet de mesures financières votées par les députés la semaine dernière pour apporter ces liquidités aux entreprises, beaucoup craignent d’avoir à mettre la clef sous la porte. Globalement, une entreprise sur cinq craint de déposer le bilan. Selon le président de la Chambre de commerce et d’industrie allemande (DIHK), ce serait même une PME sur dix qui serait « menacée de faillite par le coronavirus ». Au sein de la branche tourisme, la proportion grimperait à 40 %. Or le Mittelstand fournit 53 % des emplois outre-Rhin.

Selon une enquête de la fédération des entreprises du secteur (BVMW) auprès de 2.500 membres, 45 % des PME craignent une chute de leur chiffre d’affaires de plus de 60 %. En dix jours, la banque publique KfW a enregistré plus d’un millier de demandes de crédits d’urgence, représentant un total de 8,7 milliards d’euros. L’écrasante majorité (98 %) de ces prêts concerne des lignes de moins de 3 millions d’euros pour des PME.

Débat sur le rôle des banques

Mais plus de 75 % de ces acteurs interrogés par la BVMW considèrent ces aides comme insuffisantes. Ces petits prêts ont beau être garantis à 90 % par l’Etat, les banques qui portent encore 10 % du risque n’en doivent pas moins mener un examen respectueux des standards de la BCE. Le président de l’association des caisses d’épargne allemandes, Helmut Schleweis, explique ainsi au « Handelsblatt » que ses 378 membres ne peuvent approuver un prêt dont ils n’ont pas l’assurance que l’entreprise peut le rembourser dans les cinq ans. Prêts garantis : les banques allemandes appellent l’Etat à couvrir 100 % des risques

Or dans les secteurs de l’hôtellerie, de la gastronomie de l’événementiel ou encore du voyage, la plupart des acteurs n’ont pas de réserves financières et ne peuvent en outre compenser les ventes perdues. La chambre de commerce et d’industrie de Berlin tire la sonnette d’alarme : dans la capitale, deux-tiers des PME font déjà appel à du chômage partiel, la moitié affiche des problèmes de liquidité et s’attend à devoir se résigner à des licenciements.

Il ne serait pas raisonnable de faire porter tout le risque à l’Etat

Au niveau national, Detlef Scheele s’attend à un rebond de 150.000 à 200.000 chômeurs dès la mi avril. Dans cette situation, Helmut Schleweis appelle à une extension de la garantie à 100 % des prêts ou à l’extension de subventions publiques directes au PME. « Il ne serait pas raisonnable de faire porter tout le risque à l’Etat, les banques doivent en prendre une part minimum, c’est la garantie que l’examen qu’elles mènent reste professionnel », répond un porte-parole de la KfW. Des discussions sont en revanche en cours avec la Commission européenne pour améliorer les conditions de ces garanties.

Source : Les Échos – Ninon Renaud