Les Vingt-Sept ont scellé un accord partiel sur un projet de directive visant à harmoniser le droit à l’insolvabilité. Il s’agit de rendre l’Europe plus attractive pour les investissements et les prêts en offrant une plus grande sécurité juridique. La future directive européenne vise à lever les obstacles à l’investissement transfrontalier en harmonisant des règles qui diffèrent encore largement entre les Etats membres.

La nouvelle est relativement passée inaperçue mais les Vingt-Sept ont récemment franchi une étape importante vers l’harmonisation de leur droit de l’insolvabilité, un domaine considéré comme clé pour parvenir à une véritable union des marchés de capitaux (UMC).

Réunis à Bruxelles le 13 décembre, les ministres européens de la Justice ont adopté un accord partiel sur une proposition de réglementation présentée par la Commission européenne en 2022 visant à aligner certains aspects du droit de l’insolvabilité.

Certes, il aura fallu deux longues années pour en arriver à un accord qui, en plus, n’est que partiel, mais ce petit pas est symbolique de la volonté des Européens d’avancer dans le développement de l’UMC, projet essentiel pour renforcer l’attractivité de l’Union européenne (UE) auprès des investisseurs.

Rebaptisée « union de l’épargne et des investissements », l’ex-UMC est l’un des piliers du cycle européen qui s’est ouvert avec la nomination d’une nouvelle Commission, à la suite des élections européennes du 9 juin dernier.

L’enjeu principal de cette réglementation (une directive) consiste à lever les obstacles à l’investissement transfrontalier en harmonisant des règles qui diffèrent encore largement entre les Etats membres.

Vingt-sept régimes différents

Actuellement, les investisseurs doivent naviguer entre 27 régimes d’insolvabilité distincts, ce qui complique l’évaluation des opportunités d’investissement et augmente les risques juridiques.

« Un climat d’investissement favorable est une condition préalable pour renforcer la compétitivité de l’UE », a déclaré Bence Tuzson, ministre hongrois de la Justice, dont le pays assure la présidence de l’UE jusqu’à fin décembre.

La proposition de directive vise tout à la fois à garantir que les créanciers puissent récupérer la valeur maximale de la société liquidée, à améliorer l’efficacité des procédures d’insolvabilité et à accroître la prévisibilité et la répartition équitable de la valeur récupérée entre les créanciers.

L’un des points clés réside dans l’obligation pour les dirigeants de déclarer l’insolvabilité dans un délai de trois mois, sauf s’ils prennent des mesures pour protéger les créanciers. Et ce, dans le but de maximiser la valeur recouvrable pour les créanciers et d’éviter que les entreprises ne perdent de la valeur.

Transparence et efficacité des procédures

Michael McGrath, le nouveau commissaire européen à la Justice, a jugé que cette directive permettait de mettre en place une union des marchés des capitaux solide, facilitant l’accès au financement, notamment pour les PME.

Elle prévoit également l’interconnexion des registres bancaires à travers le système BRIS (« Business Registers Interconnection System »), garantissant ainsi l’accès des praticiens de l’insolvabilité aux informations nécessaires pour retracer les actifs. Il s’agit là d’améliorer la transparence et l’efficacité des procédures.

Cependant, des préoccupations demeurent. La ministre estonienne Liisa-Ly Pakosta s’est ainsi inquiétée de l’absence de procédures simplifiées pour les petites entreprises, ce qui pourrait engendrer des coûts élevés pour elles. Et du manque de personnel judiciaire pour gérer des procédures non cohérentes avec les pratiques locales.

Ce n’est pas encore la fin de l’histoire. Les discussions doivent se poursuivre sous la présidence polonaise de l’UE – qui débute le 1er janvier, pour six mois – afin de finaliser les aspects restants de la directive.

Sujets sensibles

Des sujets très sensibles figurent encore parmi les points en débat portant sur les procédures de pré-concession, de liquidation simplifiées pour les microentreprises ou encore sur la mise en place de comités de créanciers au sein de l’UE, selon la lettre spécialisée MLex. Ils visent notamment à assurer une répartition équitable de la valeur récupérée entre les créanciers.

« Nous comprenons la nécessité de préciser davantage les choses, la présidence polonaise va faire en sorte que ce texte soit soutenu de la manière la plus large possible », a déclaré Adam Bodnar, ministre polonais de la Justice.

Un accord final sur cette future directive – qui devra par ailleurs être transposée dans le droit de chaque Etat membre si elle est adoptée – nécessite aussi le feu vert du Parlement européen. Il reste donc encore du chemin à parcourir pour parvenir à une harmonisation complète du droit de l’insolvabilité au sein de l’UE, malgré ce pas en avant significatif.

Source : Les Échos – Fabienne Schmitt