Le PIB a baissé de 0,1% au quatrième trimestre 2019. Les grèves expliquent en partie ce recul mais d’autres facteurs ont joué, notamment dans l’automobile. La dynamique pour 2020 est faible. L’objectif du gouvernement cette année d’une croissance de 1,3 % semble d’ores et déjà difficilement atteignable.

Le cocorico n’aura pas duré très longtemps. L’activité économique française a calé à la fin de l’année dernière. Le PIB a même reculé de 0,1 point au quatrième trimestre 2019 , selon l’Insee. C’est la première fois depuis le printemps 2016 que l’économie hexagonale réalise une si mauvaise performance. Et c’est une surprise que les économistes n’avaient pas vu venir, y compris à l’Insee et à la Banque de France .

Simple coïncidence ou véritable explication ? Il se trouve qu’au deuxième trimestre 2016, l’activité avait été perturbée par les grèves et manifestations contre la loi Travail de Myriam El Khomri. Ce qui pose évidemment la question de l’impact de la grève dans les transports en commun contre la réforme des retraites cet hiver.

Les grèves mais pas uniquement

Pour Julien Pouget, chef du service de la conjoncture à l’Insee, « l’effet des grèves est probablement proche d’au moins 0,1 % mais il faudra étudier de plus près ce qui s’est réellement passé car d’autres facteurs ont pu jouer au mois de décembre ». Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, considère aussi que « les grèves de décembre ont freiné la croissance française ».

En effet, dans le détail, la consommation des ménages a ralenti, notamment dans les services et particulièrement dans les transports. Logique puisque la grève a d’abord concerné la SNCF et la RATP . Mais il y a d’autres explications à ce coup de frein. « Les températures du dernier trimestre 2019 ont été plus clémentes qu’habituellement, ce qui a pesé sur la consommation d’énergie », explique Julien Pouget. Résultat, les dépenses des ménages n’ont grimpé que de 0,2 % au quatrième trimestre.

Coup d’arrêt « préoccupant » de l’investissement

Ensuite, « l’investissement en construction et en travaux publics a freiné de façon classique, avant les élections municipalesde mars prochain », avance l’économiste de l’Insee. Du côté des entreprises, « c’est un vrai coup d’arrêt et c’est assez préoccupant », juge Philippe Waechter, chef économiste d’Ostrum Asset Management. Alors que l’investissement des entreprises avait augmenté de plus de 1 % au cours des deux trimestres précédents, la croissance n’est que de 0,3 % sur les trois derniers mois de l’année.

Enfin et surtout, la production industrielle a reculé de 1,5 % au quatrième trimestre. « La baisse de valeur ajoutée dans l’industrie est la plus forte que l’on ait connu depuis début 2009 », c’est-à-dire au plus fort de la crise qui a suivi la chute de Lehman Brothers, explique Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). La production industrielle a plongé en décembre. Les grèves expliquent en partie ce recul, certains ports ayant été bloqués. Et les entreprises ont pu anticiper des désorganisations de leur chaîne de production, ce que tend d’ailleurs à montrer leur comportement. Elles ont beaucoup déstocké. Le ralentissement mondial dans l’industrie a aussi eu des effets, les exportations ayant baissé.

Mais il y a aussi « des facteurs spécifiques dans certains secteurs, selon Julien Pouget. Les déboires de Boeing avec son 737 Max cloué au sol ont pu par ricochet rejaillir sur des motoristes et équipementiers français. Et il est possible que certains constructeurs automobiles aient déstocké avant la mise en place de nouvelles normes antipollution ».

Moindre dynamique pour 2020

Conséquence de cette mauvaise fin d’année, sur 2019, la croissance n’atteint que 1,2 %, un peu moins que ce qu’espérait le gouvernement. Mais surtout, la dynamique pour 2020 est nettement moindre. Selon Philippe Waechter, pour atteindre une hausse du PIB de 1,3 % comme anticipé par Bercy, il faudrait que la croissance s’élève à 0,45 % par trimestre. Difficile, voire impossible car cela représenterait une performance deux fois meilleure qu’en 2019.
D’autant que le contexte international connaît une nouvelle incertitude : l’épidémie de coronavirus qui paralyse l’économie chinoise, estime le chef économiste. Ce serait peu ou prou la même performance attendue en Allemagne. La demande intérieure française ne constitue plus une muraille contre les soubresauts de l’économie mondiale.

Bruno Le Maire juge que le coup de frein de fin 2019 « ne remet pas en cause les fondamentaux de la croissance française qui sont solides ». C’est possible. « Il peut y avoir un rebond au printemps avec la reprise de la production industrielle et un restockage de la part des entreprises », juge Mathieu Plane. Mais ce coup de frein tombe vraiment mal. Particulièrement au moment où Emmanuel Macron axe sa communication sur les bons résultats de sa politique économique.

Source : Les Échos – Guillaume de Calignon