L’AFDCC attire votre attention sur cet article des Echos

Le ministre de l’Economie veut se donner encore un peu de temps avant de réviser les prévisions d’activité du gouvernement. Il annonce avoir négocié avec les banques des taux attractifs compris entre 1 % et 3 % pour la prolongation des prêts garantis, et la mise en place de prêts de long terme. La baisse des impôts de production sera une mesure pérenne.

Le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance veut retrouver le niveau économique d’avant-crise d’ici à deux ans.

Les dernières publications d’indicateurs économiques font craindre un tassement de la reprise. Partagez-vous ce constat ?

Soyons lucides, nous sommes confrontés à la crise économique la plus grave de l’Histoire contemporaine. Notre objectif est de retrouver dans deux ans le niveau d’activité économique que nous avions avant la crise : c’est ambitieux, mais atteignable. Les indicateurs de consommation en mai et juin ont été bons car nous avons réagi vite et fort pour soutenir la demande, en particulier avec le chômage partiel et la prime automobile. Mais nous avons devant nous des incertitudes réelles. Sur la situation sanitaire, bien entendu, comme sur la situation internationale, avec le Brexit et l’élection présidentielle américaine. Pour toutes ces raisons, nous maintenons pour l’instant notre prévision de croissance à – 11 % pour 2020.

Est-ce que ce sera encore le cas dans le projet de loi de Finances qui sera présenté dans un mois ?

Nous verrons d’ici à un mois, en fonction des enquêtes de conjoncture publiées d’ici la mi-septembre par l’Insee, s’il y a lieu ou non de réviser les chiffres de récession pour 2020 et du rebond pour 2021. Nous nous battons pour améliorer ces chiffres.

Le rebond de la consommation n’est-il pas seulement un effet de rattrapage ?

Le rattrapage n’explique pas tout. Les mesures que nous avons prises pour protéger les emplois et soutenir la demande dans un certain nombre de secteurs comme l’automobile ont amplifié cet effet. Maintenant, nous voulons relancer durablement la consommation. Les Français doivent consommer et investir dans l’économie les 100 milliards d’euros épargnés pendant la crise. Pour cela, je veux leur donner une garantie : les impôts n’augmenteront pas. Par ailleurs, les baisses d’impôts votées seront respectées. La taxe d’habitation sera supprimée pour tous les ménages d’ici à 2023. L’impôt sur les sociétés atteindra 25 % pour toutes les entreprises en 2022. Nos promesses fiscales sont donc tenues. A ces décisions, nous ajoutons une baisse des impôts de production de 10 milliards d’euros à compter du 1er janvier 2021 pour soutenir les relocalisations industrielles et créer des emplois.

Retarder une nouvelle fois les annonces du plan de relance n’est-il pas contre-productif pour affermir la reprise ? En Allemagne, tout a été mis sur la table en juin pour donner de la visibilité aux acteurs économiques…

Mais beaucoup de choses sont déjà sur la table en France aussi ! Depuis le mois de mars, nous avons mobilisé 460 milliards d’euros pour soutenir l’économie. Toutes les mesures garantissant le succès de la rentrée économique sont déjà en vigueur, en particulier celles qui concernent l’emploi. Dès maintenant, les entreprises peuvent bénéficier d’ une aide de 4. 000 euros quand elles embauchent un jeune . Elles peuvent aussi utiliser le dispositif d’activité partielle de longue durée comme Safran le fait déjà. Pour relocaliser des productions industrielles, nous venons de dégager 100 millions d’euros de subventions directes aux entreprises. Que le plan de relance soit annoncé aujourd’hui ou dans dix jours ne change rien à la mise en oeuvre des mesures. Elles seront inscrites dans le projet de loi de Finances voté cet automne.

Comptez-vous mobiliser le surplus d’épargne pour financer l’économie ?

Bien sûr ! Ces 100 milliards d’euros d’épargne doivent s’ajouter aux 100 milliards d’euros du plan de relance pour soutenir notre économie. Pour cela, nous avons mis à disposition des Français différents produits : les plans-épargne retraite que nous avons renforcés dans la loi Pacte, le PEA ou l’assurance-vie. Les établissements qui les distribuent doivent faire le maximum pour les promouvoir. Je suis prêt pour cela à discuter des assouplissements réglementaires et prudentiels à cette fin, notamment dans le secteur de l’assurance.

Beaucoup d’entreprises s’inquiètent de ce que leur coûteront les prêts garantis par l’Etat (PGE) au-delà de la première année. Avez-vous trouvé un accord avec les banques ?

Beaucoup d’entreprises se sont endettées pour faire face à la crise, en recourant aux prêts garantis par l’Etat. 95 % de celles qui ont eu recours au PGE sont des TPE et des PME : beaucoup ne seront pas en mesure de rembourser leur PGE au bout d’un an, en mars ou avril 2021, et demanderont donc à étendre la durée de remboursement. Nous devons leur donner de la visibilité sur les conditions financières de cette extension. Depuis plusieurs semaines, je négocie avec les banques un taux le plus attractif possible au-delà de la première année. Ce taux évoluera dans une fourchette de 1 à 3 % pour les TPE et les PME, en fonction de la durée de la prolongation du prêt. Ce sera donc bien un taux particulièrement avantageux pour les entreprises.

Les banques demandaient plutôt une fourchette autour de 3-5 % pour la prolongation des prêts garantis. Comment ont-elles été convaincues ?

Tout simplement parce qu’il est de notre intérêt collectif à tous que les PME puissent faire face à leurs échéances de remboursement et se redressent. Depuis trois ans, nous travaillons en bonne intelligence avec les banques sur tous les sujets. Elles ont été constructives pour réduire les frais d’incident bancaire, elles ont participé activement, avec bpifrance, à la mise en place du PGE. Nous voulons continuer à travailler de manière constructive avec un secteur financier qui est indispensable au redémarrage de notre économie.

Vous comptez mettre en place un système de prêts de long terme, assimilés à des fonds propres, pour renforcer le bilan de celles qui sont trop endettées…

Oui, ces prêts de long terme sont indispensables pour les PME qui auraient un niveau d’endettement trop élevé, freinant leur développement et leurs investissements. Nous voulons leur donner des solutions pour leur permettre de continuer à se développer : des prêts participatifs de long terme, d’une durée d’au moins sept ans, qui compteront dans les fonds propres des entreprises, mais sans participation à leur gouvernance. L’Etat apportera sa garantie jusqu’à 3 milliards d’euros, ce qui permettra aux entreprises de lever de 10 à 15 milliards d’euros de prêts à long terme.

Les prêts participatifs sont généralement coûteux. Combien paieront les entreprises ? Y aura-t-il des contreparties à cette garantie publique ?

Le coût de ces prêts est encore en discussion mais il y aura des contreparties, notamment environnementales. Ces prêts devront promouvoir la décarbonation des entreprises et la bonne gouvernance. Les banques pourront exercer une sélectivité pour que les fonds garantis par l’Etat financent des entreprises viables économiquement. Ma responsabilité est de m’assurer que l’argent public finance des entreprises compétitives et durables.

Les prêts participatifs, sans être de la dette, sont quand même des prêts qu’il faudra rembourser, souvent à un taux élevé. Ne craignez-vous pas d’alourdir encore les engagements financiers des entreprises ?

Nous faisons tout pour éviter d’alourdir l’endettement des entreprises ! Mais nous faisons face à une crise inédite. Pour que l’économie se redresse, nous devons prendre des risques. L’Etat a fait le maximum pour soutenir les entreprises et les salariés depuis le début de la crise et il continuera de faire le maximum. C’est un investissement nécessaire et responsable : car je suis confiant dans la capacité de l’économie française à se redresser dans les deux prochaines années. La France était avant la crise le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe, elle avait un des taux de croissance les plus élevés de la zone euro. Elle avait réduit le chômage. Nous pouvons renouer avec ce succès d’ici deux ans. Pour cela, l’Etat doit jouer un rôle qu’il n’a plus joué depuis longtemps. Il doit être l’assureur en dernier ressort de l’économie.

C’est justement ce que demandent les assureurs, avec qui vous discutez de la création d’un futur régime d’assurance-pandémie…

Ce futur régime d’assurance-pandémie est indispensable pour faire face à de nouvelles pandémies. Nous avons lancé une consultation publique sur ce sujet. Je souhaite que nous parvenions à un accord sur ce nouveau régime dans les six mois.

Le plan de relance met l’accent sur l’offre. Est-ce que le soutien à la demande n’est pas un peu oublié ?

Absolument pas ! Trente milliards d’euros pour le chômage partiel, 10 millions d’euros par jour pour l’aide à l’achat de véhicules propres dans le secteur automobile, une augmentation de l’allocation de rentrée scolaire de 100 euros , une réduction du prix des repas pour les étudiants boursiers de 3 à 1 euro : autant de mesures massives de soutien à la demande, en particulier pour les ménages modestes. Mais le plan de relance doit rester un plan d’investissement pour les Français. C’est ce qui nous permettra de construire pour 2022 une économie encore plus forte, encore plus compétitive et encore plus verte.

La baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production est-elle une mesure pérenne qui continuera après les deux ans du plan de relance ?

Oui, pour réussir la relocalisation de la production industrielle en France, nous voulons nous attaquer avec le Premier ministre à ces impôts néfastes que sont les impôts de production. Ils pèsent sur les entreprises avant même qu’elles aient réalisé 1 euro de profit. Ils sont un obstacle aux implantations industrielles. Nous avons choisi de privilégier la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : nous compenserons entièrement la perte de recettes régionales par une fraction de la TVA.

Avec ces mesures, nous ne sommes plus dans des mesures transitoires de crise que vous aviez annoncées, mais dans des mesures structurelles qui vont toucher durablement les finances publiques…

Ces mesures structurelles sont nécessaires pour renforcer notre tissu économique. Seule la croissance nous permettra de redresser durablement les comptes publics. Tous nos choix obéissent à cette volonté de transformer en profondeur notre appareil productif et de développer une économie plus compétitive et décarbonée. En 2017, le président de la République a été élu sur la promesse d’une transformation en profondeur de notre économie. Nous avons tenu cette promesse en mettant en place une politique de l’offre qui a donné des résultats. Nous voulons désormais accélérer cette transformation au service de la transition écologique. Nous réussirons en faisant le choix de la croissance durable et en incitant les Français à changer leur comportement. Je ne crois pas à la décroissance et à la contrainte. La transition écologique doit se faire par le retour de la croissance et avec les Français.

Le déficit budgétaire sera-t-il supérieur aux 5,5 % de PIB initialement annoncés ?

Le niveau du déficit budgétaire sera défini dans le cadre du projet de loi de Finances pour 2021. Ce déficit comme la dette publique qui en résulte sont des investissements indispensables en période de crise, mais le rétablissement des finances publiques doit rester un objectif à terme.

 

Auteurs : Renaud Honoré, Isabelle Couet, Elsa Conesa

Source : Les Echos