Les délais de paiement, c’est le quart des dettes des entreprises

Même s’ils se réduisent, les retards de paiement sont monnaie courante entre entreprises. L’économiste Jean-Hervé Lorenzi pointe du doigt les grands groupes, l’Etat et les collectivités locales.

Face aux difficultés qu’elles ont à obtenir un crédit auprès de leurs banques, les entreprises utilisent toujours autant le système D. On retarde le paiement d’une facture ici, on accorde un délai à un client là. C’est ce qu’on appelle le crédit inter-entreprises, une forme de prêt octroyé via les délais de paiement. Une pratique qui est loin d’être anodine: elle représentait en 2011 près de 605 milliards d’euros selon les données du ministère. Et, en 2010, elle équivalait à 23% de l’endettement financier de ces entreprises non financières, selon les données de l’Insee reprises par le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement, qui a été présenté devant la presse jeudi 28 février.

Si les délais de paiement peuvent faire office de soupape, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Et, de fait, c’est le plus souvent les petites entreprises qui ont à subir les retards des grandes. Ce combat de David contre Goliath pénalise régulièrement les PME, qui disposent de marges de trésorerie faibles. Au point, parfois, de les obliger à fermer boutique.

Des délais de paiement en baisse depuis la LME

Le gouvernement a d’ailleurs bien conscience du problème. Le 6 février dernier, au Salon des entrepreneurs, le ministre de l’Economie Pierre Moscovici promettait aux PME de s’attaquer aux délais de paiement, que cela concerne les grands groupes ou l’Etat. “Les délais de paiement sont un levier de compétitivité qui a trop longtemps été sous-estimé. Il en va de la survie de nos entreprises”, déclarait ainsi Pierre Moscovici.

L’empressement du ministre à souligner ce point est louable. Mais c’est aussi oublier qu’en 2008, le gouvernement Fillon déclarait déjà la guerre aux délais de paiement à rallonge via la loi de modernisation de l’économie (LME). Est-ce à dire que la législation a été inefficace ? Le jugement serait sévère, si l’on en croit l’Observatoire des délais de paiement. La LME a indéniablement amélioré la situation. En 2008, les délais clients représentaient 48 jours de chiffre d’affaires et les délais fournisseurs 57 jours d’achats. A la fin de l’année 2011, ces délais étaient tombés respectivement à 44 et 53 jours. Et en matière de retard de paiement, la France est dans la moyenne européenne, entre les pays du Sud et ceux du Nord.

Jean-Hervé Lorenzi, président de l’Observatoire des délais de paiement, fait le point sur la situation actuelle : Visionner la vidéo

La LME n’a pas pour autant complètement assaini les rapports entre entreprises, souligne également le rapport. Déjà la baisse des délais de paiement semble se ralentir. Et ces derniers pourraient même être en hausse en 2012. Pire, moins d’une entreprise française sur trois seulement (31,5%) paie ses fournisseurs à temps, selon une étude d’Altarès sortie en février.

L’Etat mauvais payeur en voie de rédemption

A qui la faute ? “Principalement aux grandes entreprises, à l’Etat et aux collectivités locales”, répond Jean-Hervé Lorenzi. Dans 40% des cas en effet, les retards de paiement sont le fait de grands groupes ou du secteur public, selon une enquête de la CGPME réalisée en 2012. Mais l’Etat est en train d’évoluer sur la question. En moyenne, il se passe 23 jours (contre 36 en 2011) entre le moment où la facture est reçue et le moment où elle “est mise en paiement”.

C’est pourquoi Jean-Hervé Lorenzi préconise une application plus stricte de la LME. D’après lui, les entreprises n’ont pas besoin d’une nouvelle loi, même si la définition du délai de paiement (en particulier la date à partir de laquelle on commence à compter) est floue. Il suffit selon lui de préciser les choses dans les contrats et de généraliser les pénalités de retard. Jean-Hervé Lorenzi préconise également un contrôle plus poussé des entreprises et des collectivités locales. Il milite aussi pour l’instauration de sanctions administratives contre les mauvais payeurs. L’enjeu est considérable. Selon l’Observatoire des délais de paiement, la simple application généralisée de la LME permettrait de dégager un supplément de trésorerie de 11 milliards d’euros pour les entreprises.

Les solutions de l’Observatoire des délais de paiement pour améliorer les pratiques : Visionner la vidéo

Source : Challenges