Les volumes à fin octobre s’approchent du montant total levé en 2015.L’activité a été stimulée par les achats de la BCE et par les opérations de fusion-acquisition.
2015 avait déjà été une année exceptionnelle avec, selon les chiffres compilés par Crédit Agricole CIB, plus de 273 milliards d’euros levés par les entreprises bien notées sur le marché de la dette obligataire. Mais ce record est tout près de tomber. Sur les dix premiers mois de l’année, les volumes atteignent déjà 265 milliards d’euros.
Les entreprises ont en effet cherché à profiter des conditions inédites offertes par le marché obligataire, sous l’effet de l’action de la Banque centrale européenne (BCE). Le programme d’achat de dettes d’Etats européens (QE) a entraîné une chute massive des taux. Le « swap » à 5 ans, qui sert de taux de référence aux emprunts d’entreprise sur cette maturité, est ainsi passé de 0,33 % au mois de mars… à 0 % actuellement. L’extension de ce programme d’achat à la dette d’entreprise – la BCE a acheté, entre juin et octobre, pour près de 38 milliards de titres sur les marchés primaire et secondaire – a encore amplifié ce phénomène. Le « spread », la prime demandée par les investisseurs en plus du taux sans risque, a également dégringolé. Au point que certains groupes, à l’instar de Sanofi, ont réussi à émettre de la dette à des taux négatifs.
« Face à de telles conditions de financement, les entreprises ont mené des opérations opportunistes, soit pour préfinancer des besoins futurs, soit pour remplacer leur dette existante, explique Franck Hergault chez Crédit Agricole CIB. Elles peuvent ainsi non seulement baisser leur coût moyen de financement mais également allonger leur maturité moyenne, les investisseurs étant prêts à prêter à plus long terme pour trouver du rendement. »
L’autre grand moteur de l’activité cette année est venu des grandes opérations de fusion-acquisition. « Sur la seule semaine dernière, Danone a réalisé la quatrième plus grosse émission obligataire corporate en euros de l’histoire, en levant 6,2 milliards d’euros pour refinancer l’acquisition de WhiteWave, tandis que Verizon a obtenu 3,25 milliards d’euros », souligne Blaise Bourdy chez Société Générale. Plus tôt dans l’année, Air Liquide avait emprunté 3 milliards d’euros pour le rachat d’Airgas, et AB InBev a établi un nouveau record de levée de fonds sur le marché européen – 13,25 milliards d’euros, dans le cadre de l’acquisition de SABMiller.
Fenêtre de tir
Cette dynamique du marché n’a pour l’instant pas été perturbée par la remontée des taux entamée le mois dernier. Rien que mercredi, cinq émissions ont été réalisées, et deux autres annoncées. « Malgré les récents mouvements de hausse des taux, les entreprises ont conscience qu’elles bénéficient toujours de coûts de financement très attractifs. Il y a également un effet de fenêtre de tir, car plusieurs facteurs potentiels de volatilité pourraient intervenir d’ici à la fin de l’année », explique Blaise Bourdy. A commencer, dès la semaine prochaine, par les élections américaines, en cas de victoire de Donald Trump. En décembre, la possible hausse des taux de la Réserve fédérale pourrait, par corrélation, faire remonter les taux européens. La Banque centrale européenne, qui se réunit aussi à ce moment-là, sera très attendue sur l’extension de son programme d’achat d’actifs, qui doit normalement prendre fin en mars 2017. De quoi donc pousser les émetteurs à solliciter les marchés sans trop attendre.
Les banquiers spécialistes du marché primaire ne se montrent toutefois pas trop inquiets pour l’activité. « Certes, 2015 et 2016 resteront comme des années exceptionnelles, reconnaît Franck Hergault. Mais nous nous attendons tout de même à un premier semestre 2017 dynamique en termes d’émissions, avec la prolongation probable de l’action de la BCE pour six mois. »
Source : Les Échos – GUILLAUME BENOIT