Le numéro 2 de la Commission veut harmoniser et accélérer les procédures de recouvrement des actifs.
Il fait du « passeport européen » un enjeu de la négociation sur le Brexit.

Même sans la City, il faut « avancer coûte que coûte vers la création d’une union des marchés de capitaux ». C’est le « signal politique fort » que Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, s’est employé à faire passer. Depuis des semaines, la future sortie de la principale place financière d’Europe entretenait les doutes sur l’avenir du projet. « Au contraire, cela rend d’autant plus indispensable et urgent d’accélérer sa mise en place pour assurer le but final, soutenir la croissance en développant l’accès des entreprises aux capitaux », martèle Valdis Dombrovskis, qui a récupéré le dossier suite à la démission cet été du britannique Jonathan Hill du poste de commissaire auxFinances. L’enjeu est crucial : la Commission en fait, avec le plan Juncker sur l’investissement, le second pilier de sa politique de relance.

D’âpres débats

Objectif : donner un coup d’accélérateur à la finance désintermédiée, en s’inspirant du modèle américain, pour sortir d’une trop forte dépendance européenne au financement bancaire. A cet effet, le commissaire appelle le Conseil, qui regroupe les Etats membres, et le Parlement européen à « adopter au plus vite » les directives présentées au printemps sur la relance de la titrisation et la simplification des prospectus présentés par les entreprises cherchant à lever des fonds. La première, plaide-t-il, est indispensable pour « aider les banques à prêter plus à l’économie réelle », la seconde pour « développer l’accès des entreprises à des financements diversifiés », en particulier les PME, perdues face à la complexité actuelle des prospectus. Reste que les débats sont âpres au Parlement, où la relance de la titrisation fait grincer des dents alors que le fantôme de la crise des subprimes rôde encore. La Commission propose en garde-fous d’imposer aux banques de conserver au moins 5 % de chaque titrisation dans leur bilan, mais les parlementaires jugent ce seuil trop bas, certains militant pour 20 %.

Autre sujet complexe mais auquel Valdis Dombrovskis veut s’attaquer de toute urgence : l’harmonisation des régimes nationaux en matière d’insolvabilité. Un très gros dossier, sur la table depuis une vingtaine d’années sans avancées réelles jusqu’ici. Les divergences actuelles d’un Etat à l’autre constituent selon lui « un gros obstacle aux investissements transfrontaliers et au développement des marchés de capitaux ». Il veut présenter « fin octobre » une proposition législative fixant une base minimum de règles communes aux Etats afin de « mieux permettre aux entreprises en restructuration de négocier avec leurs créditeurs un rééchelonnement de leurs dettes permettant d’éviter des procédures d’insolvabilité ». L’idée est de s’inspirer du célèbre chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. La proposition contiendra aussi des mesures pour « donner une seconde chance aux entrepreneurs qui ont été frappés d’insolvabilité », en s’assurant que cette échec ne leur ferme pas trop longtemps l’accès à de nouveaux financements.

« Garder de bonnes relations avec le Royaume-Uni »

Pour mener cette vaste réforme du marché des capitaux, des groupes de travail « sont en cours de constitution ». Ils devront aussi formuler des propositions visant à « soutenir l’investissement dans les technologies vertes » et « accompagner et réglementer l’essor des fintech » – ces nouveaux acteurs technologiques qui secouent l’industrie bancaire. Interrogé sur le Brexit et les problèmes que poseraient l’éventuelle perte de leurs « passeports » par les institutions financières britanniques, Valdis Dombrovskis souligne que « l’intérêt de l’UE est de garder de bonnes relations avec le Royaume-Uni. » Mais il rappelle fermement que « le maintien dans le marché unique est à une condition : en respecter les règles ; c’est un choix stratégique désormais du ressort du Royaume-Uni ».

Derek Perrotte, Les Echos
Bureau de Bruxelles

Source : Les Echos