Numérique et PEA-PME suffiront-ils à donner un coup d’accélérateur au financement des entreprises ? Le point avec deux expertes.

Si côté particuliers les conditions d’emprunts se font plus favorables, la situation n’est pas la même pour les entreprises. Selon les deux derniers rapports de l’OCDE (Le financement des PME et des entrepreneurs 2013 et 2014), contrairement aux multinationales qui continuent d’emprunter à de faibles taux, les PME accèdent toujours difficilement au financement bancaire, avec des écarts de taux d’intérêt notables entre petites structures et grandes entreprises.
Une situation confirmée par Cécile André-Leruste, Directrice associée Capgemini Consulting. « Du côté des grandes entreprises, le financement est abondant et peu cher. Pour les PME, la situation est tendue, avec de nombreuses contraintes. Une entreprise ayant besoin de financement long terme peut se tourner soit vers un crédit bancaire classique, soit vers le leasing. Cette formule est en plein développement car ici, la banque conserve la propriété de l’actif. Mais cela n’est possible que pour le financement de biens matériels. Avec Bâle III, les banques demandent davantage de caution et de garanties aux entreprises. Pour une PME, ces exigences figent une partie des actifs ou ouvrent la porte à des cautions personnelles. Tout le poids pèse donc sur les entreprises ! »

Le numérique à la rescousse ?

Une des pistes pour améliorer la situation ? Les outils numériques, permettant notamment aux banques de suivre finement les performances de l’entreprise au quotidien et pas seulement lors de la publication des comptes. A la clé, des demandes de garanties moins systématiques.
«En outre, les nouvelles technologies pourraient permettre aux banques d’offrir des services prédictifs et des informations valorisées (reporting, analyses sectorielles, etc) aux entreprises, ajoute Cécile André-Leruste. De son côté, l’entreprise pourrait transmettre à sa banque davantage de données business, des business plan afin de donner davantage de visibilité à sa banque. » La France est ici en retard par rapport aux banques anglo-saxonnes qui ont depuis plusieurs années mis en place des plates-formes internet complètes de service à destination des entreprises. “Il faut également que les entreprises, dans ce cadre, acceptent de se mettre un peu plus à nu. Les informations vraiment confidentielles ne sont pas si nombreuses et davantage communiquer de données permet en outre de se faire challenger. Ce mouvement pourrait se développer d’ici 2 à 3 ans car il est déjà entamé à destination des particuliers et que les banques devront de plus en plus faire du prédictif pour gérer leurs risques. Cela suppose toutefois en interne pour elles de recruter des data scientists et de former leurs salariés. »

Du côté des assureurs…

Pour tenter de flécher davantage de ressources vers les PME, un décret du 2 août 2013 a modifié le Code des assurances, afin d’élargir les possibilités de financement des entreprises par les assureurs. Selon la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), sur leurs 1.985 milliards d’euros de placements, 58 % servaient au financement des entreprises en 2013, contre 50 % en 2003. Mais on est encore loin de la manne attendue. « On parle beaucoup aujourd’hui de la participation des assureurs dans le financement long terme des entreprises. Cela va dans le bon sens mais la réforme n’est pas assez ambitieuse. », estime Cécile André-Leruste.

Élargir le champ du PEA-PME

Autre changement dans les sources de financement des entreprises, l’arrivée du PEA-PME ne semble pas complètement à la hauteur des enjeux. Cela offre certes une source de financement diversifiée. Mais le PEA-PME n’est souvent considéré que pour les entreprises cotées, ce qui n’est pas le cas de la majorité des PME. “J’aurais aimé qu’une mesure PEA-PME soit dédiée au non-coté“, avance Alexia Perouse, directrice associé (Omnes Capital). Spécialisée dans les investissements en capital-risque dans le secteur de la santé (medtech), Alexia Perouse a par exemple investi dans Pixium Vision qui propose une innovation dans le secteur des prothèses rétiniennes. L’entreprise a par la suite notamment été financée par Bpifrance avant d’opter pour une introduction en Bourse en 2014. « La problématique, c’est que la France a des outils pour financer le démarrage de jeunes entreprises innovantes, souligne Alexia Perouse. Mais si on veut être ambitieux, et concurrencer les Etats-Unis, il faut plus que des perfusions : il faut pouvoir offrir des levées de fonds importantes car sinon, ces entreprises perdent de la valeur. La preuve : des investisseurs américains investissent dans des entreprises innovantes françaises car elles sont sous-évaluées. Cela montre bien le potentiel français… Il y a de l’argent, mais pas forcément où il faut, avec des investisseurs encore trop frileux. Mais globalement, avec un regard expert, les fonds aujourd’hui restent vigilants et sélectif afin de ne pas disperser l’argent comme il y a 15 ans. Il faudrait également davantage de fonds, spécialisés et de plus de 100 millions d’euros, afin de soutenir les ambitions des entreprises. » Pour cela, communiquer sur le potentiel de ces nouvelles entreprises semble un bon point de départ.

Source : Valérie TALMON – Les Échos