Au regard de la TVA, les magasins et l’e-commerce ne sont pas sur un pied d’égalité. Une directive européenne adoptée en décembre veut mettre de l’ordre dans les pratiques. Mais elle ne sera opérationnelle qu’en 2021.

Qui vérifie le taux de TVA sur la facture lors d’un achat sur Internet ? Cette démarche peut pourtant réserver quelques surprises. La question de l’équité fiscale entre commerce en ligne et commerce physique se pose non seulement sur les impôts fonciers, que l’Inspection générale des finances (IGF) à Bercy est en train d’examiner, mais aussi sur la TVA. Comme les règles datent d’avant l’émergence du commerce en ligne, de nombreux vendeurs parviennent à importer dans l’UE, en facturant depuis un pays à faible taux de TVA, voire en franchise de TVA. La Commission européenne a évalué le manque à gagner à 5 milliards d’euros.

C’est à l’échelle européenne que les Etats membres se sont attaqués au problème. , passée relativement inaperçue, mais qui change en profondeur les règles. Dans ses grandes lignes, le texte vise à généraliser le principe de la TVA du pays de consommation, au lieu du pays de résidence du vendeur.

Différentiels de TVA
L’application de la TVA du pays d’origine aboutit souvent à ce qu’une TVA inférieure soit réglée. A l’heure actuelle, la Commission européenne considère que 27 % des vendeurs sur Internet tirent parti des différentiels de TVA entre les pays (de 17 % au Luxembourg à 25 % en Suède, sachant que la France se situe dans la moyenne, à 20 %). Ce qui est en cause, c’est le régime des ventes à distance, conçu à l’époque du catalogue de La Redoute. Il s’applique au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires, mais certains vendeurs le contournent en fractionnant leurs ventes sur plusieurs plates-formes.

Autre changement majeur, les sites d’e-commerce auront la responsabilité de la collecte de la TVA, y compris pour les vendeurs opérant sur leur « market place ». « On les présume eux-mêmes acheteurs et revendeurs des biens. C’est un élément très structurant pour le commerce en ligne », relève Elisabeth Ashworth, associée du cabinet CMS Francis Lefebvre.

Guichet unique de TVA
Pour appliquer le principe du pays de destination, l’Europe devra se doter d’un guichet unique. Ce portail en ligne permettra aux entreprises de régler la TVA dans un seul Etat membre, lequel reversera les taxes au pays dans lequel l’achat a été réalisé. Les développements informatiques nécessaires expliquent que la directive ne sera mise en oeuvre qu’en 2021.

Ce système a déjà été expérimenté depuis 2015 pour les services électroniques (streaming, achats d’applications, etc.). La Commission européenne en dresse un bilan positif . Au global, les Etats de l’Union européenne auraient regagné 3 milliards d’euros de recettes de TVA rien que sur l’année 2015, avec des mouvements assez disparates au sein de l’Union. Le Luxembourg, où de nombreuses plates-formes s’étaient localisées à des fins fiscales, considère qu’il a perdu 1 milliard de recettes. La France aurait en revanche regagné quelque 200 millions d’euros de recettes de TVA, rien que sur les services électroniques, selon certains experts. C’est dire si la généralisation à l’ensemble du e-commerce est attendue de pied ferme à Bercy.

Plus de seuil à 22 euros pour les petits colis
Cette réforme s’accompagnera de la suppression du seuil d’exonération de TVA pour les petits colis. Les biens dont la valeur est inférieure à 22 euros sont exemptés de TVA lors d’une importation au sein de l’UE. Un seuil qui ouvre la voie à de nombreuses fraudes, car les douaniers ne peuvent contrôler les milliers de colis qui entrent chaque jour dans l’Union. Des biens de valeur supérieure (smartphone, tablette) entrent souvent en étant déclarés sous ce seuil de 22 euros, ce qui permet au vendeur de pratiquer un prix de 20 % inférieur aux concurrents.

Ingrid Feuerstein

Source : Les Echos