Les banques pourront proposer, dès ce mercredi, aux entreprises frappées par l’épidémie des prêts garantis pour un montant total de 300 milliards d’euros. Un dispositif de crise qui va mettre le secteur sous tension. Mot d’ordre : pas de rationnement.

Neuf jours après son annonce par le président de la République, l’Etat et les banques vont ouvrir ce mercredi le robinet géant de 300 milliards de prêts garantis. Un bazooka à la hauteur de l’enjeu, alors que des dizaines de milliers d’entreprises sont confrontées à la chute brutale de leurs revenus et au risque d’impayés, au fur et à mesure de la propagation de l’épidémie de coronavirus.

« Le lancement du prêt garanti par l’Etat permettra à toutes les entreprises françaises de faire face à leurs besoins en trésorerie dans les circonstances difficiles des prochains mois, a déclaré la ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire. L’Etat met en oeuvre un instrument massif et inédit pour protéger les entreprises françaises du ralentissement d’activité. »

Le principe est simple : Jusqu’au 31 décembre, les entreprises de toute taille pourront demander à leur banque un prêt représentant au maximum le quart de leur chiffre d’affaires réalisé en France en 2019. Sous réserve de l’accord de la banque, qui instruira le dossier, et de bpifrance, qui donnera son tampon, ce prêt sera garanti à hauteur de 70 à 90 % par l’Etat, selon la taille de l’entreprise.

· Qui y aura droit ?

Toutes les entreprises, de la start-up au grand groupe en passant par les PME, des sociétés privées aux entreprises publiques en passant par celles contrôlées par des fonds de capital investissement ou des fondations. Pour les sociétés de plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et de 5.000 salariés, la garantie sera accordée directement par le ministre de l’Economie.

Une façon notamment de contrôler le comportement de certains, soupçonnés de ne pas payer dans les temps depuis l’éclatement de la crise pour préserver leur trésorerie. « Les grandes entreprises qui ne respecteront pas les délais de paiement ne bénéficieront pas de la garantie de l’Etat sur les prêts bancaires », a averti Bruno Le Maire.

Pour le reste, c’est l’efficacité qui prime. « Je peux vous le garantir, il n’y aura pas de rationnement », a assuré Frédéric Oudéa, président de la Fédération des banques françaises (FBF) et directeur général de Société Générale. « Il n’y aura pas de rationnement mais on va d’abord traiter les situations d’urgence, à savoir les entreprises à court de trésorerie », précise aux « Echos » Thierry Laborde, directeur général adjoint de BNP Paribas.

Selon les textes européens, qui encadrent les garanties publiques, les entreprises en difficultés ne devraient pas y avoir droit. Dans ce cas, les sociétés qui étaient en cessation de paiement ou faisaient l’objet d’une procédure collective au 31 décembre ne seront pas éligibles, a indiqué le Trésor. Mais celles qui respectent un programme de redressement pourront l’être.

· Quelles seront les conditions ?

« Le coût du prêt sera constitué du coût de financement propre à chaque banque (taux d’intérêt), sans marge, auquel s’ajoutera le coût de la garantie de l’Etat », précise Bercy. Concrètement, la première année, le Prêt garanti par l’Etat (ou PGE) est facturé de 0,25 % par an pour les entreprises de moins de 50 millions d’euros de chiffres d’affaires et de 0,50 % au-delà.

Aux conditions de marché actuelles, ce taux couvre à la fois le prêt et la garantie, et permet de rémunérer à la fois l’Etat (pour la garantie) et la banque (pour le prêt). Mais attention, dans un an, les emprunteurs – qui ne doivent rien rembourser la première année – vont devoir retourner voir leur banquier pour dire s’ils veulent rembourser tout de suite, ou dans 1, 2, 3, 4 ou 5 ans.

« Ce sera le moment d’établir un avenant en fonction de l’option choisie, explique Thierry Laborde. Nous verrons dans un an le coût de cette ressource ». Le dispositif prévoit que la prime de garantie évolue selon la durée de prêt choisie. A cinq ans, elle passe ainsi à 1 % à 2 % par an selon la taille de l’entreprise.

Pour bpifrance, les entreprises devraient largement rembourser leur emprunt sans utiliser la garantie. C’est en tout cas son retour d’expérience de la période 2008-2010. « A la fin, tout le monde avait été surpris par la faible sinistralité », a indiqué Nicolas Dufourq, son directeur général.

· Les banques sont-elles prêtes ?

La mobilisation est forte, ne serait-ce que parce qu’en jouant le jeu, les banques espèrent sauver leur fonds de commerce. « Nous avons toute confiance dans les banques pour déployer le dispositif de manière rapide et massive », a souligné Sébastien Raspiller, chef du service du Financement de l’économie au Trésor.

Chez BNP Paribas, plus de 4.000 personnes ont été formées en 48 heures à ce nouveau produit et s’apprêtent à activer ce « pont aérien de cash ». « Nos 35.000 commerciaux sont fortement mobilisés pour répondre aux entreprises fragilisées par la crise. Toutes les procédures d’examen seront accélérées », explique aux « Echos » Christine Fabresse, directrice de la Banque de détail chez BPCE.

Au-delà des engagements, répondre à la demande sera aussi une épreuve pratique, pour des équipes parfois en moindre nombre, ou en télétravail. L’espoir des prêteurs : que les entreprises ne se présentent pas toutes en même temps à leurs guichets.

Source : Les Échos – Anne Drif, Romain Gueugneau, Edouard Lederer, Thibaut Madelin