Selon une étude de l’Observatoire BPCE, dévoilée ce mardi, les cessions-transmissions sont passées de 76.000 en 2013 à moins de 51.000 en 2016, avec une forte part des PME. Une tendance qui continue sur 2017-2018. Par ailleurs, plus le dirigeant avance en âge, moins il cède son entreprise, entraînant un affaiblissement du tissu productif.

Une rupture qui inquiète. D’après la dernière étude de  l’Observatoire de Groupe BPCE « La cession-transmission des entreprises en France », établie selon des chiffres de 2016, rendue publique ce mardi et que « Les Echos » se sont procurée, les reprises sont en chute libre. Les cessions-transmissions ont diminué d’un tiers en trois ans. En 2016, seulement 51.000 opérations ont été réalisées, concernant 750.000 emplois (90 % dans des PME-ETI), contre 76.000 en 2013. Soit « la moins bonne année observée depuis 2010 », selon l’étude.

Toutes les tailles d’entreprises sont concernées par cette baisse, avec 10.500 PME qui ont trouvé un repreneur (recul de 28 %) et 667 ETI (-54 %) depuis 2013. « Et ce recul continue sur 2017-2018 », analyse Alain Tourdjman, directeur des études économiques et de la prospective au Groupe BPCE. La dégradation est plus nette dans les services aux particuliers, le commerce de gros et surtout l’industrie, les transports et la construction étant traditionnellement les points noirs dans ce domaine. Et au niveau géographique, les Hauts-de-France, l’Outre-mer, et l’Ouest accusent les plus fortes baisses.

Loi Hamon

La moyenne de la période 2013-2016 stagnerait à 80.000 cessions-transmissions par an. Un recul qui surprend par son ampleur. « Ce phénomène marque une rupture avec les moyennes enregistrées les années précédentes », alerte Alain Tourdjman, qui l’explique par « la mise en oeuvre de la loi Hamon, qui en obligeant l’employeur à informer les salariés en cas de cession, entrave le processus, par une croissance faible de 0,7 % sur 2012-2015 et par la primauté donnée à la création d’entreprises en France plutôt qu’à la reprise ».

Bonne nouvelle néanmoins dans ce sombre scénario : la transmission familiale – 22 % des cessions en 2016 contre moins de 17 % en 2013 – est la seule catégorie d’opération qui se soit maintenue, voire plus, sur la même période, confirmant l’ancrage du modèle dans le paysage entrepreneurial français. Elle représente même 1/3 des opérations totales dans le Haut-Rhin, l’Yonne, le Jura ou les Pyrénées orientales. Attention toutefois, prévient l’étude, la tendance est à la baisse pour les plus grosses entités. « Cela questionne sur les problématiques familiales, sur l’amélioration de la gouvernance et de l’équilibre du pacte d’actionnaires par exemple », souligne Alain Tourdjman.

Vieillissement

Point aggravant de cette baisse généralisée des cessions-transmissions, elle est de plus en plus flagrante à mesure que le dirigeant vieillit. En 2016, la part des ventes ou des transmissions au-delà de 60 ans s’est établie à 28 % avec 3.200 cessions, contre une moyenne annuelle de 4.300 en 2013-2014. Si le taux de cession des dirigeants quadragénaires a perdu 1,8 point de pourcentage entre 2013 et 2016, il perd 3,1 points pour les sexagénaires et 4 points au-delà de 65 ans. Les patrons restent donc à la barre des entreprises de plus en plus tard, et ils cèdent de moins en moins. « En 2021, 10 % des dirigeants auront plus de 66 ans », relève Nicolas Namias, directeur général finance et stratégie au Groupe BPCE.

La situation est particulièrement marquée dans une trentaine de départements – dans « la diagonale du vide », qui traverse la France du nord-est au sud-ouest, et dans le sud-est – où ¼ des PME ont des patrons de plus de 65 ans. Un risque aussi pour le tissu productif des PME-ETI, puisque l’âge avançant, le rythme de croissance de l’entreprise ralentit (moins d’investissement, moins d’endettement). Si le vieillissement n’entraîne pas la cession, en revanche, la taille de l’entreprise joue un rôle. Plus les salariés sont nombreux, plus la fréquence des opérations augmente, passant de 1,9 % pour les TPE de 1 à 5 salariés, à 8,5 % pour les entreprises moyennes et à 13,3 % pour les ETI.

Phénomène européen

Ce phénomène inquiétant n’est pas uniquement français. Pour la première fois, le groupe bancaire s’est penché plus globalement sur la situation de l’Union européenne. Comme il n’existe pas de dispositif statistique commun à l’ensemble des pays, l’Observatoire BPCE a procédé, sur la base de l’étude menée en France, à une « estimation ». Les PME et ETI représentent plus de 1,7 million d’entreprises en Europe et près de 100 millions d’emplois. En partant du taux de cession moyen en France entre 2014 et 2016, on estime qu’environ 100.000 PME et ETI seraient cédées chaque année au sein de l’UE, ayant un impact sur plus de 10 millions d’emplois. « Pour la seule industrie, 24.000 entreprises et 2,7 millions d’emplois seraient concernés chaque année », indique l’étude.

La France représente plus de 8,5 % du marché européen de la cession-transmission et 11,4 % des emplois concernés. L’Allemagne pèserait pour ¼ des cessions (26.000 PME et ETI) et 22,5 % des emplois concernés. Les PME italiennes représenteraient 10,5 % des cessions (10.800 opérations) mais seulement 7,2 % des emplois associés. « L’enjeu de la transmission est considérable dans les autres pays européens aussi, insiste Alain Tourdjman, il faudrait une politique européenne forte en la matière et qui ne soit pas seulement faite pour encourager les cessions transfrontalières. »

Auteure :  Marion Kindermans

Source : Les Echos