Comment expliquer la détérioration de la situation sur les marchés la semaine dernière ?

L’emballement des marchés s’explique par le fait que l’épidémie de coronavirus n’est pas un risque quantifiable pour les marchés, mais plutôt une incertitude au sens de Franck Knight [l’économiste américain, fondateur de la première école de Chicago et auteur en 1921 de Risk, Uncertainty and Profit, NDLR]. Cependant, il faut bien voir que ce sont surtout les emprunts d’Etat américains, qui ont profité de leur statut de valeur refuge, et les actions, qui ont été touchés.

Les marchés réagissent à un choc à la fois d’offre et de demande qui affecte les perspectives de croissance à la baisse. Lors d’une véritable crise de marché, l’ensemble des actifs financiers sont orientés à la baisse, y compris les obligations, comme on a vu lors de la crise de liquidité de 2008.

Peut-on évaluer l’impact macroéconomique de la crise sanitaire ?

Ce n’est pas un exercice classique de prévision. En plus du scénario central qui consiste à prolonger la tendance actuelle, on ne peut pas faire l’économie d’un scénario noir dans lequel le monde ne parviendrait pas à contrôler l’épidémie et où la situation se dégraderait, en particulier dans les pays en développement, avec un taux de décès élevé. Dans ce cas, le taux de croissance annuel moyen serait ramené à -1,4 % aux Etats-Unis, à -3,3 % en Europe et à 1,5 % en Chine.Dans le scénario actuel – les stratégies de confinement entraînent des coûts mais la maladie est contenue et disparaît au bout d’un trimestre -, la croissance post-coronavirus atteindrait 1,5 % aux Etats-Unis, 0,3 % en Europe et 5,1 % en Chine .

Les échanges mondiaux seront-ils durablement marqués par le coronavirus ?

Les ruptures qui sont en train de se produire dans les chaînes d’approvisionnement risquent d’accentuer la régionalisation de l’économie mondiale. Autrement dit, non pas une démondialisation mais un repli sur soi par grande zone géographique. Ce sera d’autant plus fort que depuis la guerre commerciale avec les Etats-Unis, l’Asie cherche à prendre plus d’autonomie.

Le mouvement est en réalité enclenché depuis 2008. La crise financière qui a fragilisé l’Europe et les Etats-Unis a joué, mais c’est surtout à partir de 2010 et de la mise en oeuvre de l’accord de libre-échange entre la Chine et l’Asean que le PIB potentiel de la zone a explosé. Les flux d’échanges vont continuer à augmenter mais à l’intérieur de chaque zone.

Quelles sont les conséquences de l’épidémie pour les entreprises ?

Les résultats seront forcément affectés par le choc de demande et la détérioration de l’environnement macroéconomique. Si l’on ajoute l’effet boursier de la baisse des capitalisations, on peut s’attendre à une réduction significative des dépenses d’investissement. Individuellement, les entreprises peinent à fournir des prévisions très précises car, dans un second temps, elles pourraient très bien bénéficier d’un report de la demande.

Que peuvent faire les banques centrales ?

C’est grâce à leur présence qu’il n’y a pas de crise de liquidité à l’heure actuelle. L’action des banques centrales rend la panique des marchés relative. En revanche, elle ne permettra pas de compenser les effets négatifs de l’épidémie sur l’économie. C’est le rôle de la politique budgétaire. En Asie, plusieurs pays ont déjà annoncé des mesures de ce type-là, comme la Malaisie, qui a débloqué une enveloppe équivalente à 4,3 milliards d’euros.

Par ailleurs, avec la baisse du prix des matières premières , l’inflation devrait ralentir. La baisse des taux réels permettra aux banques centrales de baisser à nouveau leurs taux.

Source : LES ÉCHOS – Sophie Rolland