Le ratio de la dette privée en France a augmenté de 4, 6 points à 133, 2 % du PIB. Outre-Rhin, le taux augmente plus modérément. Les autorités sont mobilisées pour éviter un coup de frein trop brutal en cas de ralentissement économique.

Les vannes du crédit sont toujours grandes ouvertes dans les deux principales économies de la zone euro. Les taux d’endettement du secteur privé en France et en Allemagne progressent à toute allure alors qu’ils reculent ailleurs en Europe.
Selon les données de la Banque de France, la dette des sociétés privées non financières et des ménages à l’intérieur de l’Hexagone représente 133,2 % du PIB au premier trimestre de l’année, contre 128,6 % un an auparavant. Même tendance outre-Rhin : 92,4 % pour les trois premiers mois de l’année, contre 89,6 % au premier trimestre 2018. Le rythme est cependant plus modéré.

Forte baisse en Espagne

A l’inverse, le ratio de la dette privée en Espagne, qui avait explosé avant la crise, fléchit de 3,9 points sur un an, à 127,8 %. Au Royaume-Uni, le taux d’endettement est passé de 153,5 % du PIB à 151,7 % à fin mars. En dehors du Vieux Continent, le Japon voit son ratio augmenter, à 151,8 % contre 147,6 % un an plus tôt.

En France, cette dynamique est tirée par les entreprises qui sont endettées à hauteur de 73,3 % de la richesse nationale, contre 60 % pour les ménages. La frénésie de la dette s’explique avant tout par le plongeon des taux partout sur la planète finance en raison de craintes de récession et d’interventions des banques centrales. A titre d’exemple, les ménages empruntent pour acheter un logement à 1,2 % en moyenne (hors assurance), un niveau jamais vu depuis plus de 70 ans.

Pour les Etats, les rendements se sont enfoncés en territoire négatif , leur permettant de gagner de l’argent en s’endettant. Ce renversement concerne aussi les entreprises, même celles qui traversent une mauvaise passe.

L’équipementier Valeo , bien qu’il soit touché par le ralentissement chinois et par de nouvelles réglementations européennes sur les émissions, a vu le taux de son obligation arrivant à maturité en 2022 passer sous la barre des 0 %. « Les taux bas sont comme une drogue douce, met toutefois en garde le patron de Valeo, Jacques Aschenbroich, cité par Bloomberg , il existe un effet addictif que nous voulons éviter. Nous ne nous disons pas : la dette est bon marché donc on va en accumuler ».

Les superviseurs mobilisés

Les stratégies commerciales des banques participent également de cet emballement. Les établissements bancaires cherchent à augmenter les volumes pour compenser la compression de leur marge nette d’intérêts. Du côté des particuliers, les banques utilisent le crédit immobilier comme produit d’appel pour capter des clients et conserver leurs parts de marché.
Le phénomène est tel que les autorités de supervision sont en alerte . Elles veulent éviter une fermeture trop brutale du robinet à crédit en cas de retournement économique. En France, elles ont contraint les banques à constituer un coussin contracyclique , une sorte de matelas de fonds propres supplémentaires pour encaisser un choc. Le taux de surcharge a été porté à 0,5 % (effectif en avril 2020), provoquant la colère des établissements.

En Allemagne, la BaFin a emboîté le pas au gendarme bancaire français. Elle a introduit le 1er juillet un coussin contracyclique de 0,25 % des actifs pondérés des risques pour éviter un coup de frein trop fort. Le sujet est d’autant plus inquiétant que l’Allemagne est menacée de récession .

Auteur : Par Étienne Goetz

Source : Les Echos