Poste client : les entreprises de nouveau sous pression

Les délais de paiement s’allongent de nouveau ces derniers mois. Les défaillances augmentent également, entraînant plus d’impayés. Un constat inquiétant pour les entreprises qui peinent à contrôler leur besoin en fonds de roulement.

Malgré les efforts réalisés par les directions financières pour renforcer la gestion de leur poste client, ce sujet reste plus que jamais une source d’inquiétude. Et pour cause. «Depuis l’été dernier, la situation est particulièrement tendue pour les entreprises, analyse Alexis Prevesianos, directeur grands groupes et institutions d’Euler Hermes France. Ces dernières ont été confrontées à un regain de difficultés pour réaliser leurs encaissementsLa première cause qui explique cette tension sur les rentrées d’argent des entreprises résulte de l’évolution des délais de paiement. Après une embellie jusqu’à avril, ces derniers ont en effet recommencé à déraper. 

Larger-Vincent-Bruno.jpg«Nous estimons que, depuis quelques mois, les délais se sont rallongés en moyenne de 4 à 5 jours», souligne Vincent-Bruno Larger, secrétaire général de l’association française des crédit managers (AFDCC). Surtout, le nombre de retards longs, dépassant 15 jours après les délais légaux (60 jours ou 45 jours fin de mois) s’accroît fortement. «Ces derniers, particulièrement pénalisants en termes de besoin en fonds de roulement pour les entreprises, représentent désormais plus du tiers des cas, soit une augmentation supérieure à 10 % en l’espace d’un an», précise Gilles Peiny, directeur commercial d’Atradius. En outre, comme souvent lorsque les délais de paiement se dégradent, ce sont les petites structures qui sont les plus touchées.

Une hausse des défaillances

Autre signe du durcissement des rapports interentreprises, les pratiques de contournement des délais de paiement légaux sont de plus en plus utilisées. Certains clients invoquent ainsi un litige prétendu, portant sur la quantité livrée par exemple, afin de gagner du temps par rapport à l’échéance de paiement. En effet, le règlement est suspendu tant que le différend n’est pas résolu. «Il ressort de notre baromètre sur la trésorerie des entreprises et le recouvrement de créances que cette pratique de contestation “non fondée” a augmenté de 36 % en 2012 et s’est encore développée en 2013», alerte Denis le Bossé, président du cabinet Arc. 

Toutefois, d’après les spécialistes de la gestion du poste client, cette tendance des entreprises à ne plus respecter les délais de règlement s’explique moins par une mauvaise volonté de leur part que par leurs propres difficultés à se faire payer elles-mêmes par leurs propres clients dans un contexte économique qui s’est fortement dégradé. En effet, les défaillances sont de nouveau en hausse, y compris chez des ETI importantes comme le groupe d’abattoir Gad (447 millions d’euros de chiffre d’affaires), le distributeur de biens culturels Virgin (305 millions d’euros de chiffre d’affaires) ou l’entreprise agroalimentaire Continental Nutrition (220 millions d’euros de chiffre d’affaires). 

Selon Euler Hermes, plus de 62 300 entreprises au total ont ainsi déposé le bilan ou entamé une procédure de sauvegarde à la fin de septembre, sur douze mois, soit une hausse de 4,8 % sur cette période, représentant des encours fournisseurs impayés de 4,9 milliards d’euros, soit 0,2 point de PIB. «Pour compenser un impayé, l’effort est considérable surtout pour des entreprises déjà fragiles», ajoute Alexis Prevesianos. Or, près du quart des nouvelles défaillances sont ainsi dues à un manque de trésorerie, provoqué par un défaut de paiement. 

De plus cette tension sur la trésorerie des entreprises intervient dans un contexte où le financement du besoin en fonds de roulement est plus difficile à obtenir. «Les banques sont plus réticentes à ouvrir des facilités de trésorerie, les montants globaux accordés aux entreprises ayant reculé de 5,7 % de juin 2012 à juin 2013», souligne Gilles Peiny.

Des perspectives mitigées

Sur l’ensemble de l’année, les défaillances devraient augmenter de 2 %, après une hausse similaire en 2012, selon Euler Hermes. En 2014, elles devraient néanmoins reculer très légèrement de 1 % grâce à une reprise conjoncturelle, même si celle-ci devrait rester faible. De plus, en matière de délais de paiement, les assureurs-crédits estiment que le projet de loi Hamon pourrait avoir un effet positif. Ce texte prévoit que la DGCCRF puisse, en cas de retard, appliquer aux entreprises contrevenantes une amende pouvant aller jusqu’à 375 000 euros. 

«Comme cette sanction est administrative, elle devrait être plus dissuasive que les indemnités pour retards que peuvent exiger les fournisseurs, mais que ces derniers n’osent pas toujours demander de peur de porter atteinte à la relation avec leurs clients», explique Jean-François Bonnier, responsable du département procédures collectives d’Euler Hermes France. Néanmoins, ces perspectives d’amélioration ne devraient pas suffire à rassurer les entreprises, qui devraient continuer à porter une forte attention au suivi des règlements de leurs clients.

Source : Option Finance – Morgane Remy