Lors du Groupe de Travail AFDCC International du 22 mars, nous vous présenterons les résultats d’une étude européenne sur le Credit Management et les pistes envisageables pour réduire les délais de règlements. En attendant ce rendez-vous pour lequel il reste encore quelques places (je m’inscris ici), nous vous proposons de découvrir le Sommaire de l’étude.

SOMMAIRE

1 Contexte

Au sein de l’Union européenne (UE), le problème des retards de paiement est traité par la directive 2011/7/UE, communément appelée « Late Payment Directive » (LPD). Le thème est également abordé par la directive 2019/633/UE, qui fixe des délais de paiement maximaux dans la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire et au niveau national, avec des initiatives législatives visant à lutter contre les retards de paiement récemment adoptées ou en cours de discussion en Pologne, aux Pays-Bas et en Espagne.

Récemment, la situation a montré des signes d’amélioration. En effet, selon l’enquête sur l’accès au financement des entreprises (Survey on the Access to Finance of Enterprises – SAFE), en 2021, 42 % des entreprises de l’UE ont rencontré des problèmes de retards de paiement, dont 12 % ont été confrontés à des problèmes de paiement réguliers et 30 % à des problèmes occasionnels. Cela marque une amélioration par rapport à l’année 2019, où 49 % des entreprises de l’UE étaient confrontées à des problèmes de paiement, dont 17 % de manière régulière.
Cependant, dans 8 États membres, plus de 50 % des entreprises signalent encore des problèmes de retard de paiement.

Le thème du comportement de paiement a suscité une attention considérable de la part des institutions européennes. Dans sa résolution du 17 janvier 2019 sur la mise en œuvre de la LPD, le Parlement européen a appelé la Commission et les États membres à « favoriser un changement décisif vers une culture de paiement rapide ». Le thème figurait également en évidence dans la stratégie pour les PME adoptée par la Commission en 2020, qui notait la nécessité d’« un changement décisif vers une nouvelle culture d’entreprise dans laquelle le paiement rapide est la norme ». En conséquence, la Commission « soutiendra la mise en œuvre de la directive sur les retards de paiement en la dotant d’outils de contrôle et d’application solides. »

2 Objectif de l’Etude

L’objectif de l’étude est de collecter des évidences et de fournir des contributions sur une série d’actions possibles visant à favoriser l’efficacité de la LPD. Le travail a été articulé en 6 domaines thématiques, traitant respectivement de : (i) l’identification des conditions pour la création d’un observatoire de l’UE sur les comportements de paiement ; (ii) la facilitation de l’adoption d’outils financiers abordant les problèmes liés aux mauvais comportements de paiement et la promotion de l’utilisation de la facturation électronique ; (iii) la facilitation de l’accès aux
informations de crédit sur les clients potentiels ; (iv) la mise en œuvre de synergies entre les marchés publics et les objectifs de paiement ponctuel ; (v) la promotion de l’utilisation d’outils de règlement extrajudiciaire des litiges pour régler les retards de paiement ; et (vi) le renforcement des capacités de gestion du crédit des PME.

L’étude s’est appuyée sur une combinaison de travaux documentaires et d’interactions avec les parties prenantes, notamment : (i) l’examen de plus de 250 sources documentaires et de quelque 150 sites web ; (ii) des entretiens avec des représentants de plus de 100 entités (autorités
des États membres, associations commerciales et groupements professionnels, entreprises, universitaires, etc.) ; (iii) deux consultations ciblées avec des professionnels de l’REL et des autorités chargées des marchés publics, et (iv) une consultation avec quelque 700 PME, mise en œuvre par le biais du réseau Enterprise Europe Network.

3 Résultats Principaux

Création d’un Observatoire européen des comportements de paiement

Actuellement, une analyse complète des comportements de paiement dans l’UE27 est manquante. On peut trouver des informations sur les comportements de paiement dans une série de rapports et de statistiques publiés par des prestataires commerciaux de services de paiement,
des associations professionnelles et certaines entités publiques. Bien que ces sources fournissent des informations utiles, elles ne sont pas toujours faciles à consulter, elles présentent des niveaux de représentativité et de précision très différents, et l’utilisation de formats de données différents pose des problèmes de comparabilité. En conséquence, la stratégie 2020 pour les PME a identifié la nécessité de mettre en place un Observatoire européen des retards de paiement afin de soutenir une application plus efficace de la LPD.
Le futur Observatoire de l’UE devrait remplir 3 fonctions, notamment: (i) la mise en place et la gestion d’une base de données d’indicateurs sur les comportements de paiement ; (ii) la collecte et la systématisation de documents sur les aspects qualitatifs non pris en compte par les indicateurs (par exemple, les nouvelles initiatives législatives) ; et (iii) la réalisation d’activités d’analyse et de diffusion d’informations, avec la publication de rapports et la mise en œuvre d’ateliers/webinaires sur des sujets spécifiques.

La base de données jouera un rôle central. Il est recommandé que la base de données soit constituée d’un ensemble de 30 indicateurs « clés » (délais moyens de paiement aux fournisseurs, part des clients payant en retard, fréquence de certaines pratiques de paiement déloyales, etc.),
complétés par 63 autres indicateurs sur des aspects spécifiques (impact de la pandémie de COVID, motivations pour accepter des conditions de paiement inhabituelles, etc.)
Les informations extraites de la base de données constitueront la principale base d’information pour la préparation d’un rapport annuel donnant un aperçu de l’évolution des comportements de paiement dans l’UE et pour des rapports thématiques sur des aspects spécifiques. Les ateliers et les webinaires sont destinés à diffuser des informations sur les activités de l’Observatoire de l’UE et à stimuler le dialogue sur des thèmes choisis (par exemple, les effets des accords volontaires de paiement rapide, la relation entre les retards de paiement et les faillites, etc.)
L’Observatoire de l’UE devrait interagir avec un large éventail de parties prenantes (autorités nationales, associations d’entreprises, entités produisant des rapports sur les comportements de paiement), qui feront partie d’un Forum des parties prenantes. Les parties prenantes sont censées apporter leurs points de vue et leurs suggestions sur des sujets pertinents. Toutefois, étant donné que l’Observatoire de l’UE ne s’appuiera que sur des informations existantes (et généralement accessibles au public), la participation n’entraînera aucune charge financière ou administrative pour les parties prenantes.
Le futur Observatoire de l’UE tiendra également compte de l’expérience acquise avec d’autres structures similaires, notamment l’ « observatoire des délais de paiement », qui est géré par la Banque de France depuis nombreuses années et d’autres observatoires thématiques établis par la Commission, tels que le « European Observatory for Clusters and Industrial Change » et le « European Construction Sector Observatory », tous deux parrainés et financés par la DG GROW.

Faciliter l’adoption d’instruments financiers

Les retards de paiement et les délais de paiement trop longs ont une incidence négative sur la situation financière des entreprises, entraînant une augmentation des besoins en fonds de roulement. Ce problème peut être atténué par le recours à certains instruments financiers, à savoir l’affacturage et le négoce de factures. L’affacturage et l’invoice trading reposent sur les mêmes principes puisqu’ils impliquent tous deux la vente de créances (c’est-à-dire de factures impayées) à un prix réduit. L’affacturage se fait généralement sur une base renouvelable, qu’implique la vente de portefeuilles entiers et comprend un élément de service et de protection contre les risques (une assurance contre le non-paiement), ce qui augmente son coût. En revanche, le invoice trading est plus souple, car les transactions portent sur des factures individuelles, et se fait par le biais de plates-formes automatisées, ce qui réduit son coût.
L’affacturage est largement utilisé dans l’UE, avec des volumes annuels totaux de l’ordre de 1 900 à 2 000 milliards d’euros (soit 10 à 11 % du PIB). Il joue un rôle utile dans l’atténuation des effets des mauvais comportements de paiement, en fournissant des liquidités indispensables. Toutefois, en raison de sa plus grande complexité et de son coût, l’affacturage est principalement utilisé par les moyennes et grandes  entreprises, moins de 5 % des micro et petites entreprises y ayant recours. L’échange de factures est plus adapté aux besoins des PME et les petites entreprises sont les principaux utilisateurs de cet instrument, précisément pour remédier au manque de liquidités généré par le mauvais comportement de paiement de leurs clients. Toutefois, le négoce de factures est un phénomène récent et les volumes sont encore limités, de l’ordre de 2 milliards d’euros en 2020 (soit à peine 0,1 % du marché de l’affacturage).
Le recours à l’affacturage et au négoce de factures peut être limité par la présence de clauses contractuelles empêchant la cession de créances aux fournisseurs de financement, les clauses dites limitatives de cession. Dans l’UE, la situation est très variée. Dans le cas des transactions entre entreprises (B2B), dans la plupart des États membres, les clauses limitatives de cession sont invalides, ou leurs effets sont annulés de jure ou de facto, mais il reste des situations moins claires. Dans certains pays, des restrictions supplémentaires s’appliquent aux transactions
entre gouvernements et entreprises (G2B). Par exemple, en Italie, les entités publiques peuvent attendre jusqu’à 45 jours pour autoriser une cession et une acceptation explicite est demandée pour les factures adressées aux autorités sanitaires. Par conséquent, l’échange de factures est de facto empêché dans le cas des entités publiques. Les clauses limitatives de cession trouvent leur raison d’être dans le principe de la liberté contractuelle et, dans certains cas, elles ont de solides justifications. C’est le cas, notamment, des contrats importants comportant des interactions répétées entre le client et le fournisseur (comme de nombreux contrats de construction) ou des contrats avec un fort élément intuitu personae. Les clauses limitatives de cession peuvent également être justifiées pour se protéger contre la possibilité que le cessionnaire soit un concurrent, ou une entité basée dans des juridictions qui n’offrent pas de garanties en termes de transparence financière (par  exemple, une entité à vocation spéciale basée dans un paradis fiscal). Cependant, lorsqu’elles sont effectivement incluses dans les contrats, les clauses limitatives de cession ne font souvent que refléter un déséquilibre des pouvoirs entre les parties contractantes, ce qui peut se traduire par un obstacle important à l’accès au financement, notamment dans le cas des PME.
L’impact possible d’une réforme visant à lever les restrictions à la cession de créances a été évalué sur la base de données provenant du Royaume-Uni (où une telle réforme a été récemment mise en œuvre, bien qu’avec des résultats limités) et de considérations concernant l’inclusion effective de clauses limitatives de cession dans les contrats et la rigueur de ces clauses (par exemple, certaines opérations d’affacturage ne doivent pas être divulguées à l’acheteur et la clause limitative de cession n’est donc pas pertinente). Globalement, on peut estimer que la suppression des clauses limitatives de cession dans les États membres où elles sont encore valables pourrait entraîner une
augmentation des volumes d’affacturage et de facturation de l’ordre de 2,2 à 4,3 milliards d’euros (environ 0,16 à 0,31 % du marché total de l’affacturage et de la facturation dans l’UE-27). En outre, étant donné que l’accent devrait être mis principalement sur les contrats avec les petites entreprises, on peut estimer que la réforme pourrait faciliter l’accès au financement de 1 200 à 2 400 petites entreprises supplémentaires dans l’UE.

Encourager l’utilisation de la facturation électronique

Ces dernières années, l’utilisation de la facturation électronique a considérablement augmenté dans l’UE. En effet, selon les statistiques d’EUROSTAT, la partie des entreprises envoyant des factures électroniques structurées (c’est-à-dire des factures émises, transmises et
reçues dans un format traitable par machine) est passée de 11 % en 2014 à 32 % en 2020. Une impulsion majeure dans l’utilisation de la facturation électronique a été donnée par la directive 2014/55/UE (E-invoicing Directive), qui a imposé aux autorités publiques d’accepter les factures électroniques pour toutes les transactions G2B. En ce qui concerne les transactions B2B, l’Italie a été le premier pays à rendre l’utilisation de la facturation électronique obligatoire en 2019. D’autres États membres devraient suivre dans les années à venir (par exemple, la France au cours de la période 2024 – 2025, peut-être l’Espagne en 2023 – 2025).
La croissance de la facturation électronique est motivée par une combinaison de facteurs, notamment des considérations commerciales (réduction des coûts administratifs et augmentation de l’efficacité opérationnelle) et des considérations de politique publique (lutte contre la fraude et l’évasion fiscales). La facturation électronique facilite également l’amélioration des comportements de paiement, car le traitement beaucoup plus rapide des factures peut se traduire par des délais de paiement plus courts. En outre, la facturation électronique réduit la fréquence des erreurs de facturation, qui nécessitent du temps pour être traitées et allongent donc les délais de paiement.
L’introduction de la facturation électronique a eu un effet positif sur les délais de paiement dans les transactions G2B, du moins dans les pays traditionnellement caractérisés par de mauvaises performances de paiement, comme l’Italie et l’Espagne. En fait, l’introduction de la
facturation électronique a permis de déterminer l’ampleur des montants dus par les administrations publiques, ce qui a rendu possible le suivi de la situation et l’adoption de mesures correctives, notamment par le biais d’allocations budgétaires supplémentaires. En Italie, par exemple, l’effet combiné d’un meilleur suivi des arriérés grâce à la facturation électronique et d’un financement supplémentaire pour lutter contre les retards de paiement a permis d’améliorer considérablement les performances de paiement du secteur public, les délais moyens de paiement passant de 74 jours en 2015 à 42 jours en 2021.
Au niveau de l’UE, le cadre juridique n’est que partiellement propice au développement de la facturation électronique. La situation est globalement adéquate pour les transactions G2B, puisque la directive sur la facturation électronique impose aux administrations publiques d’accepter les factures électroniques (mais plusieurs États membres n’obligent toujours pas les participants aux marchés publics à émettre des factures électroniques). La situation est moins positive pour la facturation électronique dans les transactions B2B, car en vertu de la directive sur la TVA, les États membres doivent demander une dérogation aux règles générales en matière de TVA afin d’imposer
un régime obligatoire.
L’expansion attendue et progressive de la facturation électronique obligatoire nécessitera un certain investissement des entreprises. Si, pour la majorité des entreprises, cela ne devrait pas poser de problèmes tangibles (car les investissements dans la facturation électronique sont
rapidement amortis), les petites entreprises qui établissent un petit nombre de factures pourraient être touchées de manière significative.

Renforcer les synergies avec les marchés publics

Le secteur public peut jouer un rôle important dans la promotion des objectifs de paiement rapide inscrits dans la LPD. En outre, les synergies entre les marchés publics et les objectifs de paiement rapide prendront un nouvel élan avec la Facilité pour la Reprise et la Résilience, et le rôle des marchés publics dans leur mise en œuvre. Outre l’exécution ponctuelle des obligations de paiement, cet objectif peut être atteint en assurant un paiement direct aux sous-traitants et en excluant les « mauvais payeurs » des procédures d’appel d’offres.
En vertu de la directive 2014/24/UE (the Public Procurement Directive), les États membres ont la possibilité d’autoriser le paiement direct aux sous-traitants, afin de réduire le risque de retards de paiement des entrepreneurs principaux à leurs PME fournisseurs. Deux tiers des États membres ont décidé d’utiliser cette option. Cependant, les données disponibles suggèrent que le paiement direct aux sous-traitants n’est pas largement pratiqué. Les seuls pays où cette pratique est courante sont la Croatie et la France, où l’on estime que 80 % des sous-traitants français sont payés directement par les pouvoirs adjudicateurs.
L’exclusion des « mauvais payeurs » des appels d’offres publics est en principe possible en vertu de certaines dispositions de la Public Procurement Directive. Toutefois, ces dispositions sont soumises à de nombreuses conditions strictes et aucune des autorités des États membres consultées sur le sujet n’a signalé de cas d’exclusion de soumissionnaires pour ces motifs.
Au Royaume-Uni, les autorités gouvernementales ont récemment adopté une position plus ferme à ce sujet, en incluant explicitement les performances de paiement passées parmi les critères d’éligibilité à prendre en compte pour la participation à des appels d’offres publics d’une valeur supérieure à £ 5 millions.
En ce qui concerne le respect des obligations de paiement, les États membres font généralement référence aux délais de paiement stipulés dans la LPD (c’est-à-dire 30 jours en général et jusqu’à 60 jours dans le secteur de la santé), et l’adoption d’objectifs de paiement plus stricts est assez rare (15 jours en Irlande). En outre, les mécanismes existants ne permettent qu’un suivi partiel des performances de paiement du secteur public, puisque des données complètes sur les délais de paiement ne sont publiées que par 7 États membres (Italie, Espagne, France, Pays-Bas, Irlande, Portugal et Belgique).
Une intégration systématique des objectifs de paiement rapide dans les marchés publics donnerait des résultats très positifs, en particulier pour les PME. Une telle approche a été adoptée dans les politiques de marchés publics de certaines entités régionales/locales, avec un
impact positif. Par exemple, le paiement rapide est une caractéristique importante du programme adopté par la ville de Valladolid pour promouvoir la participation des PME aux marchés publics. En conséquence, sur la période 2019 – 2021, le délai moyen de paiement aux fournisseurs n’était que de 14 jours, pour atteindre seulement 8,7 jours en 2021.
L’Observatoire de l’UE proposé devrait jouer un rôle clé pour favoriser l’intégration des objectifs de paiement rapide dans les politiques de marchés publics, notamment par la collecte, la systématisation et la comparaison des données sur les performances de paiement dans les
secteurs publics des États membres et la diffusion d’informations sur les meilleures pratiques.

Encourager l’utilisation de mécanismes alternatifs de résolution des conflits

Les mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges (REL) sont un outil utile pour résoudre les différends commerciaux. C’est  notamment le cas de la médiation, car elle réduit le coût et la durée des procédures et contribue à préserver les relations commerciales. Les outils d’REL/Médiation peuvent être déployés dans un large éventail de situations, y compris les litiges concernant les retards de paiement. C’est pourquoi la stratégie 2020 pour les PME a proposé d’étudier la faisabilité de mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges/médiation destinés aux PME, afin de faciliter « une résolution rapide des litiges de paiement dans les transactions commerciales ».
La médiation est encore peu utilisée dans les litiges de paiement B2B. Les statistiques de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice sur tous les litiges de droit civil (dont les litiges de paiement ne sont qu’un sous-ensemble) dans certains États membres montrent que les cas de médiation ne représentent qu’une exiguë partie des affaires judiciaires. La consultation des PME menée dans le cadre de cette étude a révélé que la voie judiciaire était l’option préférée des entreprises cherchant à résoudre des litiges de paiement tardif (59%), la médiation venant loin derrière (27%). Dans l’ensemble, cela confirme l’existence du « Mediation Paradox », c’est-à-dire un outil universellement apprécié mais encore rarement utilisé.
Le recours limité à la médiation est le résultat d’une combinaison de causes. Si la crainte de ruiner les relations commerciales est fréquemment mentionnée, les preuves disponibles suggèrent que d’autres facteurs jouent un rôle plus important. Il s’agit notamment de l’absence de clauses de médiation dans les contrats, de doutes quant au caractère exécutoire des accords conclus, de préoccupations quant à la qualité et au professionnalisme des services de médiation (notamment en ce qui concerne l’expertise sectorielle) et, surtout, d’un manque généralisé de sensibilisation, qui semble être le principal obstacle à un recours accru des PME.

Des initiatives visant à encourager le recours à l’REL/médiation dans les litiges interentreprises ont été mises en œuvre dans quelques pays, dont quatre États membres (France, Irlande, Hongrie et Slovénie) et le Royaume-Uni. Le champ d’application, les modalités de fonctionnement et la portée de ces initiatives varient, mais elles permettent d’identifier les facteurs clés de succès, qui comprennent un accent clair sur les PME, le court délai nécessaire pour régler les litiges et le coût limité des services.

Favoriser l’utilisation de l’information sur le crédit et des outils de gestion du crédit

Le risque de retard de paiement peut être atténué par une gestion efficace du crédit commercial, c’est-à-dire de la part des ventes pour laquelle un paiement différé est accordé. Ceci peut être réalisé en utilisant des informations sur le crédit, qui permet d’évaluer la solvabilité des clients, et les outils de gestion du crédit, destinés à permettre un bon contrôle de l’ensemble du processus d’octroi du crédit commercial, de la fixation des conditions de paiement aux mesures à adopter pour le recouvrement des paiements en retard.
Les pays européens peuvent compter sur une industrie de l’information sur le crédit bien établie, comprenant plusieurs acteurs actifs au niveau international (le réseau Dun&Bradstreet, Creditreform, Creditsafe, Experian, etc.). Les services sont disponibles sous différents formats, depuis les simples « rapports de crédit », axés sur la santé financière d’une entreprise spécifique, jusqu’à l’accès à des « plates-formes en ligne », fournissant pratiquement en temps réel une vue complète de l’ensemble du portefeuille de clients, avec des données sur l’historique des paiements, des comptes financiers détaillés, des informations sur les propriétaires/gestionnaires, etc. Le nombre d’utilisateurs est considérable, puisqu’il est estimé entre 350 000 et 400 000. Toutefois, en raison d’une sensibilisation limitée et de considérations de coût (le coût d’accès à une « plateforme en ligne » peut être de l’ordre de 3 000 à 5 000 euros), les services d’information sur le crédit ne sont pas utilisés de manière intensive par les micros et petites entreprises.
La mise en place de systèmes de gestion du crédit à part entière n’est possible que dans les entreprises relativement grandes (plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, par exemple). Des formations en gestion du crédit sont proposées par les associations de gestion du crédit et certains prestataires commerciaux, mais les cours sont principalement destinés à fournir les qualifications requises aux gestionnaires de crédit professionnels et, en raison de leur coût et de leur durée, ils ne sont souvent pas adaptés aux petites entreprises. Il existe quelques initiatives spécifiquement destinées aux PME, mais leur portée semble limitée (par exemple, 50 à 60 participants par an pour une initiative de l’association française de gestion du crédit en collaboration avec les chambres de commerce). Par conséquent, les outils de gestion du crédit sont encore peu utilisés par les petites entreprises.
Une utilisation plus répandue des services d’information sur le crédit et des outils de gestion du crédit pourrait avoir un impact majeur, en réduisant le risque de retard de paiement (ce qui permettrait de sélectionner des clients dignes de confiance et/ou de négocier des conditions
contractuelles plus favorables) et, surtout, de non-paiement. Par exemple, un important fournisseur de services d’information sur le crédit a estimé que les entreprises utilisant ses services ont en moyenne réduit de 3 % les délais de paiement de leurs clients, grâce à une diminution du nombre de jours de vente en souffrance. Un impact encore plus important peut être obtenu lorsque l’information sur le crédit  s’accompagne du déploiement d’outils de gestion du crédit (par exemple, une réduction de 37 % des factures impayées sur une période de 12 mois seulement dans le cas d’une entreprise française de matériaux de construction).

4 Recommandations

Création de l’Observatoire de l’UE. La mise en œuvre de l’Observatoire européen des comportements de paiement proposé pourrait être confiée à un contractant sélectionné par une procédure de passation de marché standard. Travaillant sous la supervision étroite de la
Commission, le contractant sélectionné serait responsable de la mise en place de l’infrastructure de base (notamment, la création d’un portail web dédié et le lancement du forum des parties prenantes) et de la conduite de toutes les activités opérationnelles (rapports, webinaires, etc.). Pour le développement de la base de données d’indicateurs, le contractant pourra s’appuyer sur les travaux déjà réalisés pour cette étude, ce qui permettra de commencer rapidement.
Faciliter l’adoption d’instruments financiers (Affacturage et Invoice Trading). La Commission pourrait souhaiter promouvoir une initiative vis-à-vis des États membres pour réformer les lois nationales en vue de restreindre l’applicabilité des clauses limitatives de cession, en
particulier dans le cas de contrats impliquant des PME, afin de faciliter l’accès à l’affacturage/invoice trading. Il est important de noter que les dispositions relatives à la cession de créances font partie du droit civil ou commercial national et ont une validité générale qui dépasse le cas de la facilitation de l’accès au financement. Par conséquent, les éventuels efforts de réforme devraient se concentrer exclusivement sur l’élimination des restrictions dans les contrats (i) entre les grandes entreprises et les PME, (ii) impliquant la cession à des sociétés d’affacturage et à des banques dûment enregistrées dans des juridictions respectant les normes internationales (par exemple, pas de
fonds spéculatifs situés dans des paradis fiscaux), et (iii) à condition que les intérêts légitimes du débiteur ne soient pas compromis (par exemple, comme cela pourrait être le cas dans le cas d’une cession à un concurrent).
Encourager l’utilisation de la facturation électronique. La Commission travaille actuellement sur une proposition de réforme de la directive TVA. Cette proposition pourrait tenir compte des recommandations formulées par le Parlement européen concernant l’adoption d’une norme commune harmonisée pour la facturation électronique, ce qui donnerait une véritable impulsion à l’utilisation de la facturation électronique, avec les avantages potentiels qui en découlent sur le comportement de paiement. Par ailleurs, des inquiétudes ont parfois été exprimées quant aux coûts qu’un passage à la facturation électronique pourrait engendrer pour les petites entreprises. Pour soutenir la mise en œuvre des prochaines réformes de la facturation électronique, les États membres pourraient également envisager d’accorder des  incitations aux petites entreprises (comme cela a été fait récemment en Espagne). En 2021, les autorités espagnoles ont décidé d’inclure le coût des solutions de facturation électronique parmi celles éligibles aux subventions dans le cadre du programme d’innovation numérique (“Programa Digital Toolkit”). Voir : https://portal.mineco.gob.es/eses/ministerio/participacionpublica/consultapublica/Paginas/manifestacion-interes-digitalizacion-PYME.aspx.

Renforcer les synergies avec les marchés publics. La Commission pourrait envisager l’adoption des documents d’orientation encourageant les États membres à adopter une position plus proactive dans l’utilisation des marchés publics pour poursuivre les objectifs de paiement rapide. Ces documents d’orientation pourraient se concentrer sur deux aspects, notamment :
• L’adoption de dispositions visant à intégrer les performances de paiement passées parmi les critères d’éligibilité pour la participation aux procédures de marchés publics, de manière à permettre d’exclure les mauvais payeurs des appels d’offres ;
• L’élaboration de mécanismes visant à assurer un suivi complet des délais de paiement par les pouvoirs adjudicateurs, couvrant idéalement à la fois les contractants principaux et les sous-traitants.

Encourager l’utilisation des outils de règlement extrajudiciaire des litiges. La Commission pourrait envisager de promouvoir l’utilisation des outils REL en finançant un projet pilote axé sur le recours à la médiation dans les litiges de paiement. Le projet pilote pourrait se concentrer sur le secteur de la construction, en raison de son importance économique et des délais de paiement traditionnellement longs, qui augmentent les risques de litiges de paiement. Le projet devrait comprendre au moins :
(i) des activités de sensibilisation, notamment à destination des PME ;
(ii) l’élaboration de clauses types sur la médiation à inclure dans les contrats ; et
(iii) la formation d’un groupe de médiateurs ayant une expérience sectorielle adéquate.

Favoriser l’utilisation de l’information sur le crédit et des outils de gestion du crédit.

L’utilisation de l’information sur le crédit et le déploiement d’outils de gestion du crédit sont étroitement liés, car la première concerne l’acquisition des informations nécessaires pour évaluer la solvabilité des clients potentiels et la seconde se concentre sur la conception de politiques opérationnelles faisant usage de ces informations. Les interventions dans ce domaine pourraient suivre une approche à deux volets, à travers :
• Le financement d’un projet pilote dédié de sensibilisation et de formation des PME, éventuellement mis en œuvre en collaboration avec des associations professionnelles actives dans la gestion du crédit et les services d’information sur le crédit. Conformément à son caractère
pilote, l’initiative se concentrerait sur un nombre limité de pays, en mettant l’accent sur ceux où la culture de gestion du crédit est moins développée, et où l’offre de formation à la gestion du crédit et de services d’information sur le crédit est plus limitée. En conséquence, le projet pilote pourrait inclure un élément de formation des formateurs, afin d’assurer la durabilité future.
• La mise en œuvre d’initiatives de sensibilisation et de formation par les entités impliquées dans les programmes EEN et Erasmus for Young Entrepreneurs (EYE). Compte tenu de la nature tout à fait spécifique des thèmes à aborder (qui vont au-delà des aspects de base de
l’éducation financière), un examen minutieux des entités associées à l’EEN/EYE serait nécessaire, afin de vérifier leurs capacités opérationnelles. Le cas échéant, des liens pourraient être encouragés avec les associations professionnelles concernées, notamment celles
représentées au niveau européen par la Federation of European Credit Management Associations et la Federation of Business Information Services.

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