Les règles de la preuve

LES REGLES DE LA PREUVE

 

Pacta Sunt Servanda : les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, comme le précise l’article 1134 du Code Civil. Lorsque des personnes s’obligent à donner, faire ou ne pas faire quelque chose, elles forment entre elles un contrat (art 1101 du Code Civil) qui aura, entre elles uniquement, une force obligatoire. Il s’agit ici d’étudier le cas des contrats qui impliquent pour au moins une des parties une obligation de payer, en échange d’une multitude de prestations possibles : livraison d’un article, exécution d’une prestation de service intellectuelle, exécution de travaux, prestation de service matériel et la liste n’est pas exhaustive.

 

Dans bien des cas, le paiement de la somme d’argent se trouvera conditionné par la prestation et le créancier qui aura effectué « sa part du marché » sera confronté à l’attente du paiement de son cocontractant devenu alors son débiteur. Cette situation est d’autant plus vraie que le système français se veut particulièrement laxiste. L’article 441-6 du Code de Commerce prévoit un délai légal de paiements de 30 jours et si les parties en décident autrement entre elles, ce délai ne peut excéder les quarante-cinq jours fin de mois ou les soixantes jours à compter de la date d’émission de la facture. Ainsi, si ces délais sont importants et les débiteurs, parfois peu diligents, c’est alors au créancier de se battre pour recouvrer sa créance.

 

Qu’on ne se raconte pas d’histoire, il n’est pas toujours évident de pouvoir recouvrer sa créance, à défaut de quoi, on abandonne le fruit d’un travail. En tout état de cause, qui peut s’octroyer le luxe de renoncer à sa créance ?

 

Ainsi, si nous sommes à un moment de la vie d’un contrat en situation de devoir prouver son existence, c’est bien parce que le risque de défaillance du débiteur est vraisemblable. La preuve intervient alors aux fins de rappeler la portée de l’obligation et de convaincre le cocontractant de s’exécuter à l’amiable ou judiciairement.

 

L’écrivain Paule Saint-Onge soulignait : « On fuit ceux à qui on a trop d’obligation » et bien il semblerait qu’en matière de créances, on fuit aussi ceux envers qui l’on a une obligation à laquelle on s’est engagée en connaissance de cause. Le débiteur qui ne paye pas est animé par plusieurs raisons connues : la hiérarchisation de ses paiements en faveur d’autres créanciers, une volonté de ne pas payer (souvent lié à la relation contractuelle, parfois par vengeance, parfois par incompréhension), la condition d’un paiement lié à un événement extérieur (souvent une rentrée d’argent dont il est lui-même créancier), le différé des paiements, l’exception d’inexécution de l’obligation du créancier, ou encore il pourra user d’une série d’artifices de mauvaise foi pour se soustraire tout simplement au paiement. Dans tous ces cas non exhaustifs, le créancier face à l’impayé devra prouver la réalité du lien contractuel et du montant afin de contraindre son débiteur.

 

Nous terminerons cette introduction sur l’exigence de rapidité. Le recouvrement étant le prix de la course, nul ne peut sous-estimer le paramètre de la célérité en présence d’une créance commerciale ou civile pour éviter de se voir opposer une procédure collective du cocontractant ou un surendettement de son débiteur personne physique.

           

Ainsi, que ce soit à l’amiable ou au judiciaire, une meilleure connaissance des moyens et exigences du recouvrement permettront au créancier de se prémunir contre les ruses du débiteur et contre les failles du système. Ainsi nous tenterons d’en souligner les points importants tout en faisant référence aux textes incontournables. Nous développerons dans un premier temps les moyens préventifs et moins coûteux du recouvrement amiable et dans un deuxième temps, les conditions et enjeux d’une procédure judiciaire.

 

I)                   La prévention des difficultés, vers un règlement amiable des retards de paiement

 

Les enjeux d’un recouvrement de créance à l’amiable sont d’abord d’ordre psychologique afin de contourner les réticences du débiteur en le comprenant, mais c’est aussi la phase préparatoire d’une possible procédure judiciaire à venir, une épée de Damoclès que ne peut ignorer le débiteur.

 

A)    Le droit général de la preuve, une connaissance primordiale

 

Afin d’amener le débiteur à s’exécuter, il faut être investi d’une confiance en soi indéniable, particulièrement si la carte de la procédure judiciaire est évoquée, elle se doit d’être basée sur des preuves sérieuses. Évoquons donc d’abord ce fameux droit général de la preuve.

 

Qui doit prouver l’existence de l’obligation ? Le débiteur comme le créancier en fonction de la situation, en effet, celui qui réclame l’exécution de l’obligation doit prouver son existence et celui qui prétend s’en être libéré doit en prouver l’extinction (par paiement ou par l’exécution de son obligation), cela en vertu de l’article 1315 du Code Civil, pilier du droit de la preuve en matière d’obligation.

 

1)      Une distinction Civile/Commerciale fondamentale…

 

Il s’agit de la fameuse distinction B to B et B to C, ou autrement, est ce que le commerçant est confronté à un autre commerçant ou à un non commerçant. En effet, la créance commerciale ne concernera que la relation B to B et la créance civile concernera toutes les autres situations. Cette dernière se réfère donc à la situation dans laquelle l’un des intervenants est non professionnel.

 

Le consommateur sera toute personne qui intervient hors d’un cadre professionnel et qui par conséquent est présumé « ignorant » des pratiques commerciales de la branche. Cette ignorance a poussé la législation européenne et française, tout comme la jurisprudence à développer un cadre juridique extrêmement protecteur des consommateurs. Voyons tout d’abord le libéralisme de la preuve en matière commerciale puis la rigueur imposée à la relation B to C.

 

Dans les deux cas, l’enjeu sera de prouver d’une part l’accord des parties sur l’existence de l’obligation et d’autre part le créancier devra prouver si besoin l’exécution de son obligation qui a alors fait naître l’exigibilité de la dette.

 

a)      La preuve d’une créance commerciale

 

Tout d’abord, une petit considération quant aux conditions générales de vente qui doivent en vertu de l’article L441-6 du Code de Commerce prévoir dans une relation B to B les conditions de vente, le barèmpe des prix unitaires, les réductions de prix et les conditions de règlement. Par exemple, fixer un délai de paiement supérieur à la limite légale est répressible de 15 000 euros d’amende.

 

La règle est simple, tous les moyens de preuve sont acceptés en matière commerciale en vertu de l’article L110-3 du Code de Commerce. Il faut donc être créatif et savoir mettre tous les atouts de son côté. On distinguera trois cordes à l’arc de la preuve: la preuve par écrit, la preuve testimoniale et la preuve par présomption qui pèse souvent à l’encontre du professionnel car il est considéré comme ne pouvant ignorer certaines obligations du fait de son activité professionnelle.

 

La preuve littérale, connue pour sa fiabilité, résultera d’une suite de lettres,  de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés de signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission en vertyu de l’article 1316 du Code Civil. Il pourra donc s’agir de bons de commande, de bordereaux de livraison, de contrats, de devis, de procès-verbaux, de factures. Il faudra bien sur fournir ces preuves de façon cumulative, par exemple, il appartient à un fournisseur réclamant le paiement de factures de prouver la réalité des livraisons ayant donné lieu à cette facturation, en produisant les bordereaux de livraison (Cass. Com, 9 juillet 1991).

 

Mais aussi sont acceptés la signature électronique, les copies, les preuves technologiques, les télé-paiements, les transactions électroniques, les signatures numériques, les télexes, télécopies, télégrammes, enfin tous moyens que la télématique et l’informatique ont pu apporter à notre époque en vertu de l’article 1316-1 du Code Civil à condition que la personne dont il émane puisse être dûment identifiée et qu’ils soient conservés dans des conditions de nature à garantir leur intégrité. Ces moyens se doivent cependant de respecter les lois du 6 janvier 1978 et du 6 aout 2004  prévoyant le respect de la vie privée et de la confidentialité et cela, sous la surveillance de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

 

Finalement, la preuve testimoniale repose sur l’intervention d’un tiers qui pourra faire part de faits dont il a connaissance par voie d’attestation ou d’enquête selon l’article 199 du Code de Procédure Civile.

 

Une seule limite demeure, la règle selon laquelle on ne peut se créer une preuve à soi-même, par exemple concernant la portée limitée d’une facture qui a elle seule ne peut constituer la preuve de l’obligation (Cass. Com 2 du 6 décembre 1994), une prudence qui s’impose à tous les créanciers.

 

b)      La preuve d’une créance civile

 

Comme évoqué précédemment, la créance civile se prouve de manière plus rigoureuse car le législateur a tendance à protéger la partie non professionnelle. Ainsi nous verrons tout d’abord le droit de la preuve puis la difficulté que posent les clauses abusives et les conditions générales de vente.

 

–   La preuve : La matière civile est soumise à la preuve par écrit qui est beaucoup plus stricte et fiable. Deux exception cependant, les contrats portant sur une somme ou un objet d’une valeur de moins de 1500 euros (fixé par décret du 20 août 2004, entré en vigueur le 1er janvier 2005) et qui ne sont pas des contrats d’assurance peuvent être prouvés par tous moyens. Et lorsqu’il n’y a pas de preuves littérales, le juge appréciera la preuve par tous moyens du titre le plus vraisemblable, quel qu’en soit le support (article 1316-1 du Code Civil).

 

Qu’est-ce que l’écrit alors en matière de preuve?

 

Les points essentiels de la preuve par écrit

 

– Il s’agit d’acte sous signature privée ou devant notaire respectant les formes prévues par la loi :

– L’acte sous seing privée est valable sous doubles conditions: la signature valable des parties ainsi qu’une pluralité d’originaux d’autant qu’il y a de parties engagées à une obligation. Si une seule partie s’engage alors le titre doit comporter la signature de celui qui s’engage, la mention écrite “par lui-même” et la mention écrite de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (article 1325 et 1626 du Code Civil)

– La signature fait foi du consentement des parties et de la connaissance de ce à quoi elles s’engagent, apposée par un officier public, elle confère l’authenticité de l’acte (article 1316-4 du Code Civil).

– L’écrit électronique équivaut désormais à l’écrit papier depuis la loi du 21 juin 2004.

– Le mail n’est pas un écrit électronique à moins qu’une convention préalable sur la preuve entre les parties ne l’admette.

– Les copies sont autorisées comme mode de preuve littéral (article  1334 et1348 du Code Civil)

– La signature électronique renvoie à des exigences très fortes de validité (usage d’un procédé fiable d’indentification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache) mais bénéficie d’une présomption de fiabilité difficile à renverser.

– L’acte devant notaire peut être aussi électronique encore une fois sous conditions très strictes.

 

–   Les clauses abusives : ce sujet ne pourra être qu’abordé aux vues de sa densité, cependant, certains points importants sont à noter.

 

Les clauses abusives sont une limite à la liberté contractuelle dans le but de protéger le consommateur. Elles apparaissent dans les contrats standardisées ou d’adhésion auxquels les commerçants ont recours, bien souvent dans les conditions générales de vente qu’il faut donc soigner. Trois sources déterminent le caractère abusif d’une clause contractuelle : la source légale fondée sur le déséquilibre des parties (article L 132-1 du Code de la Consommation), le décret et les recommandations de la Commission des clauses abusives, le tout soutenu par la jurisprudence et le cadre juridique européen. C’est pourquoi le créancier sera prudent de ne pas évoquer des clauses de son contrat de nature à discussion pour établir la réalité de sa créance.

 

Les sanctions sont surtout civiles, la clause est réputée non écrite et il peut y avoir réparation d’un préjudice individuel, ou collectif s’il est porté par une association. Avec le débat sur les actions collectives, cette question est particulièrement sensible pour les commerçants car les coûts pourraient sensiblement augmenter si les « Class Action » venaient à exister en France. De plus, dans certains cas, l’absence ou la présence de certaines clauses vont engendrer la nullité du contrat, ce qui rendra une obligation de paiement caduque.

 

2)      …Évoluant vers une certaine souplesse.

 

Dans cet environnement de rigueur impactante, tout n’est pas noir. Tout d’abord, ces règles ne sont pas d’ordre public, ainsi elles se voient limitées par des limites légales et il est possible d’y déroger par convention.

 

Les limites de l’exigence de l’écrit sont par exemple l’impossibilité de fournir une preuve par écrit (article 1316-2 du Code Civil), le commencement de preuve par écrit (article 1347 du Code Civil), les aveux et serments et le principe de la liberté de la preuve pour les tiers.

 

            Malgré tout, pour les juges du fond, l’écrit demeure “la reine des preuves”.

 

Ainsi le dossier devra être le plus complet possible en matière de preuve mais en ne désespérant pas s’il n’est pas parfait car le juge fera une appréciation souveraine des preuves en se basant sur un faisceau d’indice, confrontant la valeur de toutes les preuves versées au débat.

 

B)    L’esprit de sauvegarde des relations commerciales

 

Il faut garder à l’esprit que dans la pratique, la situation de conflit que génère le retard de paiement du débiteur est bien souvent au sein même d’une relation commerciale plus ou moins durable qu’il faut donc préserver. Certaines actions vont sensiblement faciliter la tache du créancier.

 

1)      Comment maintenir les relations commerciales?

 

Tout d’abord, confier le recouvrement d’un retard de paiement à un tiers va avoir pour conséquence première de maintenir en l’état les rapports commerciaux entre le débiteur et le créancier. Le débiteur ne sera confronté qu’au tiers en question pour traiter du problème de la créance et ainsi, souvent pourra même se prolonger l’exécution du contrat.

 

Bien sûr, le maintien des relations commerciales doit dépendre de la situation économique du débiteur et sur ce point, le recours à un professionnel pour le recouvrement de la créance permettra d’adapter au mieux la stratégie à adopter en fonction de la situation et la position du débiteur.

 

2)      Les outils magiques du créancier

 

La loi offre un certain nombre de possibilités pour le créancier de faciliter sa démarche, et seul un créancier avisé pourra mettre en œuvre ces outils « magiques ».

 

a)      La reconnaissance de dette

 

Le merveilleux pouvoir de la reconnaissance de dette réside tout d’abord dans l’article 2240 du Code Civil qui prévoit que cette dernière, sous réserve de répondre aux conditions des écrits, suspend le délai de prescription. Ce qui laisse ouvert au créancier un laps de temps beaucoup plus important (car un nouveau délai court à partir du jour de la reconnaissance de dette) pour pouvoir exercer son droit.

 

Mais aussi, suite à un arrêt récent du 12 janvier 2012, au visa de l’article 1132 et 1316, la reconnaissance de dette recouvre un pouvoir supplémentaire en ce sens qu’elle présume la cause de l’obligation, autrement dit la raison pour laquelle les parties se sont engagées. Ainsi,  une reconnaissance de dette, même si elle ne répond pas à certaines exigences de forme,  vaudra établissement du lien de droit. Le débiteur devra donc prouver qu’il a payé pour pouvoir se soustraire à son obligation. En l’espèce, une épouse avait fait une reconnaissance de dette de 60 000 euros pour un prêt à son mari. Le juge a reconnu qu’il incombait à la femme de prouver qu’elle s’était libérée de sa dette et non au mari de prouver la remise de l’argent du prêt alors même que certaines mentions manuscrites n’étaient pas valables sur la reconnaissance de dette.

 

b)      Le chèque

 

D’une part le chèque vaut commencement de preuve par écrit (Cass. Civ. 1re, 25 juin 2009), ce qui est un poids non négligeable dans l’apport de preuve. D’autre part, le chèque, tout comme les effets de commerce (billet à ordre, lettre de change) sont opposables à une procédure collective, ils ne pourront donc pas être annulé si le débiteur se trouvait être en situation de cessation des paiements (article L632-3 du Code de Commerce).

 

Pour finir, l’article L131-73 du Code Monétaire et Financier prévoit que le certificat de non-paiement délivré par la banque suite à une provision insuffisante pour l’encaissement d’un chèque cumulé à la signification par voie d’huissier au tireur du chèque vaut titre exécutoire, donc commandement de payer.

 

Terminons cette première partie sur l’opportunité à agir, en effet, dans certaines situations, il ne faudra pas se voiler la face sur la situation et bien que la carte procédure judiciaire puisse être utilisée comme moyen de pression, il n’en demeurera pas moins qu’elle ne sera pas vraiment envisageable.

 

3)      L’opportunité à agir

 

Dans la majorité des cas, la créance sera traitée chronologiquement tout d’abord à l’amiable et si cette dernière échoue, la voie judiciaire restera ouverte. Dans quelles situations alors il n’est pas opportun de porter le litige devant les tribunaux et où alors, seule la voie amiable sera possible.

 

Le premier cas est indéniablement le plus problématique, il s’agit de la prescription. En effet, une action prescrite ne pourra plus se voir trancher judiciairement. En matière civile entre particuliers, comme en matière commerciale, la prescription est de cinq ans (article 2224 du Code Civil et L110-4 du Code de Commerce). Pour ce qui est de l’action du professionnel envers le consommateur elle se prescrit par deux ans (article L137-2 du Code de la Consommation. Et l’article L133-6 du Code de Commerce prévoit dans le domaine du transport une prescription de un an.

 

La reconnaissance de dette peut suspendre comme nous l’avons vu la prescription, il existe eux moyens pour interrompre cette dernière définitivement, il s’agit d’une part de la signification d’une assignation au débiteur ou de la signification d’une ordonnance d’injonction de payer et d’autre part, il s’agit des cas prévues entre les parties de conciliation ou médiation.

 

Deuxièmement, les coûts d’une procédure ne valent parfois pas la peine aux vues de la hauteur de la créance. En effet, avocats, huissiers, juridiction, une procédure judiciaire a un coût qui ne peut être ignoré.

 

Pour finir, un dossier peut parfois être faillible. En effet, comme nous l’avons évoqué, les règles de preuve demeurent strictes et par conséquent, un dossier pourra manquer de consistance probatoire. L’assise contractuelle pourra être remise en cause par le juge comme par exemple dans un dossier constitué uniquement de factures. Dans ces cas, légalement, le créancier pourra se voir débouter au prix du temps et du coût de la procédure. La négociation sera donc la seule voie, avec sa part de risques, devra être pris des comptes la possibilité d’échéancier ou de remise sur la dette afin d’arriver à un accord avec le débiteur.

 

Le traitement en interne est souvent une première tentative de recouvrement et en cas d’échec de cette dernière, le recours à un professionnel du recouvrement pourra être une alternative avantageuse à l’abandon de la créance. Si la créance venait à devoir être abandonnée suite à ces considérations, le créancier aura du en prévoir le risque et provisionner en conséquence.

 

Le facteur de la solvabilité est de manière générale déterminant de l’action du créancier. Ce dernier souhaite obtenir paiement et dans certaines situations, il sera confronté au surendettement de son débiteur, personne physique ou à la procédure collective de son cocontractant. C’est un élément à prendre en compte car aujourd’hui de nombreux moyens existent pour justement tester la solvabilité des personnes physiques ou morales. Si cette étude doit obligatoirement être faite avant de lancer les rouages d’un recouvrement de quelconque sorte qu’il soit, c’est aussi une information à se procurer en amont même de toutes relations commerciales afin de prévenir les risques d’impayés.

 

Une fois la phase amiable arrivée à son terme, la phase judiciaire s’ouvre au créancier. En comprendre les rouages permet à ce dernier de choisir quand la déclencher, jusqu’où aller et les avantages qu’il peut en dégager. En effet, à titre d’exemple, le créancier pourra réclamer les intérêts contractuels de retard durant la procédure amiable mais il ne pourra pas se prévaloir des dommages et intérêts au titre du préjudice qu’il subit, ce qu’il pourra faire en phase judiciaire.

 

 

II)                Les clefs d’une procédure judiciaire efficace, de la prévention à la répression

 

La procédure judiciaire doit être envisagée. L’abandon d’une créance est un luxe qu’on ne peut que se permettre qu’à de rares exceptions et quand bien même il s’avérerait qu’on peut se le permettre, dans une perspective morale et de construction économique, les débiteurs se doivent d’être poursuivis pour assurer la trésorerie de toute entreprise. C’est dans cette optique que se doit d’être considérée la preuve.

 

A)    L’assise contractuelle probatoire parfaite, moyen d’une procédure accélérée

 

Dans le cadre d’un dossier particulièrement complet dans laquelle la créance ne peut être sérieusement contestée, le créancier pourra se porter devant le juge de l’évidence afin de bénéficier d’une procédure accélérée.

 

1)      L’injonction de payer

 

Pourquoi une injonction de payer ?

 

C’est une procédure particulièrement rapide dans laquelle le créancier va présenter au juge de façon unilatérale un dossier qui sera acceptée ou non. L’assise contractuelle doit être certaine, au moins un contrat, ou un bon de livraison dûment signé, ou un bon de commande dûment signé et des factures. Si le tout est réuni alors la créance ne fait pas de doute et la procédure prendra d’autant plus de valeur. Soit le juge accueille la requête et rend une ordonnance favorable, soit il rend une ordonnance de rejet insusceptible de recours.

 

Quels risques ?

 

Le dépôt de la requête aux fins d’injonction de payer n’interrompt pas la prescription. La signification ou sa tentative (article 659 du Code de Procédure Civile étant entendu que le procès-verbal de recherche frustueuse est exclue de ces cas) de l’ordonnance au débiteur a cette faculté. De plus, si dans un délai de 1 mois, le débiteur qui a fait l’objet d’une signification à personne use de sa faculté d’opposition, alors le débat ira directement devant les juges du fond, procédure plus longue, plus coûteuse. Si le débiteur semble donc contester la créance de tel manière qu’il est prêt à porter le litige devant les juges du fond, l’injonction de payer n’est pas une procédure conseillée.

 

2)      La procédure en référé, face au juge de l’évidence

 

            La procédure en référé est le Saint Graal du créancier. Elle se justifie par l’urgence, ce qui est pratiquement toujours le cas en matière de recouvrement à cause des troubles de trésorerie liés au retard de paiement et est donc une procédure rapide. Elle est particulièrement efficace. L’avantage incontestable de cette procédure est qu’elle est exécutoire (autrement dit, elle pourra se voir mise en œuvre par des mesures exécutoires faites par voies d’huissier). Le débiteur doit s’acquitter de la créance avant d’interjeter appel.

 

            De plus, les voies de recours porte le débiteur devant la Cour d’Appel, ce qui est une procédure assez dissuasive et ce dernier doit vraiment avoir des sérieux motifs de contestation pour ce faire. L’unique condition est que la créance soit sérieuse, exigible et incontestable, d’où l’exigence d’un dossier particulièrement complet.

 

Finalement, si le dossier n’est pas présentable aux juges de l’évidence, les recours au fond sont possibles avec bien sûr à l’idée l’aléa des procédures lorsque les créances sont contestées. Cet aléa dépend à la fois des juridictions et des professionnels qui porteront devant les juridictions les intérêts du créancier.

 

B)    La preuve discutée devant les juges du fond

 

Il s’agit du tribunal de commerce pour les relations B to B sans limite de montant, pour les relations B to C, les tribunaux de proximité en deçà d’une demande principale de 4000 euros, les tribunaux d’instance entre 4000 et 10 000 euros et les tribunaux de grande instance au-dessus de 10 000 euros.

 

1)      Pourquoi et comment aller devant les juges du fond ?

 

Si l’on en arrive là, c’est qu’il existe des lacunes dans le dossier. Soit les contestations du débiteur sont particulièrement sérieuses et discutables, soit le dossier manque d’assise probatoire. Devant ces juridictions, tout sera discuté, contredit, prouvé. Il s’agit d’une configuration où la discussion est légitime car les preuves ne sont pas parfaites. Il faudra alors se prémunir d’une excellence dans les arguments juridiques, faire preuve de créativité afin de trouver les failles des contestations et de retourner les manques de preuves à votre avantage sur les fondements légaux et sur l’équité.

 

La procédure au fond peut être longue mais encore une fois, elle est le prix parfois d’un paiement inespéré.

 

2)      Des intérêts multiples possible grâce à la preuve

 

Dans la phase judiciaire, aussi bien dans les procédures accélérées que devant les juges du fond, il faudra plaider le dommage que subit le créancier due au retard de paiement (article 1153 du Code Civil), à l’obligation de faire une procédure (article 700 du Code de Procédure Civil), aux coûts humains et temporels (article 1147 Code Civil), au préjudice subi au titre de la mauvaise foi du débiteur (article 1134 du Code Civil), aux intérêts de retard contractuels, ainsi que l’exécution provisoire (permettant les mesures d’exécution afin de mettre en œuvre la décision avant la fin du délai d’appel ouvert) et éventuellement une astreinte. Tout devra être demandé devant le juge afin d’anticiper au mieux l’exécution à venir de la décision de justice. Ces demandes porteront d’autant plus leurs fruits que la preuve sera indéniable.

 

3)      Jusqu’où aller ? une histoire de calculs en fonction des preuves dont dispose le créancier

 

Finalement, les aléas de la justice et les contestations du débiteur pourront amener le créancier a monter les échelles des juridictions, soit parce qu’il ne veut pas abandonner sa créance suite à une décision soit car le débiteur ne veut pas se soumettre à une décision. Dans ce cas-là, le créancier doit prévoir les coûts de telles procédures qui pourront être longues. Un peu comme au poker, parfois, il faut savoir se coucher mais lorsque l’on est dans son bon droit et avec des cartes en main conséquentes, il faut aussi savoir se battre. Au final, la décision se fait au cas par cas en fonction d’une multitude de facteurs dont la sensibilité et l’opportunité d’action appartiennent au créancier sous le couvert de la stratégie.

 

Pour conclure, faire valoir sa créance revient à se créer une assise de pièces confortables pour convaincre en amiable ou en judiciaire avec un souci de maîtrise des coûts.

 

Comme Actori Incumbit Probatio, la charge de la preuve pèse sur le demandeur, le créancier devra s’armer des meilleurs instruments pour mettre de son côté toutes les chances de voir le fruit de son labeur finalement récompensé.

 

Mlle Jeanne ISRAEL

PROCONSEIL