Les entreprises non cotées sont désormais tenues de déclarer leurs bénéficiaires effectifs. La fin de la confidentialité des pactes ne devrait avoir qu’un impact marginal sur les sociétés.

L’anonymat de l’actionnariat, c’est fini ! Depuis le 1er août, toute nouvelle entreprise ou groupement d’intérêt économique est tenu de déposer au greffe du tribunal de commerce la liste de ses bénéficiaires effectifs, qui sera inscrite en annexe du Registre du commerce et des sociétés. Quant aux entreprises préexistantes, elles devront s’y plier avant le 1er avril 2018. Mais qui sont ces « bénéficiaires effectifs » ? La loi les définit comme toute personne physique qui détient, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de l’entreprise ou, à défaut, de la personne physique qui exerce un contrôle sur les organes de direction, d’administration ou de gestion de cette société. Une définition qui devrait clairement être définie dans les mois à venir par décret.

« C’est une formalité de plus qui ajoute encore un peu de complexité aux démarches administratives. Mais elle n’a rien d’insurmontable. Elle rend l’activité des entreprises plus professionnelle et transparente », souligne Olivier Sanviti, avocat associé chez Aston. Le document à produire au greffe du tribunal de commerce mentionne en effet toute une série d’informations : nom, prénoms, date et lieu de naissance, nationalité et adresse personnelle, les modalités du contrôle que le bénéficiaire effectif exerce sur la société, ainsi que la date à laquelle il a acquis ce statut au sein de la société.

Changement culturel

La France ne fait ici que rentrer dans le rang. La loi Sapin II du 29 décembre 2016 qui instaure cette obligation de déclaration est en effet la transposition en droit français de directives européennes pour la lutte antiblanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme. « Cette réglementation s’inscrit dans une tendance de fond de transparence, de lutte contre les paradis fiscaux, le dumping… poursuit l’avocat. C’est un véritable changement culturel pour les entreprises. »

En l’occurrence, la mise en place du registre des bénéficiaires effectifs va contraindre les sociétés non cotées à dévoiler des informations du pacte d’actionnaires parfois placées sous le sceau de la confidentialité. Pourquoi cette culture de l’anonymat ? « La confidentialité des pactes relève plus de la discrétion que de la fraude, affirme Olivier Sanviti. Certains entrepreneurs ou investisseurs qui évoluent dans un secteur donné préfèrent ne pas apparaître dans d’autres. Parfois parce qu’ils n’en ont pas le droit : ce sont les fonds qui les financent qui leur imposent de ne pas investir dans certaines structures, notamment pour des raisons de concurrence. »

Cette obligation de transparence ne pourrait-elle pas dissuader certains investisseurs de participer à des opérations de capital-risque ou de « private equity » ? « Ne perdons pas de vue que ces informations ne seront pas publiques, mais uniquement accessibles à quelques organismes », souligne l’avocat. En particulier, les diverses administrations telles que les services fiscaux, l’administration des Douanes, l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou encore l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Et de souligner que l’ouverture du pacte d’actionnaires n’est que partielle. « Certains mécanismes, comme la distribution des dividendes ou encore la liquidation préférentielle, n’ont pas vocation à être rendus publics. La mise en place du registre des bénéficiaires n’aura donc pas d’impact significatif sur l’immense majorité des investissements », prédit Olivier Sanviti.

Il n’empêche que certains bénéficiaires effectifs pourraient renâcler à livrer leurs informations. Or les sociétés pourraient être sanctionnées pénalement en cas de violation de cette obligation. « Dans l’hypothèse d’un blocage entre la société et l’un des actionnaires, le président devra saisir le président du tribunal de commerce », prévient l’avocat. Un cas de figure extrême qui semble peu susceptible d’arriver.

Source : Les Échos – Ophélie COLAS DES FRANCS