L’interview du Credit Manager – Février

C.Jacquin photo article1) Pouvez-vous nous dire ce qui vous a conduit vers ce métier ? Quel est votre parcours ?
Au départ de ma carrière, rien ne me prédestinait à ce métier (mon premier poste, pendant quelques semaines, a été assistant funéraire aux Pompes Funèbres Générales) et je suis venu dans la filière du Credit Management par la porte du recouvrement au GAN en tant qu’inspecteur comptable. Puis j’ai évolué vers le Credit Control au sein d’une société d’informatique et tout naturellement à la fonction de Credit Manager que j’occupe maintenant depuis presque 30 ans.

2) Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans une carrière dans le Credit Management ?
Vas-y, fonce … Car ce n’est pas un métier mais au moins cinq différents que nous exerçons au quotidien. Nous sommes à la fois juristes, financiers administratifs, commerciaux et managers. C’est ce qui en fait toute la richesse et l’intérêt. Pour ma part, cela fait plus d’une trentaine d’années que je suis dans le métier (dont presque trente ans en tant que Credit Manager) et c’est cette diversité qui fait que je ne m’en lasse pas.

3) Quelles sont, selon vous, les qualités d’un bon Credit Manager ?
Notre mission consiste à concilier les impératifs commerciaux et les enjeux financiers de notre entreprise. Nous nous devons d’être à l’écoute de nos partenaires (internes et externes) afin de comprendre et donc de répondre au mieux à leurs attentes. Ensuite, il faut également être éducateurs et fédérateurs. Educateurs envers nos chers commerciaux, pour qu’ils comprennent qu’une bonne vente est une vente payée alors beaucoup d’entre eux considèrent encore qu’une bonne vente est une vente livrée (voir facturée). Ceci passe par le fait que nos directions générales doivent être sensibilisées sur cette question, en cela nous sommes fédérateurs.

4) Pouvez-vous nous décrire votre organisation ? (Comment fonctionne votre service, à qui êtes-vous rattaché, combien de personnes travaillent avec vous, quel est votre périmètre d’intervention,…) 
L’organisation de Faurecia repose sur les Centres de Services Partagés. Il y en a un voire deux par pays, ce qui est le cas pour la France. Ces CSP regroupent les activités financières, fiscales et comptables. A titre d’exemple à Etampes, nous gérons une dizaine d’entités juridiques, ce qui représente une vingtaine d’usines et une quarantaine de Business Units réparties sur le territoire Français. Nos clients (internes et externes) sont internationaux. Je gère à la fois la partie facturation-comptabilité clients et le recouvrement. Cela représente un CA total de 3 Mds € et 100.000 factures par an. Pour se faire, mon département est composé de deux équipes (douze collaborateurs au total).

5) Au cours des dernières années, pouvez-vous nous donner votre ressenti sur l’évolution de cette fonction ?
Il est certain qu’avec la crise économique à laquelle nous faisons face depuis 5 années, la fonction de Credit Manager est encore plus exposée qu’auparavant et comme je l’ai dit précédemment concilier les impératifs commerciaux et financiers est de plus en plus au cœur de nos préoccupations.

6) Comment pensez-vous que le métier évoluera dans le futur ?
Je pense que notre métier n’évoluera pas ou peu, en revanche c’est la façon de l’exercer qui elle, évoluera. Qui aurait pu prédire, il y a 25 ans,  les formidables bouleversements qu’allaient amener l’arrivée d’internet, de la téléphonie mobile et des réseaux sociaux. Cela a profondément modifié non pas les fondamentaux du Credit Management mais notre façon de travailler : fini l’ère du papier, bienvenue l’ère du numérique ! Cela nous confère une plus grande réactivité et une meilleure anticipation mais aussi une plus grande dépendance envers nos systèmes d’information.

7)     A votre avis, comment le service Credit Management d’une entreprise doit-il se situer par rapport aux autres services (commercial, ADV, trésorerie, service clients,…) ?
Sans faire preuve d’égocentrisme, nous sommes la plaque tournante de l’entreprise, car nous intervenons dans tous les domaines ; commercial et ADV dans le cadre de la gestion du risque, trésorerie dans le cadre du prévisionnel d’encaissement, service client dans le cadre de la résolution des litiges, comptabilité fournisseurs dans le cadre de compensations. A ce titre, comme je l’ai déjà expliqué, nous devons être multi-compétences.

8) Dans le cadre de votre fonction, auriez-vous une astuce infaillible à nous faire partager ?
Oui bien sûr. En 1986, le PDG de Sharp me convoque dans son bureau, nous venions de prendre une ardoise de 220.000 Frs sur un client non couvert par la SFAC. Après m’avoir copieusement « engueulé », il me pose la question de confiance : comment faire pour que cela ne se reproduise pas ? Je lui ai répondu : il existe effectivement un moyen infaillible pour ne jamais avoir d’impayés de ce genre : demander un chèque de banque à tous nos clients, avant la livraison. Et d’ajouter : Il est évident qu’en contrepartie, il faut être prêt à voir le chiffre d’affaires diminuer de plus de 90% (ce qu’il a moyennement apprécié).
Bon, soyons clair, c’est totalement surréaliste et nous, les Credit Managers,  avons encore de belles années devant nous …

9) Avez-vous une anecdote (situation cocasse) rencontrée dans votre vie professionnelle à nous faire partager ?
Il y a quelques années, j’étais alors EMEA Credit Manager chez Harman et nous avions un distributeur à Dubaï. Celui-ci commercialisait également des téléphones portables Nokia. Pour Noel 2001 il a voulu nous faire plaisir en nous envoyant 6 téléphones portables (les premiers avec écrans couleurs, de la taille d’un étui à lunettes) pour le PDG, le directeur commercial, les directeurs de marques et moi. Harman étant une entreprise américaine, nous ne pouvions accepter ces cadeaux (interdit par la loi). D’un autre côté, nous ne pouvions refuser ces cadeaux et les lui retourner, il aurait perdu la face  Cruel dilemme. Multi-culturel, voilà une autre facette de notre métier … Au fait, nous avons résolu ce dilemme en acceptant les téléphones mais en les laissant à disposition pour l’entreprise et non en les attribuant aux personnes concernées.

Merci à Christian Jacquin, Credit & AR Manager chez FAURECIA pour cette interview.