L’interview du Credit Manager – Août

Gilles Million1) Pouvez-vous nous dire ce qui vous a conduit vers ce métier ? Quel est votre parcours ?
J’ai été responsable facturation dans une entreprise de 350 salariés puis ai travaillé en cabinet comptable dont 3 ans dans une « big 4 ». Le cabinet, quel qu’a été sa taille, m’a permis de comprendre les rouages des entreprises (TPE, PME, Groupes). Cette expérience à mon actif, je suis entré en 2005 dans le groupe Altran pour piloter la comptabilité d’une filiale de 60 millions de CA.
Après la vague des fusions au sein du groupe de 2006-2007, et après avoir effectué différentes missions ponctuelles en facturation, contrôle de gestion et comptabilité, le trésorier groupe m’a proposé fin 2008 de le rejoindre pour développer des programmes de mobilisation de créances à l’international (affacturage principalement), optimiser les programmes existants sur quelques pays et mettre en place un outil de prévisions de trésorerie. Je me suis alors demandé dans quelle discipline s’inscrivait l’affacturage, ce type de financement court terme. J’ai ainsi découvert le credit-management.
Je me suis vite aperçu que je faisais et que j’avais déjà fait du credit-management, du moins partiellement, et que cela me plaisait particulièrement.
J’ai repris en 2010 des études en parallèle de mon emploi pour obtenir un master professionnel en credit-management à l’ESC Tours-Poitiers en partenariat avec l’AFDCC.
Finalement, diplôme en poche, c’est en me servant des conséquences des retards de paiements et des retards de facturation sur l’affacturage que je me suis permis de faire des propositions globales pour le groupe, et qu’il m’a donc été possible en 2012 de créer le poste de Credit-Manager Groupe qui n’existait pas auparavant.
Aujourd’hui, les choses se mettent en place progressivement puisque je participe au référentiel client, à l’optimisation de la base clients, au projet de mise en place de l’ERP, à certaine facettes du plan stratégique, à la mise en place d’indicateurs clés sur nos clients… et j’ai bien entendu continué le développement d’une expertise très forte sur la mobilisation de créances commerciales et fiscales, en phase avec la stratégie du groupe.

2) Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans une carrière dans le Credit Management ?
Il faut absolument à mon avis être commercial et financier :
– Commercial pour la négociation et pour la compréhension business
– Financier pour le décryptage des rouages d’un bilan, d’un compte de résultat et servir au mieux les intérêts de tous (nos clients, nos commerciaux, nos dirigeants commerciaux, nos dirigeants financiers)

3) Quelles sont, selon vous, les qualités d’un bon Credit Manager ?
Curiosité et écoute : c’est banal je sais.
Plus que d’être curieux, il faut vraiment s’intéresser à toutes les parties de l’entreprise et visualiser les impacts de chaque fonction, chaque décision. 
L’écoute car je ne vois pas très bien comment répondre à la fois aux exigences de nos clients, de nos commerciaux et de nos financiers sans être à leur écoute.

4) Pouvez-vous nous décrire votre organisation ? (Comment fonctionne votre service, à qui êtes-vous rattaché, combien de personnes travaillent avec vous, quel est votre périmètre d’intervention,…) 
Hiérarchiquement, le trésorier du groupe est mon N+1 et le directeur administratif et financier du groupe mon N+2. Je reporte aux deux. Je n’ai pas de N-1 et suis tout seul.
Notre organisation fait que les credit-managers de chaque pays sont hiérarchiquement rattachés à leur directeur financier local. Nos rapports ne sont donc pas hiérarchiques mais fonctionnels. Cela apporte une autre dimension à ma fonction car je trouve le management fonctionnel plus difficile que le management hiérarchique.
Mon périmètre d’intervention est l’ensemble des pays d’implantation du groupe (Europe, Asie, Amérique), mes actions sont surtout européennes.

5) Au cours des dernières années, pouvez-vous nous donner votre ressenti sur l’évolution de cette fonction ?
Je ne m’estime pas assez expérimenté pour juger mais notre fonction qu’elle soit centrale ou opérationnelle a pris de l’importance et en prend encore surtout en période de crise. 

6) Comment pensez-vous que le métier évoluera dans le futur ?
Certains disent que nous ferons de plus en plus de cash-management ou de gestion de BFR, voire même de contrôle de gestion. Certains en font déjà. Je pense que le manque de crédit bancaire moyen et long terme et le besoin de se prémunir contre le risque peut effectivement conduire à nous rapprocher de la trésorerie et du cash-management. 

7) A votre avis, comment le service Credit Management d’une entreprise doit-il se situer par rapport aux autres services (commercial, ADV, trésorerie, service clients,…) ?
Sa meilleure place est sous la direction financière. Son indépendance vis-à-vis des autres services est importante pour tenter de servir les intérêts de tous et ne pas prendre parti.

8) Dans le cadre de votre fonction, auriez-vous une astuce infaillible à nous faire partager ?
L’adhésion permet d’avancer : je recherche toujours les intérêts des autres dans les miens et vice versa. Les clients sont rois, les commerciaux sont rois, les financiers sont rois, le credit-management est également roi.

9) Avez-vous une anecdote (situation cocasse) rencontrée dans votre vie professionnelle à nous faire partager ?
Pas particulièrement, mais néanmoins une situation qui montre que la façon d’aborder les choses est importante :
Il y a un peu plus d’un an, j’ai manifesté mon mécontentement. J’ai dit que plusieurs sources clients dans le groupe ne servaient pas les intérêts de tous et particulièrement pas ceux du credit-management car les données nécessaires au métier étaient incomplètes et dispersées dans différentes bases. J’ai donc proposé de travailler avec tous sur une seule base complète pour tous. Les garants du référentiel clients m’ont répondu : « pas touche à notre base », le marketing m’a dit que ce n’était pas malin car leur base contiendrait trop de données inutiles pour eux. La stratégie, qui renferme de grands diplomates, m’a gentiment dit que mon idée est bonne, mais qu’on ne peut pas tout chambouler parce qu’un service le demande alors que ce n’est l’intérêt de personne. Je suis parti, persuadé qu’ils étaient tous réfractaires au changement.
En fait non, c’est ma prétention liée à ma position qui m’a fait défaut.
Il y a quelques mois, je suis revenu avec mon idée mais je l’ai présentée autrement. J’ai choisi une base clients (la plus proche de ce que je souhaite à terme), ai rendu visite à la personne qui l’administre et lui ai demandé la possibilité d’enrichir son excellente base de nouvelles informations dont certaines pouvaient lui servir et d’autres même servir à la stratégie. Quelques jours après, cette dernière ayant eu vent de l’entrevue, a eu l’idée de lancer un projet pour remettre à plat les différentes bases et de n’en avoir qu’une pour tous. La présentation du projet très claire, très diplomatique, a remporté l’adhésion de tous. Aujourd’hui, nous avançons dans cette optimisation de base unique. Le projet implique la stratégie, la CRM, le marketing et bien sûr, le credit-management…

Conclusion : ne pas baisser les bras, toujours chercher dans son intérêt, l’intérêt de l’autre.

Merci à Gilles Million, Credit-Manager Groupe chez Altran Technologies, pour cette interview.

Vous souhaitez vous aussi partager votre expérience et répondre à ces questions ?
N’hésitez pas à nous contacter : anne-laure.spiguelaire@afdcc.com – 01.40.20.95.74 – www.afdcc.com – Association Française des Credit Managers et Conseils – 14 rue Pergolèse, 75116 Paris