Le tribunal de commerce de Paris a accepté le plan de refinancement élaboré par Jean-Charles Naouri et les administrateurs judiciaires. Le holding de Casino et ses sociétés faîtières ne paieront l’essentiel de leurs dettes qu’en 2023 et après. Le Tchèque Daniel Kretinski apporte une nouvelle aide à l’homme d’affaires français en accordant une ligne de crédit à Rallye gagée sur 8,73% du capital de Casino.

Jean-Charles Naouri a tenu son calendrier. Le dirigeant et propriétaire de Rallye et de ses holdings de tête avait annoncé vouloir sortir de la procédure de sauvegarde en mars au plus tard. Le tribunal de commerce de Paris a accepté son plan de refinancement vendredi 28 février. La procédure avait été enclenchée le 23 mai 2019 en raison de l’endettement des quatre sociétés contrôlées par le patron du groupe Casino, Rallye, Foncière Euris, Finatis et Euris. Elle avait été prorogée à la fin de l’année pour six mois. Rallye retrouve désormais sa liberté d’action et se met à l’abri pour trois ans, les premières grosses échéances de remboursement intervenant le 28 février 2023, soit 1,2 milliard pour Rallye.

Le plan a été publié le 10 décembre . Il prévoit l’étalement du remboursement des 3,29 milliards d’euros de dettes cumulées (2,9 milliards d’euros pour Rallye, 137 millions pour Foncière Euris, 135 millions pour Finatis et 95 millions pour Euris). Les créances des banques sont nanties sur des actions de Casino, le groupe de distribution étant le principal actif de Rallye qui possède 51 % de son capital. Les établissements financiers, à la tête desquels figure BNP Paribas, acceptent d’être remboursés à 85 % au bout de trois ans et du solde la quatrième année. Si elles avaient refusé et elles n’auraient été remboursées qu’en dix ans, délai maximum que la sauvegarde autorise.

Nantissement en deuxième rang

Le détail du dispositif est plus complexe. Les banques qui choisissent le remboursement en trois-quatre ans acceptent que les actions Casino soient nanties en deuxième rang. Cela permet à Jean-Charles Naouri de lever une dette supplémentaire en donnant à nouveau ces titres en garantie de façon proportionnelle à la remontée du cours de Casino. Celui-ci était de 29,85 euros lors de l’entrée en sauvegarde. Il est remonté à près de 35 euros  vendredi.

L’objectif est de chercher des investisseurs afin de racheter les créanciers obligataires qui possèdent 1,6 milliard de dette. Ces derniers sont dans une situation plus inconfortables que les banques. Le plan de refinancement ne leur propose que d’être remboursés sur 10 ans, avec le paiement de 65 % de leur créance lors de la dernière année.

Le communiqué publié ce lundi précise que Rallye a renforcé ses liens avec EP Investment, entité contrôlée par Daniel Kretinsky. Le Tchèque, qui est entré dans le capital de Casino à hauteur de 5,64%, a accordé une ligne de financement de 233 millions d’euros pour refinancer une partie des 331 millions de dérivés. Cette ligne peut assurer aussi les opérations courantes de Rallye à hauteur de 15 millions, précise un communiqué distinct. Le texte précise que ce crédit est garanti par une fiducie portant sur 8,73 % du capital de Casino…

Les administrateurs judiciaires avaient accepté le plan à la conception duquel ils ont participé. La majorité des porteurs d’obligations l’ont rejeté, mais leur avis n’était que consultatif, comme celui des banquiers qui l’ont, eux, approuvé à 100%.

Cessions d’actifs

Dès le mois de décembre, les analystes ont souligné les limites du dispositif de sortie de la sauvegarde. Même si elles sont étalées, les dettes doivent être remboursées. Rallye se trouverait en 2023 face à un « mur de dette » qui peut monter jusqu’à 1,153 milliard d’euros, estimaient-ils. Les holdings du groupe Casino disposent de trois types de ressources : les dividendes de Casino, la cession de leurs actifs non stratégiques et différentes options de refinancement. rallye peut céder environ 40 millions d’euros d’actifs immobilier et l’enseigne de sport Go Sport. Foncière Euris détient aussi de l’immobilier. le gros des ressources viendra des dividendes de Casino.

« Cela veut dire qu’en 2023, Casino va devoir distribuer 2 milliards d’euros de dividendes pour en remonter la moitié vers Rallye, ce qui s’ajoutera à ses propres besoins de financement », notait Fabienne Caron de chez Kepler Cheuvreux, qui en concluait que « Casino va donc devoir céder encore beaucoup d’actifs ! » L’analyste de Bryan Garnier calculait, de son côté, que les contraintes du récent refinancement de Casino conduisaient à n’anticiper que 160 millions de dividendes courants par an. Seule la cession d’un gros actif permettrait de verser ce dividende exceptionnel. Casino a lancé en août 2019 un nouveau plan de cessions de 2 milliards d’euros à horizon 2021 qui suit un programme de 2,5 milliards en cours d’achèvement.  La cession de Leader Price à Aldi est sur le point d’aboutir pour un gain compris entre 400 et 600 millions d’euros. Le groupe est encore propriétaire de quelques Géant, des Supermarché Casino, Monoprix, Franprix, CDiscount et de la grande distribution en Amérique du Sud.

La situation demeure d’autant plus compliquée pour Jean-Charles Naouri que mi-janvier Casino a révisé à la baisse ses prévisions de résultats. Le distributeur a prévenu que le bénéfice opérationnel des activités françaises (Géant, Supermarché Casino, Franprix, Monoprix, Cdiscount) ne progresserait pas pour 2019 de 10 % mais de 5 %. Le distributeur publie ses résultats annuels le 26 mars.

Source : Les Échos – Philippe Bertrand