Article rédigé par Romain Amido, fondateur de la société Fin-Track, premier comparateur de produits financiers pour professionnels.

53 793. C’est d’après la Banque de France le nombre de sociétés ayant fait faillite entre février 2017 et février 2018. Comment l’expliquer ? La majorité des dépôts de bilan sont liés à des problèmes de trésorerie. Soit, en d’autres termes, d’un niveau de cash insuffisant. Une situation qui peut également toucher les entreprises bénéficiaires. Existe-t-il une solution préventive ? Oui : la culture cash. Éclairage.

LA CULTURE CASH EN BREF

La culture cash part de l’idée suivante : la situation de la trésorerie de l’entreprise dépend de tous les collaborateurs. Il est donc indispensable de diffuser les problématiques du cash au sein de tous les départements de l’entreprise, ainsi qu’à tous les échelons. La diffusion de la culture cash se rattache alors à l’Order to Cash, c’est-à-dire à l’ensemble des étapes du processus allant de la réception d’une commande client jusqu’au paiement de la facture, et au Purchase to Pay (de l’achat d’un bien ou service à son règlement fournisseur). Il est en effet essentiel de sensibiliser chacun des maillons de ces chaînes aux enjeux du cash. Des commerciaux aux achats, en passant par la production.

Combien de temps pour diffuser la culture cash ? Katia Dumont, Credit Manager, nous raconte l’implantation de la culture cash chez Naturex : “Le diagnostic et le déroulé des plans d’action, notamment la mise en place des routines, formation et sensibilisation des acteurs du cycle order to cash, développement des outils informatiques, reportings n’a pris que quelques mois et les actions ont été lancées dès début 2015 avec des résultats probants en 6 mois”

LES APPORTS DE LA CULTURE CASH

Principe de bonne gestion

La culture cash répond avant tout au principe de bonne gestion. La diffuser c’est rappeler ces principes de bon sens en gestion à toute la société. Le chiffre d’affaires, résultat d’exploitation ou encore les évolutions du BFR sont autant d’indicateurs à suivre et à améliorer continuellement. La culture cash permet aussi de satisfaire les attentes de dividendes des actionnaires. Enfin, le cash supplémentaire obtenu par son biais apporte des ressources pour s’autofinancer. Ce qui évite d’avoir à ouvrir davantage son capital ou de recourir à l’endettement.

Faire face aux fluctuations de l’activité et aux imprévus

La diffusion de la culture cash permet de garantir un niveau minimum de cash au sein de son entreprise. Ce qui offre deux avantages. Le premier est de pouvoir mieux gérer les périodes de “creux” ou au contraire de forte activité. Vous pourrez en effet compenser les faibles entrées de trésorerie des unes, et les importantes sorties de cash des autres. Le second avantage est de vous permettre de mieux gérer les imprévus. Aucune entreprise n’est en effet à l’abri d’une crise de trésorerie. Et si vous pouvez dans ce cas aller voir votre banquier, il n’empêche que vous ne serez pas dans une très bonne position pour négocier les conditions de l’emprunt. S’être constitué un fond de sécurité peut alors se révéler bien utile.

COMMENT IMPLANTER LA CULTURE CASH ?

“Le credit manager est le garant de la mise en place des règles, des indicateurs de suivi, des routines et de la diffusion de la culture cash au sein d’une entreprise. C’est un travail de longue haleine au moment de la mise en place de la culture cash”, explique Katia Dumont. L’impulsion doit également être donnée par la direction. En effet, elle seule peut faire bouger les collaborateurs les plus réfractaires. Les représentants du personnels peuvent ensuite être un bon relai.

1- Fixer un cadre et des process

Le mission du Credit Manager est d’abord de fixer un cadre. “Chez Naturex, nous avons notamment élaboré une credit policy qui détermine les rôles et responsabilités de chacun et qui fixe nos règles internes quant à la création et la validation des conditions de paiements, des limites de crédit et le recouvrement.”, raconte Katia Dumont. Il s’agit ensuite de bien définir les indicateurs de performance et d’opérer un suivi. “Chez Naturex , nous pilotons avec le DSO.”, précise Katia Dumont.

2- Exploiter les canaux de communication internes

Les premiers moyens de communication à mobiliser sont les canaux internes : emails, newsletters, plateforme en ligne de l’entreprise … L’objectif est de réaliser un reporting régulier, à destination des collaborateurs, sur la situation de la trésorerie de la société. Afin de toucher tout le monde, n’hésitez pas à simplifier au maximum le vocabulaire, en évacuant les termes trop techniques. Sans quoi, les salariés ayant une faible connaissance de la finance ne vous liront pas.

3- Organiser des formations

Programmer des sessions de formation peut faciliter l’appropriation des enjeux de la trésorerie par vos collaborateurs. Le format jeu de rôle peut être à cet égard un excellent moyen de les faire progresser rapidement. Des entreprises spécialisées peuvent vous proposer leurs services. “Le credit manager se doit d’avoir, en dehors de son département propre, un rôle de formateur et d’animateur interne à l’entreprise.”, explique Katia Dumont.

4 – Impliquer les collaborateurs

Un bon angle d’attaque peut également être de confier une partie du projet à une équipe transversale montée pour l’occasion. Les collaborateurs venant de divers départements pourront alors chercher ensemble des solutions pour améliorer la situation de la trésorerie. L’avantage de cette approche est de faire émerger des idées venant des opérationnels. Les axes d’améliorations retenus sont alors proposés aux directeurs de chaque département. Qui définissent ensuite un plan d’action ; ressources à allouer, échéances, indicateurs de performance … De son côté, le Credit Manager se doit d’aider les salariés, notamment pour chiffrer leurs plans.

5 – Utiliser les incitations financières

Divers leviers relatifs aux salaires peuvent également être mobilisés pour faciliter l’intégration des enjeux de la trésorerie par les collaborateurs : primes, plans d’intéressement, parts variables … L’idée est alors de lier les salaires à des objectifs relatifs aux encaissements, décaissements, etc. Les premiers à motiver sont ainsi les commerciaux. Ces derniers peuvent assurer des missions comme l’évaluation de la solvabilité d’un client potentiel ou encore la négociation des modalités de facturation. Mais comment les pousser à intégrer ces paramètres lorsque leurs objectifs, lesquels déterminent la partie variable de leur rémunération, dépendent du montant des contrats signés ? Une solution est de lier leur part variable aux montants réellement encaissés par l’entreprise.

6 – Contrôler les encours clients et fournisseurs

Comme l’expose Christophe Nobilet, dirigeant de Gestion Crédit Expert, la situation économique tendue encourage les fournisseurs à réclamer leur paiement dans des délais de plus en plus courts. Parallèlement, les entreprises éprouvent quelques réticences à relancer plus fermement leurs clients afin d’obtenir le paiement de leur facture. De peur de dégrader la relation qu’ils ont avec eux. En 2017, le retard moyen de paiement en France était ainsi de 11 jours. Sachant que le délai légal de paiement est de 60 jours. Une tendance qui fragilise la trésorerie des entreprises, et menace directement leurs activités.

Alors comment faire ? Katia Dumont nous donne une piste : “Une culture cash passe aussi par l’anticipation et la relance préventive qui est très efficace en termes de résultats mais aussi en termes de motivation des équipes de recouvrement dans leurs missions quotidiennes. Ces derniers se transforment en véritables partenaires du service client pour anticiper et résoudre les litiges plutôt qu’en agent de recouvrement avec des missions curatives.”

L’IMPORTANCE DE PÉRENNISER LA CULTURE CASH

L’implantation de la culture cash achevée, il ne faut pas pour autant l’abandonner ! “Le credit manager doit veiller à toujours maintenir un engouement et une responsabilisation des acteurs du cycle order to cash autour de la sécurisation des encours et de la collecte du cash. Cela peut se faire par différents moyens, notamment la mise en place de routines (incentives des commerciaux, envoi régulier de reportings opérationnels aux acteurs de la chaîne sales to cash, suivi des litiges avec le service clients, formation aux processus crédit management dans les parcours d’intégration des nouveaux arrivants etc …)” explique Katia Dumont. Et de conclure : “Le challenge est bien sûr de maintenir la performance !”