Aujourd’hui, 54 %des entreprises jugent que la réduction du délai maximal de paiement à 30 jours serait une mesure efficace – Shutterstock

Malgré la multiplication des lois et des possibles sanctions, les retards de paiement continuent à dériver en France. Il faut faire appliquer la loi et la rendre plus efficace.

Nul ne peut contester que les retards de paiement restent une problématique centrale pour les dirigeants. Un parlementaire évoquait récemment un chiffre de 200 milliards d’euros pour le total des créances impayées. Or ce problème impacte directement et instantanément la santé des entreprises. Surtout, il se banalise alors même que les mesures se succèdent pour favoriser le « paiement vertueux ».

Cela signifie-t-il que faire appliquer la loi en matière de délais de paiement n’est pas possible ? Ou encore que les dispositifs proposés ne sont pas adéquats ?

Prenons l’exemple de l’amendement de  la loi Pacte qui viendrait renforcer le « name and shame » et rappelons qu’en 2016 la loi Sapin II avait instauré la publication systématique des sanctions pour retard de paiement sur le site de la DGCCRF. L’annonce des premiers noms d’entreprises sanctionnées avait fait grand bruit.

Pourtant ces deux dernières années, cette publication n’a pas été systématique pour les entreprises concernées du secteur privé et inexistante pour les entreprises publiques. L’amendement en question rendrait donc automatique la publication dans la presse locale, voire nationale, des noms des entreprises sanctionnées pour retard de paiement.

En pratique, « ce sera à l’entreprise fautive de se rapprocher de sa presse locale pour organiser la publication de l’annonce de condamnation, avec une possible astreinte journalière de 150 euros en cas de non-respect de la loi ».

En bref, il est demandé à l’entreprise sanctionnée de s’auto-appliquer sa sanction… La formule est-elle la bonne ?

Une loi forte

Autre exemple, concernant la dématérialisation des factures entre entreprises privées. Le décret est en attente depuis plus de deux ans. Pourtant 61 % des entreprises plébiscitent cette dématérialisation pour son impact positif sur les délais de paiement. Celle-là gommerait par ailleurs une partie du coût de traitement – 1 facture dématérialisée coûte 1 euro contre 9 euros pour 1 facture papier – et des litiges fondés et non fondés tels que « je n’ai pas reçu votre facture »… Pourquoi attendre ?

Pour lutter contre la dérive des délais de paiement, nous avons besoin de nous appuyer sur une loi forte, identique et constante dans son application pour l’ensemble des entreprises, une loi à laquelle on ne puisse déroger.

Un point reste peut-être à revoir et à encadrer différemment : le délai légal de paiement. Déjà en 2017, les entreprises demandaient une clarification. Aujourd’hui elles sont 54 % à juger que la réduction du délai maximal de paiement à 30 jours serait efficace. Est-ce dans cette direction que les pouvoirs publics doivent tourner leur regard ?

Enfin, sur un plan plus culturel, nous devons prendre conscience – et ne jamais l’oublier – des conséquences des retards de paiement sur nos fournisseurs : 93 % des entreprises déclarent que le non-respect des délais de paiement peut déboucher sur un dépôt de bilan.

Une part du chemin nous incombe pour résorber les délais de paiement, faciliter ainsi notre gestion au quotidien, mais surtout croître. La loi nous donne des outils, ne commettons pas l’erreur de croire que la sanction peut à elle seule modifier les mentalités. L’évolution peut venir, et viendra sûrement, de la contrainte mais regardons à plus long terme et modifions nos comportements d’aujourd’hui pour assurer de réelles perspectives de croissance aux entreprises françaises de demain.

Denis Le Bossé, président, Cabinet ARC

Kérine Tran, directrice juridique, Cabinet ARC

Denis Le Bossé et Kérine Tran

Source : Les Echos