Une meilleure surveillance des risques

Alors que les défaillances d’entreprise atteignent un niveau record, les assureurs crédits tentent de préserver leurs marges en cherchant un juste équilibre entre les prix liés à leurs taux de prime et leur propre exposition aux risques. Une stratégie qui les incite à renforcer leurs démarches de surveillance et à développer de nouvelles prestations pour continuer de répondre aux attentes de leurs clients.

 

L’année qui s’achève aura été, en termes de résultats, difficile pour les assureurs crédits. En effet, l’augmentation de la sinistralité conjuguée à une conjoncture économique qui reste morose, n’est pas sans conséquences sur l’évolution de leur activité. Ainsi, au premier semestre 2013, Coface a enregistré une diminution de son chiffre d’affaires. «Cette tendance baissière est en lien directe avec la diminution du chiffre d’affaires de nos assurés et elle n’a pas, par ailleurs, été compensée en proportion par une augmentation du nombre de nouveaux clients», précise Cyrille Charbonnel, directeur France et Europe de l’Ouest de Coface. Le constat est, pour Euler Hermes, un peu plus nuancé. L’assureur annonce pour sa part une diminution de son chiffre d’affaires de – 2,6 % au 1er semestre 2013 par rapport à l’année dernière. «Nous avons enregistré une baisse de 5 % du chiffre d’affaires assurable de nos clients, qui a été partiellement contrebalancée par l’augmentation de 2,5 % de la production commerciale nouvelle», explique Nicolas Delzant, président du directoire d’Euler Hermes France.

 

Les résultats sont en revanche meilleurs pour Atradius et la SA Ducroire. «Malgré le contexte économique difficile, nous avons maintenu des résultats corrects», indique ainsi Yves Poinsot, directeur général Atradius France. La SA Ducroire continue de son côté d’enregistrer des croissances records avec une augmentation de 124 % de son chiffre d’affaires en France sur les neufs premiers mois de l’année. «Ce chiffre est imputable à l’augmentation du nombre de nos nouveaux contrats, mais ne signifie pas pour autant que nos niveaux de marges repartent à la hausse», souligne Isabelle Piscopo, directeur France de la SA Ducroire. En effet, même s’ils enregistrent une certaine croissance, toute la difficulté pour les assureurs crédits, consiste à préserver leur rentabilité.

 

Or, cette dernière est étroitement liée à leur capacité à protéger leurs taux de marges et à ne pas augmenter leur propre exposition aux risques. Une démarche difficile à mener lorsque la demande des entreprises en termes de garanties augmente et que l’évolution des défaillances reste sur une courbe croissante. Face à ces impératifs, les assureurs crédits auraient pu être tentés de revoir leurs prix à la hausse ou de limiter leurs garanties. Toutefois, cette stratégie adoptée en 2008-2009 avait non seulement écorné leur image mais également ému les pouvoirs publics, qui surveillent désormais de près l’attitude des prestataires. Les assureurs choisissent donc désormais de miser davantage sur un contrôle renforcé des risques et sur l’élaboration de prestations «sur mesure» pour maintenir leur ratio sinistre à prime et leurs marges tout en répondant aux besoins des entreprises.

 

Un suivi des risques approfondi

 

Pour mieux prévenir les défaillances d’entreprises, les assureurs crédits accentuent leurs processus de surveillance des risques tout en incitant leurs clients à s’inscrire dans la même démarche. Ils continuent à cet effet de développer une forte relation de proximité avec les entreprises. Les rencontres entre les arbitres et les entreprises (clients ou fournisseurs) tendent donc à se multiplier, l’objectif étant notamment de mieux cerner l’exposition aux risques des portefeuilles de clients et de récupérer des informations directement issues du «terrain». «Cette relation de proximité nous permet par exemple d’être plus à l’écoute de l’expérience de paiement des acheteurs de nos clients», ajoute Isabelle Piscopo. La SA Ducroire n’hésite d’ailleurs pas à se rendre chez le débiteur de ses assurés, en leur présence.

Cette rencontre permet notamment à l’assureur de recueillir des informations sur le fonctionnement de l’entreprise visitée, sur ses modes de gestion ainsi que sur la dynamique de son activité. Pour limiter leur exposition aux risques tout en continuant d’apporter des garanties à leurs clients, certains assureurs crédits tendent également à prendre en compte d’autres éléments que la situation financière des débiteurs. «Si nos clients nous demandent d’assurer un crédit à une jeune entreprise qui n’a pas encore de bilan ou de compte de résultats, nous nous penchons alors sur leur projet et analysons les retours attendus», indique Isabelle Piscopo.

 

Un accès facilité aux financements

 

Au-delà de la seule sécurisation de leur risque, les entreprises utilisent également de plus en plus l’assurance crédit pour réduire leur besoin en fonds de roulement. Les aléas conjoncturels de ces dernières années n’ont en effet pas été sans conséquences sur les trésoreries des entreprises, particulièrement tendues actuellement. D’autre part, leur accès aux crédits court terme bancaires reste toujours compliqué pour nombre d’entre elles. Or, l’assurance crédit, qui sécurise le poste client, est un outil-clé pour obtenir ces financements. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a incité Euler Hermes et Sidetrade d’une part, et Atradius d’autre part, à développer leur solution respective EH Intelligence by Sidetrade et Credit Power. Ces plateformes Cloud ont pour vocation d’aider les entreprises à piloter leur exposition aux risques en renforçant le suivi du montant des encours garantis et des limites de crédits.

«EH Intelligence by Sidetrade propose des fonctionnalités “intelligentes” telles que la gestion automatique des déclarations de sinistres, la surveillance pro-active des encours, l’optimisation des demandes de garanties, du reporting, etc.», précise Nicolas Delzant. Cet outil permet également d’optimiser les scénarii de relance selon le niveau de risque et l’historique de paiement des acheteurs. Il met également à la disposition des entreprises des tableaux de bord comparant leurs encours à leurs garanties sur leur portefeuille d’acheteurs, etc. Grâce à cette meilleure maîtrise des risques et à une gestion optimisée de leurs processus, les entreprises gagnent en crédibilité face aux acteurs financiers. Par ailleurs, Atradius propose de fluidifier les échanges entre les entreprises et leurs banques.

«Avec Credit Power les entreprises peuvent transférer automatiquement le montant de leurs encours garantis à leurs partenaires financiers, précise Yves Poinsot. Ces derniers peuvent octroyer des financements plus facilement en les adossant aux limites de crédit des assureurs.» Grâce à l’ensemble de ces mesures qui répondent aux préoccupations actuelles des entreprises tout en limitant leur propre exposition aux risques, les assureurs crédits pourraient, dans les mois à venir, renouer avec une croissance plus profitable.

 

Un accompagnement plus poussé à l’international

 

Dans leurs efforts pour développer leur offre de service, les assureurs crédits se tournent de plus en plus vers l’international. En effet, selon le dernier baromètre export d’Euler Hermes, le risque d’impayé des créances clients apparaît comme le principal frein à l’exportation, une entreprise sur deux craignant l’incapacité de ses clients à honorer leurs engagements. Face à ce constat mais également à leur volonté de se développer à l’international, les entreprises cherchent l’appui des assureurs crédits. Les acteurs de la place ont d’ailleurs renforcé leurs positions pour mieux les accompagner dans ces stratégies. Coface, l’un des acteurs historiquement présents auprès des entreprises exportatrices, continue ainsi d’améliorer ses prestations en la matière.

L’assureur crédit est ainsi l’un des trois cofondateurs, avec Ubifrance et Bpifrance, du Label Bpifrance export créé au printemps dernier. Il a pour vocation d’offrir aux entreprises, en un même lieu, un ensemble de conseils et services personnalisés, dont l’assurance crédit export. Parallèlement, Euler Hermes a en juin dernier noué un partenariat avec Ubifrance. «Cet accord prévoit notamment la mise en place d’une offre de recouvrement dédiée aux clients d’Ubifrance, explique Nicolas Delzant. Les entreprises bénéficient ainsi du réseau international d’Euler Hermes, présent dans plus de 50 pays, et d’une connaissance fine de leurs clients pour sécuriser leurs transactions commerciales.»

 

Source : OptionFinance – 12 novembre 2013 – Anne del Pozo