D’après le bilan 2024 qui sera publié lundi et que dévoilent « Les Echos », la médiation du crédit observe le retour au niveau d’avant-crise des saisines. Environ 1.500 demandes concernent le rééchelonnement du PGE, auquel il faut ajouter les 10.000 traités par les tribunaux de commerce.
Frédéric Visnovsky, le médiateur national du crédit à la Banque de France, est au coeur des restructurations des prêts garantis par l’Etat, distribués pendant le Covid. 804.000 PGE ont été octroyés pour faire face à la crise, dont 98 % à des TPE-PME. Le médiateur reçoit depuis 2022 les dossiers des dirigeants qui ne parviennent pas à le rembourser, avec la possibilité de prolonger les échéances jusqu’à quatre ans de plus.
De plus en plus de TPE-PME semblent avoir du mal à rembourser leur PGE. Combien se sont tournées vers vous pour une restructuration ?
Depuis début 2022 et la mise en place du dispositif de rééchelonnement, nous avons traité 1.481 demandes de restructurations, dont 1.025 portent sur des prêts de plus de 50.000 euros (et qui passent d’abord par les conseillers départementaux aux entreprises en difficulté). La majorité provient du secteur des services (57 %) et dans une moindre mesure du commerce (25 %). Elles étaient 392 en 2024, dont 296 de plus de 50.000 euros. Environ la moitié des dossiers ont déjà abouti favorablement. Il y a donc 809 entreprises qui ont bénéficié d’un rééchelonnement des dettes.
En médiation, on ne peut restructurer que les crédits bancaires. Pour les dossiers qui cumulent d’autres problématiques de baux commerciaux, de crédits fournisseurs, de dettes sociales ou fiscales, ils sont orientés vers les procédures de conciliation devant les tribunaux de commerce. Au total, on peut estimer qu’il y a eu au maximum 12.000 restructurations de PGE qui ont eu lieu depuis trois ans, si les 10.000 en conciliation comportaient des restructurations de PGE. Cela reste faible par rapport aux 680.000 bénéficiaires !
Comment expliquer ce chiffre si faible alors que les difficultés de certains dirigeants sont réelles ? Beaucoup redoutent une baisse de la cotation de la Banque de France…
Cette crainte des dirigeants est exagérée. Certes, quand on restructure, cela entraîne un défaut de paiement – c’est une règle européenne. Mais la cotation est très rarement abaissée. Cela ne concerne que quelques cas. D’abord, toutes les entreprises ne sont pas concernées par la cotation [le seuil de 750.000 euros de chiffre d’affaires à partir duquel on cote a été rehaussé à 1,25 million en janvier, NDLR] : cela ne concerne que 30 % environ des bénéficiaires de PGE. Ensuite, on ne dégrade automatiquement la cote que si elle était favorable. Pour les autres, leur note était donc déjà défavorable. Mais il est vrai que la banque accordera peut-être moins facilement de crédits.
En revanche, le frein qui peut exister pour les dirigeants, c’est que la renégociation avec les banques se fait au taux d’intérêt actuel. Alors que le PGE a été octroyé à un taux d’intérêt très bas, environ 1 %, avec une garantie à 90 % par l’Etat, on est aujourd’hui à 3 ou 4 %. Le coût financier est plus élevé. On peut en médiation obtenir jusqu’à quatre ans de plus de délai mais, en général, les banques accordent deux ans, avec un moratoire possible de six mois. Au tribunal, les plans peuvent aller jusqu’à dix ans de plus.
Dans le contexte de hausse des défaillances, ne craignez-vous pas que le remboursement du PGE précipite des entreprises dans le rouge ?
Il ne faut pas prendre le nombre des 65.000 défaillances tel quel, ce qui compte également, c’est le stock. Or, un million d’entreprises sont créées chaque année depuis 2022. L’un des vrais points d’attention à avoir, c’est que les défaillances touchent des entreprises de taille de plus en plus importante et de plus en plus anciennes. Avant la crise, on comptait 3.000 PME-ETI en faillite, elles sont plus de 5.000 aujourd’hui, avec un impact sur les emplois passé de 150.000 à 250.000 emplois. D’ailleurs, les taux de créances non performantes ont augmenté dans les banques en 2023 et 2024.
Le PGE ajoute une contrainte car il n’y a pas d’activité en contrepartie. Mais, à ce stade, 70 % du montant a été déjà été remboursé. Et on ne constate pas d’explosion des non-remboursements. Le taux de sinistralité reste en dessous de 4 %. La conjoncture est plus compliquée donc il augmente un peu, mais il reste faible. En comparaison, le taux de défaut sur un crédit PME est de 4,4 %. Mais je reconnais que, même si nous n’avons pas de statistiques, le remboursement de cette dette se fait parfois au détriment de l’activité, de l’investissement, voire du salaire du dirigeant.
Qu’en est-il de l’accès au crédit des entreprises ? Combien d’entreprises vous ont saisi pour des difficultés en 2024 ?
Il n’y a pas de problème d’accès généralisé au crédit. Au global, en comprenant les demandes de restructurations de PGE, nous avons traité près de 1.300 dossiers en 2024, et 65 % ont abouti à des solutions. La baisse se poursuit. C’est un niveau qui confirme la normalisation des saisines amorcée en 2022. Cela ne veut pas dire que la situation est bonne pour toutes les entreprises. Elles ont aussi moins de projets d’investissement et les tensions sur la trésorerie s’accroissent. Et dans un tel contexte de baisse d’activité, les entreprises ne recherchent pas de crédit.
Source : Les Échos – Marion Kindermans