La Banque centrale américaine s’inquiète de la croissance rapide de la dette des sociétés des entreprises. En particulier de celles qui présentaient déjà un fort niveau d’endettement. Elle craint que cette situation joue un rôle d’accélérateur d’un futur retournement économique.

Les mots sont pesés, comme il sied aux déclarations des banques centrales. Mais le constat de la Réserve fédérale est sans ambiguïté. « La croissance de la dette commerciale au cours des sept dernières années s’est caractérisée par une forte augmentation des formes les plus risquées de financement, accordées aux entreprises présentant un profil de crédit peu solide ou étant déjà très endettée », écrit ainsi la banque centrale américaine dans son dernier rapport de stabilité financière.

Les préoccupations de la Fed viennent notamment s’ajouter à celles du FMI et des agences de notation qui constatent  une dégradation globale de la qualité du crédit . Objets d’une attention particulière de la Fed, les obligations spéculatives (« high yield ») et les prêts à effets de leviers. Alors que leurs volumes étaient tombés quasiment à zéro en 2016, ils sont fortement repartis à la hausse outre-Atlantique jusqu’à atteindre récemment un rythme trimestriel dépassant les 40 milliards de dollars. Selon les calculs de l’institution de Washington, 40 % de ces prêts à risques accordés au premier trimestre l’ont été auprès des entreprises les plus endettées. C’est-à-dire celles dont l’endettement total dépasse 6 fois leur excédent brut d’exploitation, qui ont de fortes charges d’intérêts et qui ont peu de trésorerie disponible.

Le rapport de la Réserve fédérale note que jusqu’à présent le taux de défaut à plutôt eu tendance à diminuer au cours des derniers mois. Il évolue actuellement autour de 1 %, proche de son plus bas historique. Il n’empêche. « Le niveau historiquement élevé de la dette commerciale et la concentration, plus récente, de cette dette auprès des entreprises les moins solides pourraient poser un risque tant pour ces emprunteurs que pour leurs créanciers », souligne la Fed. Avec à la clef, une contagion à l’ensemble de l’économie si la croissance ralentit ou que les conditions de financement se tendent.

Baisse des protections

Cette hausse récente de l’endettement s’est en effet accompagnée d’une baisse significative des protections accordées aux prêteurs. Les « covenants » – des clauses du contrat de prêt prévoyant, par exemple, un remboursement anticipé en cas de dépassement d’un ratio plafond de dette sur excédent brut d’exploitation, ou l’autorisation des créanciers pour réaliser des investissements – ont pour la plupart disparus. Un phénomène qui touche également l’Europe, comme l’a relevé Moody’s la semaine dernière. « Les prêts aux entreprises notées dans la catégorie spéculative en Europe n’offrent plus aux investisseurs une meilleure protection que les obligations « high yield » » constate l’agence de notation. Une situation qui inquiète d’ailleurs les investisseurs, qui se sont associés  pour défendre leurs droits . 

En outre, la grande majorité des prêts à effet de leviers sont « repackagés » sous forme de « collaterized loan obligations » (CLO). Les investisseurs achètent des parts de ces fonds de titrisation, avec un risque plus ou moins important en fonction du rendement attendu. Notamment les banques et les compagnies d’assurance. Or le marché des parts de CLO est assez peu liquide, selon la Fed. En cas de hausse des défauts, ces grands investisseurs devraient faire face à des pertes, limitant leur possibilité de financer l’économie. Et donc de contribuer au ralentissement.

Par Guillaume Benoit

Source : Les Echos