Source Les Echos, par Edouard Lederer

En France, le financement bancaire aux entreprises a connu une croissance de 6 % à fin juin, un rythme toujours très soutenu, malgré les appels à la retenue. Les opérations de fusions-acquisitions vont alimenter la demande de crédit ces prochains mois.
Nouvelle flambée pour le financement des entreprises. Selon les chiffres publiés lundi par la Banque de France, les « sociétés non financières » – en clair, toutes les entreprises hors secteur financier – ont vu leur endettement progresser de 5,5 % à fin juin sur un an, portant les encours (dette bancaire + financements de marchés) à 1.623 milliards d’euros. Ce rythme de croissance n’avait plus été atteint depuis l’automne 2017 . Plus spectaculaire, les encours de crédits bancaires ont progressé de 6 % sur cette période, portant le stock total de prêt bancaire aux entreprises à 986 milliards d’euros. Il s’agit là aussi d’un rythme inédit depuis le but de l’année 2018.

Puissance retrouvée
Signe de la puissance retrouvée du crédit bancaire classique – un temps remis en cause par l’arrivée de nouveaux types de financements ne transitant pas par la banque – il progresse à nouveau bien plus rapidement que la dette de marché. Ainsi la vague dite de « désintermédiation » n’a que partiellement touché la France : si l’on considère les encours, les entreprises sont toujours endettées à 60 % auprès de leurs banques. Leur part de marché bancaire remonte même à 66 %, si l’on considère uniquement les flux annuels nets de crédit.

Comment expliquer cette bonne tenue persistante du crédit bancaire ? Les arguments traditionnels – concurrence entre les banques françaises, crédit bon marché, bilans bancaires en « bon état » permettant aux prêteurs de rester volontaristes – restent d’actualité. A présent que l’activité économique est repartie en zone euro, c’est tout simplement la demande de nouveaux crédits qui est repartie de plus belle. Cela s’observe en particulier du côté des crédits d’équipements qui connaissent depuis le printemps une croissance annuelle « canon » de 7,7 % de leurs encours.

Alimenter le brasier
Au cours du mois de juillet, une autre composante du crédit est venue alimenter le brasier : les entreprises, et en particulier les PME, ont davantage fait appel à leur banquier pour financer des opérations de fusions-acquisitions. C’est ce qui ressort d’une autre étude de la Banque de France, visant à évaluer auprès des établissements prêteurs la nature des demandes de leurs clients. D’après ce baromètre, cela fait au moins un an que la composante « fusions-acquisitions » n’avait pas autant progressé dans les intentions d’emprunt des entreprises.

Prudence des autorités
Cette dynamique soutenue contraste fortement avec la relative circonspection des autorités. En coulisse ou par voie de communiqué, ces dernières lancent depuis des mois des appels à la mesure sur la distribution de crédit. Le Haut Comité de stabilité financière (qui réunit Bercy, la Banque de France, les superviseurs des banques et des marchés financiers) a récemment durci le ton. Depuis début juillet, les expositions des banques systémiques françaises aux entreprises les plus endettées et résidant en France ne peuvent plus excéder 5 % de leurs fonds propres éligibles. Enfin les banques ont un an pour mettre en place un coussin « contracyclique » de 0,25 % sur leurs actifs pondérés par le risque sur les activités françaises de la banque. Le but n’est pas de freiner le crédit, mais d’éviter un coup de frein trop sec en cas de retournement économique.