La Banque publique d’investissement a enregistré les premières pertes de sa jeune histoire. L’augmentation des provisions financières liées aux risques de défaut des entreprises et les fluctuations des marchés ont plombé ses comptes annuels.

Les pertes nettes de la banque se sont élevées à 120 millions d’euros, contre un bénéfice de 1 milliard un an plus tôt.

L’Etat et la Caisse des Dépôts vont devoir faire un trait sur leurs dividendes. Bpifrance, la Banque publique d’investissement dont ils sont actionnaires, a terminé l’année 2020 dans le rouge, une première depuis sa création en 2012.

Les pertes nettes se sont élevées à 121 millions d’euros (pro forma), contre un bénéfice de 1 milliard un an plus tôt. A l’instar de nombreux établissements financiers , les comptes publiés ce jeudi témoignent de l’impact de la crise sanitaire et de ses conséquences sur l’économie française et les entreprises. En cause : la forte hausse des provisions financières, liées aux risques de défaut des emprunteurs, et les effets de la dislocation des marchés sur le portefeuille coté de la banque.

Le produit net bancaire a également reculé de 15 % sur l’année, pour s’établir à 1,45 milliard d’euros. Les revenus du pôle investissement de bpifrance ont notamment fondu de 34 %, pénalisés par l’annulation du versement de dividendes par de nombreuses sociétés.

Un choix « conservateur »

Malgré des comptes dégradés, l’année 2020 demeure une année record en termes de financement pour la banque publique, avec plus de 20 milliards d’euros injectés dans les entreprises françaises (+9,5 % en un an), dont 4 milliards de prêts de soutien en trésorerie.

« Nous continuons à créer de la valeur, même si notre résultat est négatif », commente Nicolas Dufourcq, le directeur général de bpifrance, qui souligne « la force des actions contracycliques du groupe ». La valeur des actifs (portefeuilles de crédits, participations, trésorerie) a augmenté de 0,5 % l’an dernier, à 26,8 milliards d’euros.

Si la banque publique a beaucoup prêté en 2020 pour aider les entreprises à traverser la crise, elle a en parallèle dû mettre beaucoup d’argent de côté pour faire face aux éventuels défauts. Le coût du risque a ainsi été multiplié par près de six, à 462 millions d’euros.

« Nous avons été très conservateurs en faisant le choix de provisionner le pire tout de suite, même si nous pensons qu’il ne se produira pas, explique Arnaud Caudoux, le directeur financier. Si nous étions une banque cotée, nous n’aurions probablement pas fait ce choix ». Les risques avérés représentent seulement 29 % des provisions effectuées. Et la trajectoire du coût du risque doit décroître cette année.

Des ratios solides

La très forte volatilité des marchés financiers, qui ont plongé au premier trimestre 2020, avant de rebondir de façon spectaculaire durant la deuxième moitié de l’année, a également plombé les comptes de la banque publique.

Les deux tiers du portefeuille d’investissement de bpifrance sont investis en actions, avec des participations au capital de PSA (devenu Stellantis), Eutelsat, STMicroelectronics, Orange, Ingenico Worldline ou encore Mersen. Il n’intègre pas les récents investissements réalisés dans Arkema et Essilorluxottica par le fonds stratégique Lac1, piloté par la banque.

Si la valeur globale de ce portefeuille a progressé de 5 % sur l’année, la contribution au résultat des sociétés mises en équivalence est devenue négative.

Malgré les pertes, bpifrance se veut rassurante quant à la solidité de son bilan et sa capacité à poursuivre le financement de l’économie. Le ratio de solvabilité « CET 1 » s’établissait à la fin de l’année à 30,6 % (contre 33,4 % en 2019). La situation de liquidité demeure très favorable, avec un ratio LCR qui a quasiment doublé en un an. « Nous sommes allés chercher des fonds dès le début de la crise pour parer au pire », explique Nicolas Dufourcq.

Alors que la crise se prolonge et que de nouvelles restrictions d’activité ont été décidées , le patron de la banque publique maintient son optimisme pour l’année en cours et la reprise économique. « Les entrepreneurs sont à la manoeuvre. Tout le monde prépare la catapulte, et le rebond sera puissant au second semestre », dit-il.

Source : Les Échos – Romain Gueugneau