David contre Goliath. C’est ainsi que se voient de nombreuses PME françaises face à des partenaires, fournisseurs ou même clients à l’étranger. En cause, un droit complexe. Imaginez-vous un instant devoir fournir les e-mails internes de votre entreprise, qu’il s’agisse de ceux de votre secrétaire ou celui de votre comptable, sous prétexte que votre partenaire américain souhaite casser le contrat qui vous lie à lui ? Ce n’est pas de la fiction et cela peut, en outre, vous coûter des millions de dollars. Car, comme le souligne Ron Soffer, avocat aux barreaux de Paris et de New York, « vous pouvez avoir négocié le meilleur contrat du monde et avoir raison, si vous devez aller vous battre au Brésil, au Moyen-Orient ou même aux Etats-Unis, vos droits en vertu de ce contrat seront très compliqués à faire valoir ! »

Qu’il s’agisse d’un contentieux lié à une extension de brevet sur un marché étranger ou d’un simple différend dans le cadre d’un contrat commercial ou de droit de la concurrence, les situations où une entreprise française peut être confrontée au droit étranger sont multiples. Et pourtant, les entreprises s’en soucient peu. Dans le cadre de la négociation d’un contrat, si toutes les clauses économiques et financières sont en général étudiées à la loupe, la clause de la loi applicable et celle de la compétence juridictionnelle sont le plus souvent occultées. Or, les conséquences peuvent être très lourdes. Ainsi, « la procédure de discovery, qui exige que vous fournissiez à l’avocat de la partie adverse tous les documents qu’il demande, y compris le moindre mail parlant de son client, peut avoir des conséquences extrêmement lourdes, et pas seulement financièrement », prévient Ron Soffer.

Pensez à l’arbitrage

Face à un poids lourd états-unien qui souhaite conserver le droit de son Etat, « le chef d’entreprise peut argumenter sur le coût moins élevé d’une procédure française et surtout sur son côté moins invasif dans les affaires de chacun », conseille Ron Soffer. La négociation sur ce point n’aboutit pas ? Vous pouvez négocier dans le contrat le recours à un arbitrage, si possible situé en France, plutôt que celui d’un tribunal. Cette procédure, où le jugement est rendu par trois arbitres, est plus souple. « Mais sachez que les décisions d’un arbitrage sont définitives, les recours sont extrêmement limités, mais une clause compromissoire bien insérée dans un contrat peut éviter les dérives du discovery », avertit Ron Soffer.

Le meilleur des réflexes reste d’agir en amont, lors de la préparation du contrat, en vous penchant sur les clauses juridictionnelles. A noter que, sur ces questions juridiques, Ubifrance propose des conseils sous forme de prestations ponctuelles ou d’abonnement. De même, pour les marchés européens, le réseau Enterprise Europe Network dispense également des conseils juridiques, et en particulier un guide des contrats internationaux.

Vigilance même en Europe

Et n’oubliez pas d’étudier de près les spécificités de chaque pays. Car il n’y a pas qu’aux Etats-Unis qu’il convient de faire attention. Certes, en Europe, les règles de fonctionnement sont assez similaires. Mais, par exemple, dans certains cantons suisses ou en Allemagne, des taxes sont demandées avant toute ouverture de contentieux. Les tribunaux néerlandais, quant à eux, ont généralement une vision libérale et souple du droit des sociétés et cela aura certainement une influence sur la façon dont ils interpréteront les stipulations contractuelles. En Angleterre, il faut normalement deux avocats (le conseil juridique et le plaideur), et le perdant devra régler tous les frais d’avocat de la partie adverse. Avant toute signature de contrat vous liant à l’international, n’oubliez donc pas de vous faire conseiller sur ces clauses de droit loin d’être anecdotiques !

Source : Valérie TALMON – Les Échos