Délais de paiement : les pistes pour aider les entreprises à réclamer leur dû

Les délais de paiement s’allongent en France depuis plusieurs mois. L’introduction de nouvelles règles peut-elle changer la donne ? Rien n’est moins sûr…

 

C’est une marée dont nul ne sait si elle pourra bientôt s’inverser : les délais de paiement s’allongent en France depuis plusieurs mois. Ainsi, selonle spécialiste Altares – qui analyse les balances âgées des entreprises (détail, pour un portefeuille clientèle donné de clients, des montants dus, échus et non échus par client ; ce qui permet de fixer les priorités de relances)  -, les retards de paiement des sociétés françaises se sont établis à 12,1 jours au 4e trimestre 2012, contre 11,8 à l’été et 11,5 jours au printemps dernier… Seules 31,5 % des entreprises françaises paient désormais sans retard. La même proportion n’hésite pas à payer avec plus d’un mois de retard !

Or ces retards pèsent sur la santé des entreprises. Dans son rapport annuel 2012, l’Observatoire des délais de paiement estime que l’application généralisée des paiements à 45 jours ou à 60 jours nets à compter de la date d’émission de la facture, prévus par la loi pour la modernisation de l’économie (dite « LME », d’août 2008 et qui a pris effet au 1er janvier 2009) procurerait un supplément de trésorerie de 13 milliards d’euros aux PME et de 9 milliards aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Plus grave encore, les retards de paiement seraient à l’origine d’une défaillance sur quatre dans l’Hexagone.

Certes, la mise en place de la LME a, dans un premier temps, permis une nette amélioration. « Les délais de paiement ont été réduits de plusieurs jours entre 2009 et 2011, et ce malgré la crise économique, indique Anne Williart, directeur général France d’Intrum Justitia. Mais, aujourd’hui, on arrive au terme du bénéfice des mesures législatives sur les délais contractuels et des accords dérogatoires. Il n’y a plus de gain naturel à espérer. » Pourtant, le 1er janvier est entrée en vigueur la loi du 22 mars 2012, transcription de la directive européenne de 2011 sur le sujet, apportant un changement majeur. « Le créancier qui gagne son procès va pouvoir bénéficier d’une indemnisation de ses frais réels en matière de recouvrement. C’est une révolution dans la logique française », se réjouit Philippe Touzet, associé gérant du cabinet Touzet, Bocquet & Associés, avocats spécialisés en recouvrement judiciaire. « Elle oblige les entreprises à réclamer à leurs clients retardataires des indemnités de recouvrement forfaitaire de 40 euros par facture et permet des indemnités complémentaires. Cela pourrait, enfin, modifier le comportement des entreprises françaises face aux mauvais payeurs », ajoute Anne Williart.

Quelles mentions indiquer dans les factures et conditions générales de vente ?

D’après une enquête menée fin 2012 par l’Association française des crédit managers et conseils (l’AFDCC), 41 % des entreprises prévoient de facturer ces nouvelles pénalités, mais peu semblent les avoir déjà mises en place aujourd’hui. « Beaucoup d’entreprises ne savent pas très bien comment s’y prendre pour indiquer les nouvelles modalités sur leurs factures et conditions générales de vente », reconnaît Anne Williart. Attention, pourtant, ceux qui ne le font pas risquent une amende de 75.000 euros !

Au-delà des libellés des factures, c’est la logique qu’il faut changer : les pays du nord de l’Europe ont bien, depuis longtemps, pris l’habitude de facturer les mauvais payeurs… Car le problème est bien là : les entreprises françaises n’osent pas réclamer leur dû. « Elles craignent, surtout dans le contexte économique actuel, que le fait de relancer leurs clients leur fasse perdre des parts de marché », explique Denis Le Bossé, président du cabinet ARC, spécialiste en gestion du poste clients et recouvrement de créances.

 

Des conséquences sur la défaillance de petites entreprises

Si le sujet est aujourd’hui brûlant, c’est que la crise semble prendre une nouvelle ampleur, avec un effet sanglant attendu sur les délais de paiement et, surtout, un effet domino des défaillances. « Jusqu’à présent, la France a souffert d’un risque de fréquence, avec de nombreuses défaillances de petites entreprises. On peut redouter pour 2013 un risque de pointe, avec la mise en défaut de créances beaucoup plus importantes et dont l’effet de chaîne sera probablement plus violent pour nos PME qu’en 2008-2009 », estime Jérôme Pezé, président de Tinubu Square, spécialiste en risque de crédit.

 

Dans les entreprises, il faut réagir très vite pour recouvrer ses créances : selon les professionnels, une créance affichant plus de 60 jours de retard n’a que 40 % de chances d’être récupérée… Côté pouvoirs publics, [1053437?] (au Salon des entrepreneurs, début février, puis dans « Les Echos » du 12 mars) reprenant à son compte une partie des 13 pistes données récemment par l’Observatoire des délais de paiement. Mais les professionnels de la place considèrent qu’une « charte » ne changera pas grand-chose. Ils attendent davantage de la mise en lumière des délais « cachés », correspondant aux litiges, ou contestations, et qui ne sont pas enregistrés aujourd’hui. Beaucoup espèrent, ensuite, une implication plus massive des commissaires aux comptes sur le sujet et le développement des mesures coercitives, en la personne de la DGCCRF. « Aujourd’hui, cette direction procède à quelque 1.800 contrôles. Il faudrait que leur nombre soit très largement accru », estime Denis Le Bossé. Rendez-vous est donné dans la loi sur la consommation actuellement en préparation par Benoît Hamon…

A retenir

Les pénalités de retard Si le contrat stipule une date de règlement butoir (au maximum 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission des factures), les entreprises sont automatiquement autorisées à réclamer des pénalités de retard. Dans le cas contraire, ce sera 30 jours après la date de réception des marchandises ou de réalisation de la prestation. Dans le cas où le mode de calcul des pénalités ne serait pas mentionné dans le contrat, leur montant s’élève à au moins 10 points au-dessus du taux de refinancement principal de la BCE.Une indemnisation pour frais de recouvrement est prévue depuis le 1er janvier 2013. Elle s’élève forfaitairement à 40 euros par facture. Il est par ailleurs possible d’exiger une indemnisation complémentaire, à justifier, au titre des frais de recouvrement engagés (auprès d’avocats ou de sociétés de recouvrement de créances). A faire Il faut tenir compte de cette nouvelle réglementation en modifiant ses conditions générales de vente et ses factures, sous peine d’une amende de 75.000 euros.

Source : Les Echos