Une “tendance à la baisse” des délais moyens de paiement se confirme, d’après la dernière enquête annuelle menée par l’Association française des credit managers et conseils (AFDCC). Une amélioration due notamment à un cadre législatif renforcé au niveau des sanctions, aux contrôles accrus de la DGCCRF et à la dématérialisation obligatoire des factures.

75 % des entreprises ont constaté une diminution ou la stabilité de leur DSO* en 2016. « C’est une bonne nouvelle ! », note Jérôme Mandrillon, président d’honneur de l’Association française des credit managers et conseils (AFDCC), avant de détailler précisément les résultats de la 14e édition de l’enquête annuelle sur les comportements de paiement présentée hier par l’Association.

Une amélioration constante des comportements

Globalement, les comportements des entreprises s’améliorent et cette situation favorable demeure constante depuis 3 ans. En 2016, 61 % des entreprises ne constatent pas de progression des retards de paiement, et s’ils progressent, leur durée est courte (50 % des retards inférieurs à 4 jours, 80 % inférieurs à 9 jours). Selon Éric Latreuille, président de l’AFDCC, cette tendance est principalement due au « cadre législatif et à l’action des credit manager efficaces en la matière ».

Par rapport à l’année précédente, 67 % des sondés ne constatent pas non plus de progression des faux litiges (technique connue pour rallonger le délai de paiement fournisseur). « C’est nouveau », se félicite Éric Latreuille. Et pour Jérôme Mandrillon, l’inversion de la courbe a été rendue possible grâce à la DGCCRF, dont l’augmentation des contrôles « commence à porter ses fruits » (voir article).

Sphère publique : « bien, mais peut mieux faire »

Au niveau des délais pratiqués par les collectivités locales, la tendance est à l’amélioration même si pour 80 % des entreprises sondées, on constate tout de même une augmentation ou une stabilité des délais de paiement. « Cela reste un problème », déplore le président d’honneur de l’AFDCC. Concernant l’État – qui s’était engagé à réduire ses délais de paiement à 30 jours (décret n°2008-407 du 28 avril 2008) – 30 % des entreprises sondées constatent encore une augmentation des délais de paiement en 2016 (contre 40 % en 2015). Le DSO moyen est toutefois passé de 60,5 jours en 2015 à 59,5 jours en 2016.

S’il espère une amélioration du comportement de l’État, Jérôme Mandrillon attend aussi beaucoup des données de l’Observatoire des délais de paiement qui vont analyser les pratiques des autres donneurs d’ordre public (régions, ministères). « C’est intéressant pour les entreprises », elles pourront, par exemple, « intégrer dans leurs prix le fait de ne pas être payées à l’heure ».

La dématérialisation des factures pourrait être un « accélérateur de paiement », selon Jérôme Mandrillon. Devenue obligatoire depuis le 1er janvier 2017 pour les grandes entreprises (plus de 5 000 salariés) et les personnes publiques qui émettent des factures à destination de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics respectifs, son impact sur le raccourcissement des délais de paiement sera d’après lui encore plus significatif dès lors que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, seront concernées par la facture électronique obligatoire à horizon 2020 (voir le calendrier d’obligation de facturation électronique).

Les pénalités de retard rarement réclamées

A l’heure actuelle, très peu d’entreprises appliquent des pénalités de retard à leurs clients : seulement 53 % d’entre elles les réclament systématiquement ou occasionnellement et 62 % les encaissent dans certains cas. Pour autant, une large majorité d’entre elles (75 %) se déclarent favorables à ce que cette pratique devienne obligatoire. Ce faible recours aux pénalités est « culturel », constate Éric Latreuille en comparant la situation de l’Hexagone avec celle des pays d’Europe du Nord comme le Danemark et la Norvège où les pénalités sont toujours « réclamées et payées ».

Concernant l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement devenue obligatoire depuis le 1er janvier 2013 (décret n° 2012-1115 du 2 octobre 2012), 84 % des entreprises déclarent avoir ajouté cette mention obligatoire sur leurs factures. En revanche, seulement 48 % l’indiquent dans leurs relances (contre 38 % en 2015). Jérôme Mandrillon regrette le manque d’efficience de cette nouvelle mesure qui a encore des « difficultés à prospérer ».

Perspectives

Les prêts inter-entreprises à court terme récemment rendus possibles par la loi Macron et son décret d’application, sont aussi très peu utilisés : 99 % des entreprises interrogées déclarent ne pas y avoir recours. Pour Jérôme Mandrillon, cela s’explique par le fait que cette mesure soit concurrencée par les nouveaux modes de financement alternatifs (le crowdfunding, notamment).

Enfin, le durcissement des contrôles opérés par la DGCCRF en 2016 (228 procédures d’amendes et 34 sanctions administratives publiées) ainsi que l’alourdissement par la loi Sapin II des sanctions applicables en matière de délais de paiement – jusqu’à 2 millions d’euros contre 375 000 € auparavant (voir article) – sont particulièrement approuvés par les deux dirigeants de l’AFDCC. Pour ces derniers, les dernières mesures laissent présager des « perspectives de renforcement des contrôles » des entreprises pour l’année 2017.

*Le DSO « Days Sales Outstanding » correspond au délai moyen de paiement.

Source : Leslie BRASSAC – Actuel Direction Juridique