Quatre organisations récompensées pour leurs pratiques de délais de paiement

Le 2 juin, à Paris, s’est tenue la première édition des Prix des délais de paiement, destinée à récompenser les organisations ayant une politique vertueuse en matière de règlement des factures. Deux entreprises, un organisme public et une collectivité territoriale ont été distingués.

Médiatiser la thématique des délais de paiement : c’est l’objectif principal de la création des Prix des délais de paiement, qui visent à récompenser entreprises et organisations adoptant des pratiques vertueuses dans ce domaine. Les premiers ont été remis le 2 juin au ministère de l’Economie, sous l’égide de Jean-Hervé Lorenzi, président de l’Observatoire des délais des paiements. Un évènement qui devrait être reconduit chaque année. En 2014, deux sociétés, un organisme public et une collectivité territoriale ont été récompensés :

– Prix PME : Sealock, fabricant de colles industrielles, 23 salariés, Pas-de-Calais.
– Prix grande entreprise / ETI : GDF-Suez, fournisseur d’énergie, 147 200 collaborateurs.
– Prix organisme public : Institut national de recherche agronomique, 8 478 salariés.
– Prix territoire : conseil général de la Vendée.

Cette remise de prix a été l’occasion d’organiser une table ronde sur la thématique des délais de paiement, nourrie par deux études sur ce sujet. La première d’entre elles, réalisée par l’institut de sondage OpinionWay (1), confirme entre autres que les entreprises du BTP sont particulièrement touchées par les retards de paiement. Non seulement leur trésorerie en souffre (conséquence évoquée par 66% des entreprises du secteur interrogées) mais plus encore leur moral (72%). Tous secteurs confondus, 53% des sondés estiment ne pas être protégés par la loi encadrant les délais de paiement.

Seuls 7,7% des grands groupes paient à temps

L’autre étude, réalisée par Altares, montre à quel point la France affiche des pratiques médiocres en termes de délais de paiement en comparaison avec d’autres pays. En particulier ses grandes entreprises : seules 7,7% d’entre elles paient à temps. Les organisateurs des Prix des délais de paiement ont d’ailleurs regretté la participation extrêmement faible des grands groupes à ces prix (5). « Attendre des grands acteurs de contribuer positivement à de meilleures pratiques en matière de délais de paiement est une bataille de tous les instants », explique Thierry Millon, directeur des études chez Altares.

L’étude d’Altares montre par ailleurs que le BTP est le secteur qui paie le mieux ses fournisseurs. Il faut moins y voir de la bonne volonté qu’une conséquence du rapport de force entre petites et grandes entreprises. « Dans notre pays, nous avons une culture du rapport de force, affirme Pierre Pelouzet, médiateur inter-entreprises. Nous devons changer de culture et être davantage dans le respect commercial. Les petits retards de paiement font mal aux entreprises. » Thierry Millon parle d’ailleurs de la France comme de la « championne d’Europe des petits retards de paiement ».

15 milliards d’euros de retards de paiement pour les PME

Des retards de paiement qui ont des conséquences parfois dramatiques. Ainsi, en France, ils sont à la source de 25% des faillites d’entreprises, représentant 15 milliards d’euros pour les PME. « A l’heure actuelle, des discussions sont en cours sur le pacte de responsabilité, qui représente 30 milliards d’euros, rappelle Pierre Pelouzet. Si l’on ne faisait que faire respecter la loi sur les délais de paiement, nous aurions déjà la moitié. C’est donc un sujet majeur, mais, année après année, les délais de paiement n’évoluent pas. »

Jean-Hervé Lorenzi a d’ailleurs, sur ce point, reconnu « s’être trompé ». « Nous avons passé ces quatre dernières années à nous battre contre des exceptions à la réglementation sur les délais de paiement. Nous voulions ne pas changer de cap par rapport à la loi de modernisation de l’économie, explique-t-il. Or, cette stratégie, en période de crise, ne s’est pas avérée être la plus efficace : pour preuve, d’année en année, les délais de paiement n’ont pas fait énormément de progrès. » Pour sortir de cette impasse, Jean-Hervé Lorenzi ne jure que par la médiatisation du sujet, de façon à « mettre la question des délais de paiement au coeur des discussions de politique économique ». « Pour l’instant, cette problématique reste une bagarre entre grandes et petites entreprises. Nous ne devons pas faire de ce sujet une affaire de ministres ou de discussions bureaucratiques : ce n’est pas comme ça que les dossiers avancent. »

Sans médiateur, les PME ne peuvent rien faire

Les difficultés restent nombreuses, pourtant. « En France, les entrepreneurs sont contraints de bâtir leur plan de trésorerie avec un système ‘boule de cristal’ : le patron dispose ses factures sur la table et évalue, au jugé, la date de paiement de celles-ci », regrette Pierre Pelouzet. « En marchés publics, les sous-traitants de rang 1 sont payés de manière automatique, illustre de son côté Frédéric Grivot, vice-président de la Confédération générale des PME. Mais dans les rangs inférieurs de sous-traitance, nous tombons dans la jungle des contrats inter-entreprises. Et souvent, les entreprises ne font pas assez attention à ce que stipulent les contrats. Il est donc indispensable que les entreprises soient accompagnées par des médiateurs, car si les PME ne sont pas appuyées par quelqu’un, elles ne peuvent rien faire contre leurs donneurs d’ordres. »

Reste, toutefois, l’espoir soulevé par le nouveau système de sanctions créé par la loi Consommation de février dernier. S’il peut sensibiliser certains donneurs d’ordres sur l’amélioration de leurs pratiques de paiement, il ne faut visiblement pas l’envisager comme un remède miracle. « Pour obtenir des pénalités contre un mauvais payeur, il faut les réclamer : quelle entreprise va oser le faire ? », ajoute Pierre Pelouzet.

La lente et coûteuse dématérialisation des factures 

Dans une optique de simplification des processus de paiement, la solution de la dématérialisation des factures a évidemment été mise sur la table. Mais cette solution présente au moins un défaut : les grands groupes développent leur propre logiciel de paiement. « Nous commençons à voir venir des PME qui, pour cinq grands clients, doivent manipuler cinq logiciels de paiement différents. Il faut homogénéiser le système », affirme Pierre Pelouzet. Sans compter que dans cette situation, c’est le grand groupe qui a le contrôle du logiciel. Ce qui ouvre un nouveau champ d’abus de pouvoir.

« Par ailleurs, la dématérialisation reste un dispositif très lourd à mettre en place pour les entreprises », rappelle Eric Latreuille, président de l’association des credit managers, qui appelle surtout à une « simplification législative ». « Le plus souvent, dans les cas traités par la médiation des marchés publics, les paiements ne peuvent pas se faire parce qu’il manque des papiers ou des signatures, observe Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. Tous les éléments de simplification vont donc dans le bon sens. »

(1) : étude réalisée par OpinionWay en mai 2014, auprès de 403 chefs d’entreprises d’au moins un salarié et 296 de plus de 20 salariés.

Source : Par Florent Lacas – LE MONITEUR.FR