Véritable pont entre l’administration et 2,5 millions de TPE/PME, la profession est en première ligne pour répondre aux nombreuses interrogations des entreprises face à la situation économique inédite provoquée par la crise du coronavirus. Charles-René Tandé, président de l’Ordre des experts-comptables, fait le point sur les actions mises en place par sa structure pour soutenir le tissu économique français.

Les experts comptables accompagnent au quotidien plus de 2,5 millions d’entreprises, de l’entreprise individuelle à celle de taille intermédiaire. Comment vous organisez-vous pour les aider à faire face à la tourmente inédite liée au Covid-19 ?

Charles-René Tandé : Nous sommes complètement mobilisés pour accompagner au mieux l’ensemble de nos clients. Il y a une dizaine de jours, de très nombreux chefs d’entreprise nous ont appelés en urgence pour savoir ce qu’ils devaient faire. En effet, le message général de rester chez soi n’avait pas forcément été compris et nombre d’entreprises ont considéré qu’il fallait fermer… Nous avons dû leur expliquer que la logique consistait plutôt à rester ouvert, avec un maximum de salariés en télé-travail tandis que ceux pour qui le télé-travail est impossible en raison de la nature de leurs fonctions pouvaient se rendre au travail à condition que toutes les mesures sanitaires nécessaires soient mises en œuvre. Nous avons nous-mêmes déployé le télé-travail pour nos équipes. Pour accompagner les experts-comptables et leurs clients, une cellule a été mise sur pied au sein du Conseil supérieur national des experts-comptables afin d’apporter des réponses aux milliers de questions qui nous ont été posées dès la semaine dernière. De même, une hotline téléphonique – Infodoc experts – et une FAQ sur le site Internet ont été activées pour répondre aux questions des experts-comptables. Enfin, nous avons mis en place un « SOS cabinets » pour tous les experts-comptables et commissaires aux comptes qui éprouvent des difficultés à assurer leurs services auprès de leurs clients.

Quelles actions avez-vous d’ores et déjà mises en place ? Quelles sont les prochaines étapes ?
C.-R. T. : Notre première action a été de décaler, la semaine dernière, le règlement des charges sociales du 16 mars ainsi que l’acompte impôt société, afin de permettre aux entreprises de garder leur trésorerie. En revanche, nous avons dû maintenir le règlement de la TVA jusqu’au 24 mars, sauf pour les entreprises en difficulté et ne pouvant pas effectuer le règlement et qui ont donc dû demander, comme habituellement, un échéancier auprès des services fiscaux. Quant à l’action suivante, nous étudions actuellement comment les entreprises vont pouvoir récupérer de la trésorerie. Des dispositifs commenceront à se mettre en place à partir de mercredi permettant de demander des financements auprès des banques, garantis à 90 % par Bpifrance. Par ailleurs, il y aura des mesures sur un report possible des charges de loyer, d’eau, de gaz et d’électricité pour les entreprises en difficulté. Enfin, une opération très importante cette semaine sera l’établissement de 7 millions de bulletins de paie. En cette fin de mois, les entreprises auront en effet à régler les salaires et la TVA. Or pour celles qui ont mis en place l’activité partielle, le remboursement par l’Etat n’arrivera que le 15 avril. Nous observerons donc cet événement cette semaine avec attention, puisqu’il sera très sensible pour la trésorerie des entreprises.

Quel est votre rôle auprès du gouvernement dans la gestion de cette crise ?
C.-R. T. : Nous sommes un relais dans les deux sens. D’un côté, nous passons les messages du gouvernement, comme cela a été le cas par exemple concernant le paiement de la TVA. De l’autre, nous remontons aux ministères les problématiques qui se posent sur le terrain afin qu’ils puissent régler cela avec les administrations. Nous avons par exemple fait des propositions au gouvernement pour de nouvelles dates de dépôt des déclarations fiscales. Nous avons également demandé un délai sur les assemblées générales qui ne pourront pas se tenir avant le 30 juin. Nous avions fait la demande pour que tout cela soit intégré au projet de loi sur l’urgence sanitaire.

Quel regard portez-vous sur la suite ?
C.-R. T. : Nous sommes actuellement en pleine crise, mais il faut aussi, d’ores et déjà, commencer à préparer l’après-confinement. Les entreprises doivent réfléchir sur la façon de rebondir et sur les enseignements à tirer de cette crise. Depuis une semaine, elles ont déjà changé leurs processus et leur façon de travailler, notamment avec la généralisation du télé-travail. Elles ne pourront pas faire l’économie d’une réflexion sur la stratégie, les moyens de production, la réorganisation du travail… J’espère que grâce aux mesures de soutien, d’accompagnement et de garanties, l’activité de la majorité de nos entreprises pourra repartir plus ou moins rapidement. Cela dépendra de la durée de la crise, qui reste une grande inconnue. Dans tous les cas, il y aura un avant et un après-coronavirus. Et les experts-comptables, dont le rôle consiste, au-delà du seul aspect comptable, à épauler les dirigeants d’entreprises dans l’amélioration de leurs performances économiques de même qu’en matière de transition numérique, de responsabilité sociétale et de développement durable, seront là pour les accompagner.

FOURNIR DES INFORMATIONS FIABLES

Depuis le début de la crise, les cabinets d’expertise comptable aux quatre coins de l’Hexagone sont sur le pont. L’ambiance générale ? « Notre préoccupation principale est d’apporter des réponses concrètes aux clients qui sont perturbés car ils reçoivent des informations discordantes de sources diverses. Les entrepreneurs se tournent donc vers nous pour obtenir des informations fiables », témoigne Philippe Sauveplane, vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. Parmi les questions brûlantes du moment, celle du chômage partiel inquiète tout particulièrement les dirigeants…

Autre préoccupation, comment organiser le travail des cabinets et des collaborateurs ? « Les cabinets d’experts-comptables à Montpellier, où je suis basé, font quasiment tous du télé-travail. Ils se débrouillent avec leurs ordinateurs et leurs propres téléphones sur lesquels ils reçoivent directement, via le transfert d’appels, les coups de fil des entrepreneurs », précise-t-il. Et d’ajouter : « Je constate une très grande volonté de nos collaborateurs d’apporter des réponses aux clients ». Pour ce faire, ils s’appuient notamment sur la FAQ du Conseil supérieur de l’ordre réservée aux experts-comptables, tandis qu’une autre FAQ, sur le site de l’Ordre (www.experts-comptables.fr) est désormais accessible au grand public, … Le mot d’ordre ? « Rassurer les clients, les aiguiller, mais aussi leur conseiller la prudence en attente d’informations précises », résume celui qui vient tout juste d’organiser une visio-conférence avec ses collaborateurs. Une manière de redoubler encore de motivation…

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Source : La Tribune