Portés par la reprise des marchés actions, les industriels cotés ont renchéri leurs offres, à 9,6 fois l’Ebitda, selon Argos.
Le poids des acquéreurs américains a été divisé de moitié en Europe à cause du Brexit.

Jamais les PME ne se sont vendues aussi cher en Europe depuis douze ans. Selon le dernier indice Argos (troisième trimestre 2016), les entreprises de taille moyenne (entre 15 et 500 millions d’euros de fonds propres) se valorisent 9,2 fois leur excédent brut d’exploitation (Ebitda) en moyenne, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2004. Cette envolée reflète la hausse de la capacité d’achat des industriels, prêts à débourser un multiple de 9,6 fois l’Ebitda des sociétés cibles. Les deux tiers d’entre eux, les acheteurs cotés, ont tiré parti de la bonne progression de leur titre grâce à la reprise des marchés actions en milieu d’année dernière. A cela s’ajoutent « des conditions financières toujours exceptionnelles grâce aux taux d’intérêt historiquement faibles liés aux politiques des banques centrales », souligne l’indice. Enfin, l’environnement de croissance toujours faible et le haut niveau de trésorerie disponible ont fini de les convaincre de passer à l’action.

Recul des acheteurs étrangers

Ces prix pourraient même encore grimper. Les acheteurs industriels se sont montrés par le passé capables de faire monter encore plus haut les enchères. Lors de la bulle financière en 2006, ils étaient allés jusqu’à verser 10,5 fois l’Ebitda. L’envolée des prix semble cette fois surtout alimentée par des acquéreurs domestiques européens, contrairement aux trimestres précédents, alors animés par les acheteurs étrangers. Ces derniers ont réduit leurs acquisitions dans la zone euro au troisième trimestre l’an dernier : ils ne pèsent plus que 47 % des industriels, contre 55 % en moyenne auparavant. La rupture annoncée du Royaume-Uni avec le reste de l’Europe, alors que celui-ci sert de tête de pont pour les entreprises étrangères dans leur conquête européenne, a, en particulier, très nettement refroidi les acquéreurs américains. Leur poids parmi les acheteurs étrangers a chuté de 41 % sur les années précédentes à 21 % au troisième trimestre 2016.

Les fonds d’investissement se sont montrés relativement prudents, en dépit de la pression qu’ils ont à déployer leurs quelque 840 milliards de dollars de « poudre sèche ». Leurs offres émergeaient autour de 8,7 fois l’Ebitda au troisième trimestre 2016, dans la moyenne des mois précédents. Ce chiffre reste historiquement élevé.

S’il fallait tirer une leçon pour les fusions-acquisitions de PME en 2016, c’est leur nette résistance face au Brexit. Le référendum britannique n’a eu que peu d’impact tant dans la zone euro (-8 % au troisième trimestre et +12 % de janvier à septembre), qu’au Royaume-Uni (-12 % au troisième trimestre et +2,5 % de janvier à septembre). Pour Argos, sur ce segment de marché, « le cycle haussier du M&A ne semble pas interrompu, porté par des facteurs économiques et financiers consistants : maintien des taux très bas, reprise progressive de la croissance et politique de croissance externe des entreprises ».

Source : Les Échos – Anne DRIF