Face aux conséquences de la crise sanitaire, les sujets contractuels suivants sont à étudier par votre société (au-delà des questions de trésorerie, de prêts et de chômage partiel).

1. suspension pour force majeure. Soit votre société a besoin de l’invoquer face à un cocontractant pour suspendre l’exécution de vos obligations, soit un de vos prestataires-fournisseurs l’invoque envers vous pour justifier une inexécution.

Même si l’Etat a déclaré l’admettre en matière de marchés publics, il faut d’abord vérifier les clauses de vos contrats sur le sujet. Ensuite, il n’est pas acquis que les conditions de la force majeure soient réunies dans tous les cas au seul motif de la crise sanitaire. En effet, la condition d’irrésistibilité peut être discutée, et doit être caractérisée au cas par cas : l’exécution du contrat a-t-elle vraiment été empêchée par les effets de la crise sanitaire qui ne pouvaient pas être évités par des mesures appropriées ? Ce point est à analyser en fonction des conséquences réelles de l’arrêt des transports en commun, du confinement imposé dans d’autres pays, de l’exercice du droit de retrait des salariés, de l’impossibilité d’organiser les postes de travail en préservant la santé des salariés pour les activités non interdites par les ordonnances de mars, de l’arrêt non voulu des approvisionnements, etc.

Notez que la jurisprudence passé rendue au sujet des précédentes épidémies a plutôt donné lieu au rejet de la force majeure.

Notez également qu’il a été jugé que « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure » (Com. 16 septembre 2014 n°13-20.306).

Notez enfin que la condition d’imprévisibilité pourrait, de manière cependant plus fragile (sauf pour les contrats conclus début 2020), être discutée au vu de rapports publics passés alertant sur les risques d’épidémie.

Article 1218 du code civil : Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

2. demande de renégociation pour imprévision. La crise sanitaire peut avoir pour effet de rendre l’exécution d’un contrat « excessivement onéreuse » pour vous ou pour un de vos cocontractants. Sauf dérogation expresse dans le contrat (à vérifier), une renégociation peut être demandée au visa de l’article 1195 du code civil. En ayant en tête que :

– pendant la durée des négociations, les parties doivent continuer à exécuter leurs obligations,

– les conséquences d’un refus ou d’un échec des négociations ne sont pas anodines (résolution du contrat d’un commun accord, ou saisine d’un juge -d’un commun accord ou par une partie- afin de résiliation ou de révision du contrat par le juge).

Vous pouvez alternativement envisager une demande de négociation au visa de l’obligation de bonne foi et de loyauté contractuelles (article 1104 du code civil) et de quelques arrêts dont on pourrait tirer une quasi-obligation de redéfinir des modalités d’exécution d’un contrat lorsque son équilibre est bouleversé au détriment de l’autre partie (et contre son gré).

En revanche, imposer une hausse de prix pour compenser des coûts résultant de la crise est risqué, au regard notamment de l’article L442-1 du code de commerce (ex L442-6), la DGCCRF paraissant vigilante au sujet de ce type de pratiques dans le contexte de la crise sanitaire.

Article 1195 du code civil : Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

3. forte baisse des commandes : rupture des relations sans préavis et sans responsabilité. Une forte baisse de commandes équivaut en principe à une rupture des relations commerciales et implique de respecter un préavis lorsque ces relations sont « établies ». Cependant, selon une jurisprudence relativement nourrie, une société n’engage pas sa responsabilité si elle impose, sans préavis écrit, une forte baisse de commandes à ses prestataires-fournisseurs, lorsqu’elle peut prouver que cette baisse est la conséquence de la forte baisse de ses propres commandes (due à une « conjoncture économique défavorable », aux effets de la « crise économique et financière de 2008 » ou une baisse « inhérente à un marché en crise »).

Les juges considèrent en effet que cette baisse ne lui est alors « pas imputable » (Com. 6 février 2019 n°17-23.361 ; Com. 8 novembre 2017, n° 16-15.285 ; Com. 12 février 2013, n° 12-11.709 ; CA Paris 5 juillet 2019 Pole 5 Chambre 11 n° 14/10976 ; CA Paris, pôle 5, ch. 5, 14 janvier 2016, n° 14/16799).

Sous réserves sans doute des cas dans lesquels un engagement de volume a été souscrit, et des cas dans lesquels la baisse est répercutée à certains et pas à d’autres (elle résulte alors d’une décision de gestion).

4. assurance. Pensez à analyser vos polices d’assurance afin de voir si vos éventuelles pertes d’exploitation peuvent être indemnisées par votre assureur. Sont à analyser la définition des « risques » ou des « événements » couverts au titre de la perte d’exploitation (perte de marge ou de clients par exemple), et les clauses d’exclusion.

Pensez également à relire les modalités de calcul de vos primes d’assurance, parfois assises sur le chiffre d’affaires ou sur la masse salariale.

Selon les cas, vous pouvez également penser à mettre en jeu la responsabilité du courtier d’assurance qui avait alerté/conseillé, ou pas, au sujet d’une couverture en matière de perte d’exploitation ou de pandémie

 Source : www.richelieu-avocats.fr