La loi Pacte remet en cause la séparation de l’audit et du conseil. La fédération des experts comptables et commissaires aux comptes s’inquiète des effets pervers sur la profession. Cet article de la loi résulte d’une suggestion faite à l’été 2018 par le président de l’Autorité des normes comptables.

Après les deux scandales retentissants du groupe de BTP, Carillion et de celui de distribution, BHS, le Royaume-Uni a décidé de durcir le ton avec les commissaires aux comptes . Les parlementaires de la Chambre des Communes prônent désormais une stricte séparation entre les services d’audit (certification des comptes) et ceux de conseil.

La France fait l’inverse du Royaume-Uni
La France, elle, est en train précisément de faire l’inverse. Elle qui avait opté depuis 2016 pour un système très strict, interdisant aux commissaires aux comptes de rendre un certain nombre de services aux entreprises (conseil juridique, fiscal, service paie) est en passe de changer d’approche.
La loi Pacte, qui met fin à l’obligation de faire appel à des commissaires aux comptes dans les PME , les autorise aussi – via l’article 9 bis A – à offrir aux entités qui ne sont pas d’intérêt public (à savoir toutes les entreprises qui ne sont pas cotées et toutes celles qui ne sont ni des banques ni des compagnies d’assurance) des services jusque-là interdits. Avec un garde-fou cependant. Il ne faut pas que ces professionnels du chiffre se retrouvent pris dans des conflits d’intérêts. C’est eux-mêmes qui apprécieront ce risque.

Effets pervers de la loi Pacte
ECF, la fédération des experts comptables commissaires aux comptes, s’inquiète des effets pervers de cet article de la loi Pacte, rajouté au tout dernier moment. « A lui-seul, cet article transgresse tous les principes d’indépendance et de séparation d’audit et de conseil. Il fait dangereusement croire que les commissaires aux comptes seront les tiers de confiance indépendants nécessaires aux entreprises. Cette extension des missions de conseil se fera au détriment des experts-comptables », s’agace Jean-Luc Flabeau, président d’ECF.
« Les grands réseaux de commissaires aux comptes de holdings, pourront réaliser toutes les opérations de restructuration, tels que les apports ou fusions. De fait, les commissaires aux comptes libéraux n’auront plus accès à ces missions exceptionnelles », dénonce-t-il.
Par ailleurs, « pour les entreprises, cela pourrait paraître plus simple d’avoir un seul interlocuteur, mais à terme le choix des auditeurs sera plus restreint », ajoute-t-il.

Situation anti-concurrentielle
Cet article de la loi Pacte résulte d’une suggestion faite à l’été 2018 par Patrick de Cambourg, président de l’ANC (Autorité des normes comptables), qui s’était vu confier par Bercy une mission sur l’avenir des commissaires aux comptes. En 2016, la France avait décidé de surtransposer la directive européenne relative à la réforme de l’audit. Elle était allée plus loin en prévoyant des interdictions plus larges, elle se distinguait donc des autres pays en s’imposant plus de règles. Patrick de Cambourg avait alors proposé de mettre fin à cette situation anticoncurrentielle pour les cabinets des commissaires aux comptes français.

Auteure : Laurence BOISSEAU
Source : Les Echos