EXCLUSIF – Selon le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement, les retards de paiement se sont stabilisés à environ 11 jours en 2018. Les grandes entreprises sont toujours les plus mauvais payeurs.

Les retards de paiement sont passés sous la barre des 11 jours en 2018. Ce chiffre était encore de 13,6 jours en 2015.
Il y a ceux qui voient le verre à moitié vide, et ceux qui le voient à moitié à plein. Avec un retard moyen de 11 jours en 2018, les retards de paiement dans l’Hexagone connaissent une forme de stabilité, selon les chiffres de la société Altares publiés dans le rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement que « Les Echos » présentent en exclusivité. Une stabilisation qui intervient après plusieurs années de baisse. Le chiffre était encore de 13,6 jours en 2015. « On peut se satisfaire que la situation ne se soit pas dégradée, alors que d’autres pays en Europe, notamment l’Espagne, ont vu leurs retards de paiement augmenter en 2018 », estime Jeanne-Marie Prost, la présidente de l’Observatoire.

« Négligence » des grands groupes
Un chiffre préoccupant tout de même : le pourcentage des entreprises payant à l’heure leurs factures est tombé en 2018 de 44 % à 41,8 %. Les grands retards de paiement (au-delà de 30 jours) régressent en revanche très légèrement de 6,3 % à 6,1 % d’entreprises concernées. Les secteurs traditionnellement mauvais payeurs restent dans le rouge. C’est le cas de la communication et de l’information, mais aussi des transports et du bâtiment. « Certains chiffres montrent qu’il y a encore beaucoup à faire, notamment du côté des grands groupes », juge Jeanne-Marie Prost.
L’engagement de l’Afep (Association françaises des entreprises privées) auprès des équipes de l’observatoire, pour faire en sorte que s’améliorent les délais de paiement des grandes entreprises, n’a pas encore porté ses fruits. Pour preuve, au-delà de 5.000 salariés, les retards au troisième trimestre 2018 grimpent à 15,3 jours (contre 15,1 sur la même période l’an passé). Entre 2.000 et 5.000 salariés, ils sont aussi au-dessus de 15 jours. Alors que les entreprises de 3 à 5 salariés ont un retard moyen de 10,2 jours (toujours au troisième trimestre 2018). Plus la taille de l’entreprise croît, plus ses délais de paiement s’allongent. « Il y a encore trop de négligence, voire d’indifférence à ce sujet, de la part des grandes entreprises », reconnaît la présidente de l’Observatoire.

« Name and Shame »
Pourtant, ces grandes entreprises n’ont pas été épargnées par les récentes sanctions de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et par le « Name and Shame », pratique qui s’est popularisée à Bercy depuis le passage d’Emmanuel Macron au ministère de l’Economie.
En février dernier, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie, a ainsi épinglé deux grands groupes, l’américain Amazon et le chinois Huawei, tous deux ayant écopé d’amendes de 375.000 euros (le plafond encouru à la date des faits). En juillet dernier, Canal + International, DHL, Sephora, mais aussi plusieurs groupes publics (Française des Jeux, La Poste et la RATP) ont été montrés du doigt. Le montant des amendes, sous l’effet de la loi Sapin 2, devrait sensiblement augmenter dans les prochaines années puisque le plafond est passé à 2 millions d’euros. Déjà en 2018, 7 amendes ont été notifiées pour un montant de 1,1 million d’euros.
Faut-il aller plus loin et modifier la Loi de modernisation de l’Economie (LME) en raccourcissant les délais ? « On ne doit pas changer la LME, mais tout faire pour la faire appliquer », selon Jeanne-Marie Prost. La loi Pacte, dont l’adoption définitive devrait intervenir cette semaine, a tout de même renforcé les sanctions en obligeant les entreprises fautives à faire publier à leur frais, dans la presse locale ou nationale, leur condamnation. Une autre version du « Name and Shame ».

Que dit la loi ?
Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser 60 jours nets à compter de la date d’émission de la facture ou, à titre dérogatoire, 45 jours fin de mois, sous réserve que ce délai dérogatoire soit inscrit dans le contrat et ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. De plus, le délai de paiement des factures périodiques ne peut dépasser 45 jours à compter de la date d’émission de la facture.

Auteure : Par Marie BELLAN
Source : Les Echos