L’Observatoire des délais de paiement remet lundi son rapport annuel à Bercy.
Près d’un tiers des entreprises ne respectent toujours pas le délai légal.

Le sujet des délais de paiement agite peu les débats politiques ; pourtant, les chiffres sont impressionnants. Si les délais de paiement légaux entre clients et fournisseurs étaient respectés (ils ont été fixés à soixante jours par la loi de modernisation de l’économie de 2009), la trésorerie qui serait libérée, dans l’hypothèse d’un strict respect de la loi, est estimée à 12 milliards d’euros. Ventilée par taille, cette différence représente des transferts de trésorerie importants entre catégories d’entreprises. Le transfert s’effectuerait en faveur des PME pour 16 milliards d’euros et des ETI pour 4 milliards, alors que les grandes entreprises, les sociétés financières et la sphère publique se verraient, elles, amputées de 8 milliards d’euros. Ces chiffres sont issus du rapport de l’Observatoire des délais de paiement qui sera remis ce lundi au ministre de l’Economie, Emmanuel Macron. L’Observatoire n’avait pas rendu de rapport l’an passé. Depuis novembre 2014, il est présidé par Jeanne-Marie Prost, ancienne médiatrice du crédit auprès de Bercy.

Le chiffre de 16 milliards (par an) est à mettre en regard des 40 milliards d’euros du pacte de responsabilité qui s’étalent, eux, sur quatre années. Il s’agit bien d’une somme colossale, qui montre l’ampleur du manque à gagner en termes de trésorerie dont sont victimes les PME. Ces retards s’expliquent par le rapport de force qui joue en faveur des grandes entreprises clientes, dont un grand nombre ont d’ailleurs intégré le fait de payer avec retard leurs fournisseurs dans leur fonctionnement comptable. Plus d’une grande entreprise sur deux règle ses fournisseurs avec retard. Et les « grands retards » (supérieurs à deux mois) sont proportionnellement deux fois plus nombreux chez les grandes entreprises que chez les PME, révèle le rapport de l’Observatoire. « Les comportements des grandes entreprises restent non satisfaisants. Il y a bien sûr des effets de rapport de force entre gros client et petits fournisseurs, mais c’est aussi le fait, dans certains cas, d’une mauvaise gestion de la chaîne de paiement », estime Jeanne-Marie Prost.

Risque de défaillance

Ces comportements ont été très longtemps tolérés, même si les délais ont singulièrement baissé ces sept dernières années. « On revient de très loin, il faut s’en souvenir. Et la loi LME de 2008 a été suivie d’effets très positifs », poursuit Jeanne-Marie Prost. Pour autant, 32 % des entreprises ont toujours un délai moyen de paiement supérieur au délai légal de soixante jours, alors même que cette situation peut être délétère pour les entreprises victimes. Le cabinet Altares, qui étudie de près les délais de paiement, estime que la probabilité de défaillance augmente de façon exponentielle à partir de trente jours de retard. Pour être plus précis, le risque de faire faillite pour une entreprise est multiplié par 6 à partir de trente jours de retard de paiement. La construction fait partie des secteurs d’activité les plus touchés par le phénomène. De même que les activités de soutien aux entreprises (conseil, avocats, experts-comptables…), souvent considérées comme secondaires.

Le ministère de l’Economie compte toutefois sur une amélioration de ces chiffres sous le double effet du renforcement des contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et du renforcement des sanctions contre les mauvais payeurs qui devrait être adopté dans la loi Sapin 2 (lire ci-dessous).

Source : Les Échos – Marie BELLAN