La mesure entrera en vigueur dès 2019 et non en 2021, comme le Sénat l’avait voté. Pour la certification des comptes dans les petits groupes, les députés ont accepté un contrôle plus systématique pour les filiales importantes.

Depuis des mois, les commissaires aux comptes vivent dans l’angoisse de perdre beaucoup de leurs mandats à cause de la loi Pacte. L’article 9, débattu et voté ce vendredi, relève en effet les seuils qui déclenchent l’obligation pour une PME de faire certifier ses comptes, afin de réduire ses coûts.
Mi-janvier, ils avaient repris espoir car le Sénat les avait en partie entendus. Il avait, certes, validé le relèvement des seuils, mais aussi repoussé l’entrée en vigueur de cette réforme à 2021 pour donner du temps à la profession de se réorganiser pour rebondir .

Depuis, leurs espoirs avaient été balayés. Quand le texte était revenu pour une deuxième lecture devant l’Assemblée Nationale en mars, les députés n’avaient pas repris les avancées du Sénat.
C’est donc avec beaucoup d’appréhension que les professionnels du chiffre attendaient donc ce vendredi 15 mars, jour de débat et de vote du « fameux » article 9. Au final, le texte voté en deuxième lecture ne les satisfait évidemment pas, mais il présente malgré tout une avancée importante.

« Effet guillotine »
Le premier point de désaccord avait trait à l’entrée en vigueur de la réforme. Les députés ont maintenu la date butoir de 2019. Cette absence de dispositif transitoire met les experts du chiffre fortement en colère. « Relever brutalement les seuils sans avoir laissé à la profession le temps nécessaire pour engager sa profonde mutation va avoir un effet guillotine », explique Jean-Bouquot, président de la CNCC (Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes). « Cette mesure entraînera de dramatiques conséquences sociales pour la profession : 10.000 emplois et 650 millions d’euros d’activités sont menacés », prévient-il.
Chargé d’une mission sur l’avenir de la profession, Patrick de Cambourg, président de l’ANC (Autorité des Normes Comptables) avait recommandé une période transitoire de trois ans entre l’ancien dispositif et le nouveau. Une recommandation qui, au final, n’a pas été suivie par les députés.
Les territoires ultra-marins font toutefois exception. Les députés ont en effet accepté de repousser à 2021 l’entrée en vigueur de cette réforme en raison de conséquences sociales graves, avec la disparition possible de la profession dans ces régions.

Risque de sécurité majeur
Sur le deuxième point majeur de désaccord, à savoir la certification des comptes des PME structurées en petits groupes, il y a eu, en revanche, une réelle avancée. Les députés ont finalement maintenu une obligation d’audit légal des comptes dans la holding de tête mais aussi dans toutes les filiales détenues directement ou indirectement. A condition que celles-ci soient d’importance significative. Un décret définira à partir de quels seuils cela s’applique (chiffre d’affaires, effectifs, bilan).
La crainte des commissaires aux comptes était que seule soit auditée la société mère (dès lors qu’elle et ses filiales dépassent le seuil des 8 millions d’euros de chiffre d’affaires) et que ne soit plus auditée une partie des structures les plus complexes en France. Cela aurait pu aussi pousser certaines entreprises à découper leurs activités pour s’organiser en groupe et échapper ainsi à tout contrôle. Ce qui représentait un risque de sécurité majeur pour l’économie française. « Nous avons donc bien eu raison d’alerter », commente Jean Bouquot.

L’article 9 de la loi supprime l’obligation imposée aux PME de certifier leurs comptes. En pratique, les seuils français déclenchant l’obligation de recourir à un commissaire aux comptes ont été relevés au niveau des seuils européens.
Désormais, seules les entreprises remplissant deux des trois conditions suivantes – un bilan d’au moins 4 millions d’euros, un chiffre d’affaires d’au moins 8 millions et au moins 50 personnes – auront l’obligation de faire certifier leurs comptes annuels par un commissaire aux comptes.
Cette mesure permettra aux PME situées sous ces seuils d’économiser 5.500 euros en moyenne – soit 700 millions au total – a estimé Bercy. Les commissaires aux comptes ont estimé qu’ils allaient perdre 150.000 mandats sur un total de 220.000.

Auteure : LAURENCE BOISSEAU
SOURCE : LES ECHOS