L’Insee a donné ce jeudi matin une première estimation du coup de frein sur l’activité de la crise du coronavirus. L’économie française tourne à 65 % seulement de ses capacités de production et la consommation est réduite d’un tiers. Le coût économique du confinement va se poser très vite.

Le coup de frein est impressionnant. La perte d’activité économique entre une semaine normale et cette semaine, où le pays entier est confiné, est estimée par l’Insee à 35 % . Evidemment, cette estimation est appelée à évoluer en fonction de la situation sanitaire et des mesures prises pour endiguer la propagation de l’épidémie du coronavirus . L’institut statistique ne fait aucune prévision sur l’année mais chaque mois de confinement de la population représente une perte de 3 points sur le PIB annuel, si l’on fait l’hypothèse qu’aucune perte d’activité n’est rattrapée dans les trimestres suivants.

BTP à l’arrêt

C’est d’abord le secteur de la construction qui est le plus affecté par le coronavirus avec 90 % de son activité à l’arrêt. Ensuite, l’industrie dans son ensemble fonctionne à seulement la moitié de ses capacités de production. Là, la situation est très différente selon les secteurs. L’agroalimentaire est peu touché quand l’automobile l’est très durement. Dans les services marchands, là encore, l’évolution est très hétérogène. Les télécommunications et les assurances marchent correctement alors que le tourisme, le transport de personnes ou l’hôtellerie-restauration sont au point mort. DOSSIER La France face à la pandémie de coronavirus

Globalement, les services marchands perdraient un tiers de leur activité cette semaine par rapport à une semaine normale. De la même façon, les services dits non marchands, qui incluent la santé, l’éducation notamment, voient leur valeur ajoutée reculer de 14 % par semaine de confinement, certaines activités étant peu touchées. Par exemple, même si les écoles sont fermées, les enseignants continuent à toucher leur salaire et donnent des devoirs à leurs élèves par Internet.

L’autre effet du confinement, c’est la réduction de la consommation puisque les magasins hors alimentaires sont fermés. L’Insee estime, là, que la consommation chute de 35 % en moyenne par rapport à une période normale. Certaines dépenses restent fortes voire augmentent. C’est le cas de l’alimentaire, des médicaments, de l’électricité ou des télécommunications. D’autres comme l’habillement ou les biens industriels plongent. La liste des commerces autorisés à rester ouverts

Plongeon du moral des patrons

Parallèlement, le climat des affaires s’est détérioré au mois de mars. L’indice a perdu 10 points, à 95 points. « La plus forte baisse mensuelle de l’indicateur depuis 1980 », c’est-à-dire l’année de sa naissance, souligne l’Insee. En octobre 2008, après la faillite de Lehman Brothers, il avait chuté de 9 points. C’est le secteur des services qui accuse la plus forte chute.

Cependant, « ces indicateurs sont à lire avec prudence ce mois-ci », prévient l’Insee, les enquêtes de mars reflétant « dans leur majorité l’opinion des chefs d’entreprise pendant la première quinzaine de mars, avant donc les annonces de confinement de la population pour endiguer l’épidémie ».

Une menace très lourde

Quoi qu’il en soit, cette analyse de l’Insee « montre l’importance d’un confinement de durée réduite », estime Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management. Ainsi, la question va vite se poser pour le gouvernement d’une stratégie de sortie de la crise sanitaire pour éviter que celle-ci ne se transforme en catastrophe économique. Dans un post de blog , publié cette semaine, le prix Nobel d’économie Paul Romer, estime qu’en testant massivement les personnes d’un pays (une fois toutes les deux semaines), on pourrait réduire le confinement à 10 % de la population seulement. Les bénéfices sur le plan sanitaire, en termes de propagation de l’épidémie, seraient les mêmes qu’un confinement de 50 % de la population sans test. La différence, selon lui, c’est qu’« une économie peut survivre avec 10 % de sa population confinée ; elle ne le peut pas si 50 % de sa population est confinée ».

Source : Les Échos – Guillaume de Calignon