L’interview du Credit Manager

L’Interview du Credit Manager par l’AFDCC

Bertrand Mazuir 11)    Pouvez-vous nous dire ce qui vous a conduit vers ce métier ? Quel est votre parcours ?
Le hasard ! Comme beaucoup de mes confrères je n’ai pas grandi en rêvant de devenir Credit Manager. Par contre j’ai été rapidement intéressé par la gestion des entreprises et notamment des PME / PMI. Durant mon Magistère de Management réalisé en alternance, je travaillais dans une PME de 50 personnes qui avait un vrai savoir-faire et un positionnement commercial très intéressant. Cependant, la croissance avait été très mal gérée et le BFR avait explosé à cause des dysfonctionnements d’une organisation inadaptée. Cette société a dû fermer ses portes. Dès lors, je me suis particulièrement intéressé aux causes des difficultés financières des entreprises. La mauvaise gestion du poste clients en est une qui est récurrente d’autant plus que les retards de paiement et les impayés ont des origines très larges qui proviennent de l’ensemble du processus de vente, de la négociation commerciale à l’encaissement définitif du paiement, en passant par la logistique ou la qualité.

2)    Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans une carrière dans le Credit Management ?
Le Credit Management peut être un métier très spécifique : évaluation de solvabilité, sécurisation des créances, recouvrement. La fonction Credit Management n’existe que dans les grandes entreprises. Mon conseil est de voir plus large en début de carrière et de devenir par exemple expert dans la gestion du BFR, ce qui implique d’autres compétences (logistique, achats, gestion de stock…etc.) en addition de celles requises par le Credit Management. Ainsi, il leur sera plus facile de se « vendre » notamment auprès des PME / PMI. 

3)    Quelles sont, selon vous, les qualités d’un bon Credit Manager ?
La capacité de comprendre intimement les enjeux financiers et les enjeux commerciaux et de les fusionner dans un tout. Le Credit Manager doit embrasser l’ensemble de la relation commerciale sous tous ses aspects. C’est pourquoi la complexité de sa tâche varie avec le type de commerce. Par exemple, gérer les risques d’une affaire de plusieurs millions d’euros engageante sur plusieurs années pour le vendeur requiert des compétences et des connaissances plus larges qu’une vente de produits. L’aisance relationnelle est bien sur essentielle que ce soit en interne avec les commerciaux (expliquer, convaincre) ou en externe avec les clients (écouter, négocier).

4)     Pouvez-vous nous décrire votre organisation ? (Comment fonctionne votre service, à qui êtes-vous rattaché, combien de personnes travaillent avec vous, quel est votre périmètre d’intervention,…).

Aujourd’hui je travaille pour le Corporate de Schneider Electric dans un service de 5 personnes dirigé par Cendrine Perier. Notre rôle est d’apporter du support aux entités du Groupe Schneider Electric partout dans le monde. Nous sommes en contact avec tous les services de Credit Management du Groupe et nous menons avec eux des plans d’actions pour améliorer la performance. C’est passionnant par la dimension internationale de notre action et la variété des enjeux et des cultures en gestion du poste clients.

5)     Au cours des dernières années, pouvez-vous nous donner votre ressenti sur l’évolution de cette fonction ?

Je répondrai sur l’évolution du métier chez Schneider Electric, ne disposant pas d’une vue globale. Ce métier est aujourd’hui d’avantage mis en avant que lors de mon arrivée en 2008. Les enjeux liés au Credit Management sont pleinement reconnus et font partis des priorités du Groupe. Par ailleurs, la stratégie commerciale de Schneider Electric s’oriente fortement sur les solutions qui sont des affaires engageantes sur du moyen terme (3 – 5 ans). Les Credit Managers doivent s’adapter à cette réalité et monter en compétences sur des notions telles que : risque de fabrication, risque politique, courbes de risques et courbes de trésorerie, contractualisation des affaires…etc. Cela rend le métier encore plus passionnant !

6)     Comment pensez-vous que le métier évoluera dans le futur ?
C’est une bonne question ! Je pense qu’il se maintiendra et continuera à se développer dans les grandes entreprises mais surtout qu’il sera de plus en plus présent dans les PME / PMI / TPE. Non pas que ces « petites » structures embaucherons un Credit Manager, la taille critique pour justifier un poste de Credit Manager est et restera élevée, mais que les gérants, les directeurs financiers intégrerons les principes du métier dans leur gestion quotidienne. Si l’avenir du Credit Manager est de prendre encore plus de place dans l’entreprise et d’englober des enjeux plus complexes, l’avenir du Credit Management est résolument de se diffuser et de s’imposer chez des non-spécialistes. 

7)     A votre avis, comment le service Credit Management d’une entreprise doit-il se situer par rapport aux autres services (commercial, ADV, trésorerie, service clients,…) ?

Il doit clairement se situer sous la Direction financière pour éviter tout conflit d’intérêts. Il est responsable du poste client et doit pleinement assumer cette responsabilité. Il est donc partenaire du service commercial de la négociation commerciale à l’encaissement définitif du paiement. Il collabore également étroitement avec l’ADV notamment pour la gestion des litiges dont il doit accélérer la résolution en mobilisant les acteurs internes à l’entreprise. Surtout, le Credit Manager est  sur le terrain. C’est-à-dire qu’il négocie en direct avec les clients avec le commercial. Le recouvrement des créances est réalisé par son service également en direct avec le client. Les organisations qui limitent le contact client au seul commercial / chargé d’affaire et qui placent le service Credit Management derrière la ligne de front ne génèrent pas des résultats satisfaisants.

8)    Dans le cadre de votre fonction, auriez-vous une astuce infaillible à nous faire partager ?

Bien sûr que non ! Une des caractéristiques de ce métier est d’être en partie subjectif et d’être ouvert sur un monde infiniment complexe et difficilement prévisible. La clé de la réussite réside dans l’anticipation. Le facteur temps aggrave de manière exponentielle les difficultés. Battre en brèche les freins culturels est également essentiel pour avancer car ils sont sources de peurs qui sont autant d’illusions. Par exemple, les craintes récurrentes concernant l’effet négatif qu’aurait une demande d’acompte sur les chances d’obtenir la commande. L’application extrêmement partielle des pénalités de retard en France est également un bon exemple de blocage culturel irrationnel qui a pour conséquence que l’essentiel des entreprises n’applique pas une Loi qui va pourtant dans le bon sens… et celui de leur intérêt.

9)     Avez-vous une anecdote (situation cocasse) rencontrée dans votre vie professionnelle à nous faire partager ?

Oui ! Il s’agit d’une visite client réalisée lorsque je travaillais chez Avery Dennison chez un client Saoudien qui a duré quasiment une journée complète. Le patron de cette société nous a parlé de religions et de football pendant plusieurs heures ! Il nous a même fait visionner un match de son équipe favorite Saoudienne. La discussion commerciale n’a ensuite duré que 20 minutes et un accord a été  trouvé sans difficultés.

Merci à Bertrand Mazuir, Credit Manager chez Schneider Eletric pour cette interview.

Vous souhaitez vous aussi partager votre expérience et répondre à ces questions ?
N’hésitez pas à contacter l’AFDCC – Association Française des Credit Managers et Conseils – 14 rue Pergolèse, 75116 Paris – 01.40.20.95.74 – contact@afdcc.com – www.afdcc.com