Le conseil des ministres a examiné vendredi une ordonnance qui assouplit les règles pour les entreprises en difficulté. Les chefs d’entreprise disposeront d’un délai allant jusqu’à trois mois après la fin de l’urgence sanitaire pour se déclarer en cessation de paiement. Les procédures pourront se faire en ligne pendant la période de fermeture des tribunaux de commerce.

Comme les autres tribunaux, les tribunaux de commerce sont fermés depuis la mi-mars. (Loic Venance/AFP)

Eux aussi voient monter la vague, non pas des patients atteints du Coronavirus, mais celle, qui viendra dans un deuxième temps, des entreprises mises au tapis par les mesures de confinement. Les professionnels de la restructuration d’entreprises s’attendent à des dépôts de bilan en série, malgré les mesures du gouvernement pour préserver la trésorerie des TPE et PME . « C’est sans commune mesure avec la crise de 2008. Cette fois, c’est toute l’économie qui est arrêtée : tourisme, restauration, industrie…. J’ai du mal à appréhender à ce stade comment les entreprises vont réussir à passer cette épreuve », témoigne Catherine Poli, administrateur judiciaire.

D’après un sondage publié par l’Association pour le Retournement des Entreprises (ARE), qui a interrogé 250 professionnels (avocats, administrateurs judiciaires, consultants), 85 % d’entre eux constatent une augmentation de leur activité sous l’effet de la crise du Coronavirus. Sans surprise, c’est dans les secteurs de la restauration, l’hôtellerie et l’événementiel qu’ils sont le plus sollicités.

Première vague en avril

Pour ces professionnels, la première vague de dépôt de bilan pourrait arriver dès la fin avril, pour les entreprises qui ne pourront pas payer les salaires en fin de mois. « Les difficultés vont commencer à apparaître quand il y aura eu plus d’un mois de fermeture. On s’attend à une deuxième phase délicate en juillet quand les entreprises devront rembourser leurs échéances fiscales et sociales s’il n’y a pas de nouveau report », explique Virgine Verfaillie Tanguy, présidente de l’ARE.

Puis une troisième étape difficile devra être franchie lors du redémarrage qui va accentuer le besoin en financement probablement en septembre. « Le message à faire passer aux entrepreneurs, c’est qu’il faut voir le plus loin possible dans l’année 2020 », met en garde Cédric Colaert, associé chez Eight Advisory.

Règles assouplies Face à cette situation, le gouvernement a décidé d’assouplir les règles qui s’appliquent aux entreprises en difficulté . Le conseil des ministres a examiné vendredi une ordonnance modifiant les obligations du dirigeant lors d’une situation de dépôt de bilan. En temps normal, le chef d’entreprise dispose d’un délai de 45 jours pour déclarer sa cessation de paiement, sans quoi il encourt des sanctions. Cette ordonnance lui permettra d’attendre trois mois après la fin de l’urgence sanitaire , pour voir si son activité redémarre, et s’il peut ainsi éviter le dépôt de bilan. Dans la même logique, les plans de sauvegarde et de redressement pourront être prolongés, de façon à donner plus de temps aux administrateurs pour chercher une solution.

Procédures en ligne

Dans certains cas, la cessation de paiement sera préférable, en particulier pour les entreprises qui connaissaient déjà des difficultés avant le Coronavirus. Pour ces situations, l’ordonnance prévoit d’assouplir les formalités.

Les déclarations de cessation de paiement pourront se faire en ligne, de même que les audiences qui pourront se dérouler par visioconférence. Ces facilités n’étaient pas prévues au début par la Chancellerie qui, au contraire, voulait bloquer les procédures collectives pendant le confinement. « Ce n’était pas souhaitable, car l’ouverture d’une procédure, qui le plus souvent se fait à la demande du dirigeant, est là pour protéger l’entreprise, notamment parce qu’elle permet la prise en charge des salaires par les AGS », explique Aymar de Mauléon, associé chez Linklaters. A la demande des professionnels, le gouvernement a revu sa copie. Les entreprises pourront ouvrir une procédure, même si les tribunaux de commerce restent fermés

Source : Les Échos – Ingrid Feuerstein