Une alternative aux crédits bancaires court terme

Alors que la situation de la trésorerie des entreprises reste tendue, l’affacturage peut désormais constituer une véritable alternative aux crédits bancaires court terme pour financer leur besoin en fonds de roulement. En outre, le factoring continue à jouer son rôle traditionnel de sécurisation du poste client, notamment pour les entreprises qui se développent à l’international.

Après un début d’année peu dynamique, l’affacturage semble renouer avec une certaine vigueur. Selon l’Association française des sociétés financières (ASF), le montant des créances prises en charge par les sociétés d’affacturage au troisième trimestre 2013 s’est établi à 48 milliards d’euros, soit une hausse de 8,9 % par rapport à la même période en 2012. Il s’agit d’un taux de croissance nettement plus important que ceux enregistrés au premier trimestre (+ 2,7 %) et au deuxième trimestre (+ 6,2 %) de cette année. Toutefois, malgré ce regain d’intérêt des entreprises françaises pour le factoring, l’activité de ce marché demeure encore en retrait sur les neuf premiers mois de l’année par rapport à celle des années précédentes et ne parvient pas à inverser la tendance au ralentissement perceptible depuis trois ans. En effet, le secteur enregistre une croissance globale de 6 % sur les trois premiers trimestres 2013 par rapport à la même période en 2012, contre 7,2 % et 15,2 % les deux années antérieures.
En outre, les sociétés spécialisées dans l’affacturage bénéficient diversement de la reprise d’activité constatée au cours des derniers mois. Ainsi, Crédit Agricole Leasing & Factoring, Natixis et BNP Paribas Factor, après avoir affiché des progressions légèrement inférieures à celles du marché au premier semestre, commencent à rattraper la tendance. «Sur les neuf premiers mois de l’année nous enregistrons une croissance de 3 % et nous pensons connaître une hausse proche de la moyenne française d’ici la fin de l’année, précise ainsi Patrick de Villepin, président-directeur général de BNP Paribas Factor. Cette nouvelle dynamique est essentiellement portée par le regain d’activité de nos clients depuis le mois de juin.» Natixis Factor annonce pour sa part une hausse de son activité supérieure à 5 % sur le troisième trimestre, alors qu’entre avril et juin le factor n’enregistrait par exemple que 2,6 % d’augmentation. «Nous constatons actuellement que nos clients en portefeuille depuis plus d’un an recommencent à nous confier plus de factures, note Frédéric Kergroach, directeur général délégué de Natixis Factor. Alors que nous étions à – 15 % en termes de remises de créances en début d’année pour cette catégorie de clients, nous sommes aujourd’hui revenus à une croissance positive.» GE Factofrance connaît en revanche une performance similaire à celle du marché, tandis que CGA la dépasse. «Ce résultat est notamment porté par les contrats de syndication que nous avons signés fin 2012 et début 2013», précise Philippe Lepoutre, directeur général de CGA. Enfin, HSBC continue de tirer remarquablement bien son épingle du jeu avec une croissance de 37 % sur les neufs premiers mois de l’année. Les résultats obtenus par les factors cette année sont notamment portés par les demandes des grands comptes, le marché des TPE et des professionnels ainsi que les contrats à l’international.

Une activité portée par les grands groupes

Les factors ayant enregistré les plus belles performances sont notamment ceux qui ont remporté des contrats avec les grandes entreprises. «Nous constatons actuellement un retour des grands comptes vers l’affacturage, explique Hubert Cunin, directeur des opérations clients de Crédit Agricole Leasing & Factoring. Cette tendance montre que ces derniers voient en effet en l’affacturage un moyen simple de financer leur besoin en fonds de roulement et ce, à moindre coût.» Même constat pour CGA qui note également de la part des grandes entreprises un renouveau de leur attrait pour l’affacturage, que ce soit en gestion notifiée ou non, ou encore pour des opérations de syndication.
«La syndication de factors est devenue une alternative aux crédits de trésoreries syndiqués des banques, remarque à ce sujet Philippe Lepoutre. L’affacturage est en effet un encours qui bénéficie de la garantie des créances clients. Les actifs pondérés aux risques sont donc moindres que dans un crédit bancaire classique. En conséquence, les entreprises peuvent, dans le cadre de ces contrats, faire une demande d’encours plus importante.» L’intervention en syndication de factors tend ainsi à se développer, notamment pour CGA, Crédit Agricole Leasing & Factoring et Natixis Factor, acteurs référents sur ce marché.

Un intérêt croissant pour le reverse factoring 

Même si la tendance n’est pas aussi forte que pour les contrats de syndication, le reverse factoring continue également à susciter la curiosité des grands groupes français. «Certes, les entreprises françaises, à l’inverse de certaines de leurs homologues européennes, notamment espagnoles, manquent encore de maturité sur le reverse factoring jugé très technique, souligne pour sa part Frédéric Kergroach. Néanmoins, force est de constater qu’elles s’y intéressent de plus en plus.» Cette technique d’«affacturage inversé» est mise en œuvre à l’initiative du client pour permettre à ses fournisseurs de mobiliser aisément les créances qu’ils détiennent sur lui, via un factor.
Ce financement leur coûte alors généralement moins cher qu’un crédit bancaire traditionnel. Signe de l’attrait que représente cette prestation pour les entreprises, CGA annonce recevoir de nombreux appels d’offres en la matière et remarque d’ailleurs que la concurrence sur ce marché tend à se développer entre factors tant à l’échelle nationale qu’européenne. Natixis Factor compte pour sa part quatre clients importants pour son produit de reverse factoring. Enfin, certains factors qui n’étaient pas encore positionnés sur ce marché réfléchissent au développement de leurs offres. C’est notamment le cas de Crédit Agricole Leasing & Factoring qui annonce la création d’un service de reverse factoring collaboratif pour courant 2014.

Un plus grand recours des TPE et des professionnels 

A l’instar des grandes entreprises, le TPE et les professionnels sollicitent également de plus en plus les factors. D’ailleurs, les factors positionnés sur ce segment de marché enregistrent tous une croissance du nombre de leurs nouveaux clients. «Nous avons entre janvier et septembre de cette année, augmenté de près de 50 % le nombre de nos nouveaux contrats auprès des professionnels», indique Patrick de Villepin. Crédit Agricole Leasing & Factoring a pour sa part enregistré une croissance de 10 % du volume de l’offre Créances Services dédiés aux professionnels depuis le début de l’année. L’offre ProTempo de Natixis Factor compte pour sa part 20 % de nouveaux clients cette année.
«Le recours de ces entreprises à l’affacturage, notamment en période de crise, est sa facilité d’accès“, indique Richard Lelong, directeur général de HSBC Factoring. «Contrairement au découvert bancaire également largement plébiscité par les entreprises, l’affacturage ne nécessite pas de garanties spécifiques en dehors de la qualité des créances qui sont cédées. Il s’agit d’une offre de financement court terme structurée qui s’inscrit dans la durée et qui est très rapide à mettre en place.»
Un atout non négligeable alors que les trésoreries des PME et ETI se tendent et que les banques semblent de moins en moins prêtes à prendre des risques. La plupart des factors constatent d’ailleurs que le recours à l’affacturage pour ces entreprises est davantage porté par un besoin de financements court terme (pour un ajustement de trésorerie, le paiement de commandes exceptionnelles, le financement du besoin en fonds de roulement, le paiement des charges sociales, etc.) que par la nécessité de sécuriser leur poste clients.
Ils comptent donc continuer à développer les prestations destinées aux acteurs de taille moyenne, voire plus petits. Crédit Agricole Leasing & Factoring va ainsi élargir son offre Créances Services aux agriculteurs. BNP Paribas Factor va pour sa part proposer aux entrepreneurs une gamme de forfaits simplifiée et plus accessible en termes de prix, sur le modèle du forfait déjà dédié aux professionnels. «En dématérialisant les procédures de démarrage et de gestion de ces contrats, nous comptons accélérer nos délais de réponse pour les passer sous la barre des 48 heures», poursuit Patrick de Villepin. Natixis Factor, de son côté, développe une nouvelle offre pour les PME, baptisée Essentiel. Elle s’adresse aux entreprises qui réalisent jusqu’à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires et propose une tarification forfaitaire en fonction du montant des créances cédées.
Le forfait démarre ainsi à environ 500 euros pour moins de 100 000 euros de créances cédées par mois. «Grâce à cette offre, les entreprises n’ont d’engagement, ni sur la durée, hormis un préavis de résiliation de contrat de trois mois, ni sur le montant des créances cédées, souligne Frédéric Kergroach. Si elles ne nous remettent pas de créances, elles paient un forfait minoré sur l’année.» Désormais, les factors présents sur le segment des TPE et professionnels proposent d’ailleurs pour la plupart de tels dispositifs, sans engagements de durée et dont le tarif est fonction du montant des créances cédées.

Une dimension internationale renforcée

Toutefois, si l’affacturage devient de plus en plus une alternative aux crédits bancaires court terme, ce produit reste largement plébiscité pour ses vertus de sécurisation du poste client, particulièrement à l’international. «L’activité des factors se maintient actuellement bien car les entreprises françaises souhaitent trouver, à l’export, leurs nouveaux relais de croissance, précise Patrice Coulon, directeur général délégué de GE Capital. Nous constatons d’ailleurs que les entreprises qui se portent le mieux actuellement sont entre autres celles qui se déploient hors de nos frontières.» Néanmoins, le développement de l’activité internationale de l’entreprise implique des prises de risques financiers. En effet, les retards de paiement voire les impayés sont d’autant plus difficiles à gérer lorsqu’ils concernent des clients à l’export. Ces derniers dépendent de réglementations différentes, notamment en matière de délais de paiement.
La barrière de la langue peut également être un frein dans les procédures de recouvrement de créances. La gestion des créances des clients export est donc un poste stratégique auquel l’affacturage apporte des solutions. Les prestataires présents sur ce marché, proposent en effet de garantir les créances contre les impayés, de procéder à leur recouvrement et bien entendu de les financer. Des offres qui séduisent de plus au regard des contrats paneuropéens remportés récemment par quelques grands acteurs de la place. Natixis Factor vient ainsi de signer un contrat paneuropéen de 2,5 milliards d’euros de créances et portant sur huit pays. GE Capital a pour sa part annoncé en octobre dernier la signature d’un accord paneuropéen portant sur le financement du poste client de Vita Group, fabriquant mondial de mousses cellulaires, de polymères et de thermoplastiques.
«Cette nouvelle solution de financement nous permet d’adapter de façon plus appropriée la structure de notre capital, témoigne David Meltham, chief financial officer de Vita Group. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur la poursuite de notre stratégie de croissance dans les marchés sur lesquels nous sommes ancrés, mais également dans de nouveaux marchés, où la demande pour nos produits augmente à mesure que la production industrielle européenne se renforce.»
Pour pouvoir accompagner ces besoins croissants en matière d’affacturage export, les factors renforcent donc leur présence à l’international et améliorent leurs offres en la matière. Par exemple, Crédit Agricole Leasing & Factoring, après s’être installé en Pologne cette année, va prochainement développer une activité d’affacturage au Maroc. CGA de son côté travaille sur sa qualité de service sur l’export. «Nous allons notamment accélérer nos processus d’encaissement à l’international et optimiser nos démarches de relance», souligne Philippe Lepoutre. Quant à Natixis Factor, il travaille actuellement sur l’évolution de son offre multidomestique. Que ce soit à l’étranger ou en France, les sociétés d’affacturage entendent donc continuer à développer leur gamme pour rester compétitifs dans un marché très concurrentiel. Un mouvement qui permet aux entreprises de bénéficier de prestations qui ne cessent de s’améliorer, alors que, dans le même temps, les prix n’augmentent pas. De quoi renforcer l’appétit pour ces solutions.

Source : Option Finance – Anne del Pozo